Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
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En ces temps [toujours] étranges et incertains, voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Vive les micro-musées ! ▫️▫️▫️
On a beaucoup mentionné la NASA ces derniers jours avec la mission Crew Demo 2 et SpaceX. Mais c'est d'une autre histoire dont je veux vous parler aujourd'hui, celle d'Amanda Schochet.
“Si vous m'aviez dit, il y a cinq ans, que je prononcerais aujourd'hui un discours sur notre capacité individuelle à faire la différence, j'aurais grincé des dents. C'était mon travail d'étudier les énormes systèmes mondiaux. J'étais chercheuse à la NASA et j'utilisais des données satellite pour étudier le monde”.
Dans un Ted Talk présenté en novembre 2019, l'écologiste Amanda Schochet revient sur son incroyable parcours. En s'appuyant sur ses recherches sur l'imagerie spatiale de la terre pour la NASA, puis sur son travail de préservation des abeilles en milieu urbain bétonné, elle a imaginé une nouvelle forme de musée. Cette idée lui est venue dans la salle d'attente d'un hôpital public de Brooklyn où elle s'est posée la question “quelles ressources pourrait-on ajouter à des espaces comme celui-ci afin d'avoir un impact?”. “Des musées” a été sa réponse, car ils sont des “super ressources éducatives et sociales”, mais le problème est qu'ils n'atteignent pas tout le monde. Dans son Ted Talk, Amanda Schochet constate :
"Les musées sont les sources les plus fiables d'information publique, plus que les médias et plus que le gouvernement, mais Ils se regroupent aussi dans des quartiers riches. New York a 85 musées à Manhattan, et le Bronx en a huit, bien que ces deux arrondissements aient environ la même population. [...] Aux États-Unis, presque 90% des visiteurs de musées d'art sont blancs, et même dans le réseau de musées gratuits de Smithsonian, presque la moitié des visiteurs adultes ont un diplôme d'études supérieures, ce que seulement 10% de la population possède".
En travaillant sur le concept de “fragment d'habitat social”, Amanda Schochet a eu l'idée de MICRO : un réseau de micro-musées de sciences qui s'installeraient dans des espaces publics inhabituels pour rencontrer des publics distants des musées. Le mobilier modulaire de chaque micro-musée d'une hauteur de 1,85 m de haut (6 pieds), particulièrement bien designé par Louisa Bukiet, peut être placé dans n'importe quel environnement. Deux modèles de musée sont diffusés pour l'instant : "The Smallest Mollusk Museum"* et "The Perpetual Motion Museum".
Les projets de Amanda Schochet : “Notre objectif est que d'ici cinq ans, nous soyons réellement le musée le plus visité du pays... Nos musées sont très petits, mais nos rêves pour eux sont énormes”.
*Note : Le premier modèle de musée de la flotte MICRO a été le "Smallest Mollusk Museum". Amanda Schochet précise à ce propos que “de toutes les extinctions animales documentées depuis les années 1500, plus de 40% ont été nos amis les mollusques”.
2) #BlackLivesMatter: les musées s'engagent ? 💪🏾
J'ai invité le journaliste Sébastien Magro à nous parler de l'engagement des musées dans le mouvement "Black Lives Matter" qui secoue actuellement la planète:
Suite au meurtre de Georges Floyd, un homme africain-américain aux mains d'un policier blanc, de nombreuses manifestations ont lieu depuis 10 jours aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Dans le sillage du mouvement #BlackLivesMatter, les manifestants luttent contre le racisme et les violences policières. À l'international, plusieurs réactions ont émergé dans le secteur culturel.
“Certains musées ont publié des messages affichant leur soutien aux personnes noires, parfois maladroitement, revenant par la suite sur une première déclaration, comme le Getty. D'autres se montrent plus habiles, exemple à Londres, où le Natural History Museum se demande si les musées d'histoire naturelle sont fondamentalement racistes, tandis que le Horniman lance une initiative autour de ses collections d'Afrique et des Caraïbes, ou que la Tate propose des ressources autour des artistes noir·e·s et de leurs œuvres. Des professionnel·le·s du secteur marquent leur engagement dans une dynamique de renouveau, comme la fédération des musées de Bruxelles, qui explique en quoi les musées ne sont pas neutres. MEG, une association de musées d'ethno britanniques, souhaite œuvrer à une plus grande transparence et apporter une assistance technique aux musées qui travaillent sur des projets de restitutions. Sur Twitter, des professionnel·le·s racisé·e·s racontent leurs expériences, à l'image du témoignage très relayé de Chaédria LaBouvier, commissaire de l'exposition Basquiat au Guggenheim en 2019, ou de Kimberly Rose Drew, ancienne community manager du Met, qui est revenue sur son parcours. Enfin, des militant·e·s ont relevé les incohérences, pointant les effets d'annonce, comme cet étudiant qui déploie, dans un long fil de tweets, les enjeux des restitutions d'objets des collections du British Museum vers l'Afrique, ou le compte Museum Detox, animé par des bénévoles racisé·e·s.
Du côté des instances culturelles internationales, l'ICOM a publié une tribune ambitieuse, rappelant que "Les musées ne sont pas neutres. Ils ne sont pas séparés de leur contexte social, des structures du pouvoir et des luttes de leurs communautés. Et quand il semble qu'ils sont séparés, ce silence n'est pas de la neutralité, c'est un choix – le mauvais choix."
Pendant ce temps, en France, aucune réaction des musées directement concernés : le MNHN, le musée de l'Homme, le Palais de la Porte dorée ou encore le Louvre. Seul le quai Branly a (timidement) réagi en relayant la captation d'une conférence donnée au musée par l'universitaire africain-américain Cornel West en 2018, mais sans s'engager dans la conversation.”
Envoyé par Sébastien Magro le 06/06/2020.
3) La bonne vitesse 🏃💨
“C’est comment qu’on freine
Je voudrais descendre de là
C’est comment qu’on freine”
Chanté par Alain Bashung - texte de Serge Gainsbourg
Chaque année des infographies affichent ce qui se passe en 60 secondes dans Internet. Une des dernières, publiée par Lori Lewis en mars 2020, indiquait qu'en une minute 4,7 millions de vidéos sont vues dans Youtube et que 190 millions de emails sont envoyés. Ces infographies soulignent les rythmes frénétiques des flux numériques. Il est aussi courant de voir des comparaisons entre deux années pour montrer que la majorité des flux continue d'augmenter. Le message implicite nous dit qu'il faudrait toujours publier plus et plus vite. Face à cette injonction, depuis quelques années, et plus encore depuis le confinement, de nombreux membres de la communauté muséale ont indiqué qu'il serait nécessaire de ralentir le rythme des activités des musées.
“la tendance forte de ces dernières années à l’hyperévènementialisation, à la « production »: la crise nous offre le temps de ralentir ; ne faut-il pas saisir cette opportunité pour questionner ce schéma productiviste du musée ? et amplifier le cœur de mission d’un vrai « musée citoyen », d’un musée, lieu de connaissances, de recherche, d’études, qui vit sur le temps long.” Céline Chanas (Texte publié le 18 Avril 2020 par l'OCIM).
Le “slow mouvement” ou mouvement doux en français est né au milieu des années 1980 à Rome face à l'implantation des fastfoods. Il s'est progressivement étendu à toutes les activités humaines sous différents noms (slow food, slow cinema, slow media, slow web...) et a été popularisé en 2004 par le best-seller de Carl Honoré "Éloge de la lenteur". Si beaucoup n'ont retenu que l'accroche du titre, une idée que je trouve très intéressante chez Honoré est celle de la bonne vitesse.
"La philosophie de la lenteur ne consiste pas à tout faire à un rythme d'escargot. Il s'agit de chercher à tout faire à la bonne vitesse." Carl Honoré
4) La vie augmentée mode d'emploi 🏠🖼️
“C'est dans les derniers mois de sa vie que le peintre Serge Valène conçut l'idée d'un tableau qui rassemblerait toute son expérience : tout ce que sa mémoire avait enregistré, toutes les sensations qui l'avaient parcouru, toutes ses rêveries, ses passions, ses haines viendraient s'y inscrire, somme d'éléments minuscules dont le total serait sa vie.”
En 1978, Georges Perec publiait chez Hachette "La Vie mode d'emploi" ; une œuvre considérable constituée de 99 chapitres.
Fin mai 2020, Alain Korkos a terminé un inventaire des images contenues dans le livre de Perec, "qu’elles soient signifiées comme telles ou qu’il s’agisse de situations, personnages ou objets dont les présences sont autant de références picturales". Un travail qu'il a compilé, non sans humour, dans un site web spécifique :
http://laviemodedemploi.alainkorkos.fr/
Alain Korkos, qui êtes-vous ?
“J’ai été illustrateur et auteur pendant plusieurs dizaines d’années, et aussi journaliste spécialisé dans l’histoire de l’art et l’analyse d’images pendant dix ans, chez Arrêt sur images.
Mais avant tout je suis autodidacte et m’intéresse à des tas de truc différents, principalement dans le domaine de l’image: je peux passer de Rembrandt à Tarzan en moins d’une seconde et demie sans airbag ! C’est grâce à cet éclectisme que j’ai pu réaliser ce boulot sur "La vie mode d’emploi" de Perec.”
“Tentative de recensement d'une iconographie perecquienne”, pourquoi ce projet ?
“À chaque fois que je lisais ce bouquin, je me disais que ça fourmillait d’images. Des images par brassées entières, des images à la pelle. Il y avait les dix tableaux faisant partie des contraintes que s’était infligées Perec, bien sûr (car il s’agit d’un roman à contraintes, 42 contraintes attribuées à chacun des 99 chapitres), mais pas seulement. Alors je suis parti à la chasse avec ma mémoire comme outil principal, les livres et l’internet comme assistants. La chasse a été bonne (au rayon internet, je dois signaler le blog de Willy Wauquaire, qui fit avant moi un gros travail sur "La vie mode d’emploi").”
Des réactions, une anecdote ?
“On m’a dit que c’était un travail de dingue. Admettons… Certains lecteurs ont également critiqué quelques-unes de mes suggestions, tout en en validant d’autres ; mais d’un interlocuteur à l’autre, jamais ces critiques et ces validations ne se sont recoupées !
De toute façon ce travail n’est pas vraiment terminé, il y aura toujours des choses à rectifier, à affiner, "La vie mode d’emploi" n’a pas encore livré tous ses secrets.”
5) Se projeter avec vous 🙋🤟
Dés sa conception, Muzeodrome a été pensé pour être plus qu'une infolettre. Il est aujourd'hui temps de construire ensemble son avenir. Pour cela, j'ai besoin de VOUS. Je vous ai préparé un questionnaire très facile à remplir où je vous pose un ensemble de questions sur l'infolettre et sur les évolutions de Muzeodrome. Plus vous serez nombreuses et nombreux à y répondre, plus il me sera possible d'effectuer les bons choix.
Je vous invite dés maintenant à répondre à 10 questions sur l'avenir de Muzeodrome en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Note : d'ici trois ou quatre semaines, je ferai une première synthèse de vos réponses.
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A tout soudain pour un prochain numéro,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps1 : Un grand merci à Michel Kouklia pour sa relecture et ses propositions.
Ps2 : Le titre de ce numéro s'appuie sur une célèbre citation du Bossu de Paul Féval ;-)