👉 Dans ce numéro 131, deux invité·e·s pour nous parler de deux expositions états-uniennes…
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J’ai invité mon ami Sébastien Magro, l’éditeur de La botte de Champollion (l’infolettre sur la décolonisation, l’héritage colonial et esclavagiste des musées), a écrire une notule sur une des expositions qu’il a visité lors de son dernier voyage aux États-Unis.
Une histoire des avenirs noirs 🖖🏿
par Sébastien Magro
Jusqu’au milieu de l’été 2024, le National Museum of African American History and Culture de Washington accueille l’exposition « Afrofuturism: A History of Black Futures ». Elle présente le concept et fait la part belle aux icônes du mouvement des années 1970 à nos jours, à travers une centaine d’objets.
Apparu en 1993 sous la plume du chercheur Mark Dery, le terme « afrofuturisme » désigne un courant artistique du 20e siècle qui se déploie dans la littérature, la musique et les arts visuels mais aussi dans les industries culturelles (comics, jeux vidéos, cinéma et séries télévisées). Il désigne les approches de la technologie, de la science-fiction, de la fantasy développées par les afrodescendant⋅es. Pour le commissaire Kevin Strait, l’afrofuturisme permet aux personnes africaines-américaines de « ré-imaginer, réinterpréter et revendiquer leur passé et leur présent, pour construire un futur émancipateur ». Dans ce courant s’expriment leur identité, leur créativité et leur agentivité à travers la création artistique, l’activisme et la recherche scientifique.
L’exposition se déploie sur trois sections qui embrassent la totalité des secteurs couverts par l’afrofuturisme. Elle s’ouvre sur les origines africaines des « Black Futures » avec certaines cosmogonies du continent, dont celles des cultures dogon et yoruba, puis les grandes figures intellectuelles comme le sociologue W.E.B. DuBois et l’autrice de science-fiction Octavia Butler. La deuxième section met à l’honneur l’industrie musicale : pochettes de disques, instruments, costumes de scène, clips d’Earth, Wind and Fire, Prince, Erykah Badu ou Janelle Monáe. L’exposition se referme sur les futurs possibles, avec notamment les tenues d’icônes de la pop culture : l’uniforme de Nyota Uhura, incarnée par Nichelle Nichols dans la première série Star Trek et qui a influencé la présence de personnes noires dans l’aérospatial, le hoodie de Luke Cage dans la série éponyme ou encore un hommage à l’acteur Chadwick Boseman, avec l’impressionnante armure de Black Panther du MCU.
« Afrofuturism: A History of Black Futures » est une belle exposition, richement documentée, qui décrit le paysage vibrant de ce courant. Amateur⋅trices de culture « légitime », fans de pop culture ou les deux : tout le monde y trouvera son compte.
Informations pratiques
« Afrofuturism: A History of Black Futures », National Museum of African American History and Culture, Washington, DC (États-Unis), du 24 mars 2023 au 18 août 2024.
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Construire un avenir meilleur 🏗️👌
Dirigeante de Museovation, Elisabeth Gravil effectue une veille constante sur la créativité des musées. Nous échangeons régulièrement nos points de vue depuis plus de cinq ans. Nous travaillons aussi parfois de concert sur des missions de stratégie numérique (dernièrement pour le musée des Augustins de Toulouse). Au début de l’été 2023, Elisabeth était New-York.
Elisabeth, pourquoi es-tu allée à New-York ?
Je réalise une revue des initiatives et meilleures pratiques des musées hors de France de manière régulière depuis 5 ans, afin d’alimenter ma propre réflexion stratégique et pour fournir des exemples concrets à mes clients. Ces trois dernières années, j’ai suivi de nombreux webinaires mais il arrive un moment où il faut aller sur le terrain pour voir si le discours correspond à la réalité.
Peux-tu nous parler du Cooper Hewitt Museum que tu as à nouveau visité au début du mois de juillet 2023 ?
Situé à deux pas du Guggenheim, le Cooper Hewitt est dans les murs de la « Carnegie mansion » transformée en musée dédié au design et à ses pratiques. C’est surtout un membre de la Smithsonian, et dans ce cadre, il s’est donné pour mission d’aider les autres musées dans leur réflexion stratégique. C’est donc pour moi une visite incontournable pour faire progresser les pratiques numériques muséales par la compréhension des visiteurs grâce au Design Thinking.
Qu’est-ce qui t’a interpellée au Cooper Hewitt Museum cette fois-ci ?
Une exposition sur la compréhension des apports de la paix par le design : « Designing Peace : Building a better future ». Ayant quitté la France juste après les jours d’émeutes, cette exposition m’est apparue comme une réponse possible pour penser les problématiques sociétales, environnementales et économiques auxquelles sont confrontées nos sociétés. L’exposition part du constat que la paix n’est pas l’absence de guerre mais un processus dynamique qui se construit, en s’appuyant sur les techniques du Design Thinking couplées aux 17 objectifs de développement durable de l’ONU. On peut ainsi créer du lien et maintenir des interactions pacifiques, soit par des confrontations créatives, soit par des conceptions itératives qui exigent l’adoption de la vérité et de la justice, dans un principe de réconciliation et d’inclusion de voix multiples, afin de construire un nouveau contrat social.
Quelles sont les propositions de l’exposition qui t’ont le plus marquée ?
Je classerai les propositions en trois grandes catégories permettant toutes de passer à l’action : celles qui permettent de visualiser l’étendue d’un problème (Harassmap.org), celles qui provoquent l’empathie par effet de miroir (Teeter-Totter Wall) et celles qui provoquent la discussion dans un espace sécurisé pour envisager un autre futur (Conflict Kitchen).
Des ateliers « Beautiful Trouble » sont régulièrement menés au musée avec des groupes d’élèves afin d’ouvrir la discussion sur de nombreux sujets : Art & activisme, Remettre en cause le pouvoir, Histoires, Formulation et changement social etc.
Informations pratiques
« Designing Peace : Building a better future », Cooper Hewitt Museum, New-York (États-Unis), du 10 juin au 6 août 2023. L’exposition sera ensuite présentée au Museum of Craft and Design de San Francisco (États-Unis), du 7 octobre 2023 au 4 février 2024.
Note : Lors de son séjour estival à New-York, Elisabeth a exploré d’autres expositions dont « Fire » présenté au Fotografiska. Elle en parle dans un article consacré à deux expositions autour du FEU dans son blog Medium.
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Lu, vu, entendu ⚡
Wikiway | Lancée pendant le printemps 2023, cette application pour smartphone permet de découvrir, grâce aux articles de Wikipédia, des lieux situés autour de vous en France ou à l’étranger. Que vous soyez un·e touriste ou pas. Centrée autour de 14 thématiques dont “lieux de culture et de spectacle”, cette application open source et gratuite a été développé par la société Bivilink avec le soutien de l’association Wikimédia France.
Zéro vue | PetitTube.com est une page web qui présente à chaque chargement une vidéo Youtube qui n’a jamais été visionnée. Pour en savoir un peu plus, lire cet article publié par L’UsineDigitale. Un projet qui n’est sans rappeler le principe du dispositif web Never Been Seen mis en place par le Science Museum Group - voir le n°61 de l’infolettre.
D’autres types d’univers | Le titre de ce n°131 fait écho à deux citations.
La première du singulier compositeur et musicien Sun Ra (citation trouvée du coté du Digitalophone):
“I am a musician, but I’m another type of musician.” ― Sun Ra
(“Je suis musicien, mais je suis un autre type de musicien”)
La seconde de l’universitaire et auteur de science-fiction Samuel R. Delany dans son roman Babel 17 (1966) :
“When you learn another tongue, you learn the way another people see the world, the universe.” ― Samuel R. Delany
(“Lorsque vous apprenez une autre langue, vous apprenez la façon dont d'autres personnes voient le monde, l'univers.”)
Sun Ra et Samuel R. Delany sont tous deux importantes figures de l’afrofuturisme.
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Bravo, vous avez réussi à lire tout ce numéro 131 !
La suite au prochain numéro,
à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer - Spécialiste des {autres} numériques, j'accompagne les organisations culturelles pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics : idées - projets & prototypes - AMO - stratégies - formations...
P.S.: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro.
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Merci pour cette nouvelle infolettre qui comme chaque fois ouvre "vers d'autres types d'univers" ! j'adore !
Comme d’hab on glane toujours une info intéressante : cette fois c’est la découverte (et le téléchargement) de l’appli Wikiway. ! Merci Omerus !