Bonne année 2023 à toutes et tous,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
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“Quand on partait de bon matin
Quand on partait sur les chemins
A bicyclette”
Début de la chanson “La Bicyclette” chantée Yves Montand
Ce court numéro 121 est principalement constitué d’un entretien avec Jean-Louis Fréchin autour des bicyclettes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
▙
/// L’entretien \\\
Faire des vélos 🚲
Il existe de nombreux musées de la bicyclette dans le monde. Par exemple celui situé dans le château de Bosc (Domazan, Gard, France) qui présente dans ses collections une draisienne zoomorphe du début du XIX siècle classée Monument historique.
Mais qu'en est-il du vélo d’aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, j’ai questionné le designer Jean-Louis Fréchin qui a assuré le commissariat de Bicyclette(s), faire des vélos, expo-événement sur le renouveau du cycle en Europe présentée à la Cité du design de Saint-Étienne du 8 novembre 2022 au 1er mai 2023.
Jean-Louis Fréchin a été un des pionniers du CD-ROM culturel en France. En 2001, il a créé NoDesign, une des premières agences de design numérique. Nous sommes tous les deux intervenus en 2013 sur un projet porté par Anabole « vu du RER C» - une application transmédia et urbaine qui superposait deux visions du territoire traversé par le RER C : le présent et le passé. Mais revenons aux bicyclettes…
Que montre l'exposition Bicyclette(s), faire des vélos ?
Quelle est son ambition ?
Le vélocipède, qui a été inventé en Europe, est la première machine qui a permis aux humains de se déplacer plus rapidement.
Au fil des années, il est devenu un élément important de notre culture, tant pour ses utilisations pratiques que pour son empreinte culturelle. Il a été déclassé comme objet de mobilité à partir des années 1950 par l’automobile et s’est replié vers les loisirs et le sport.
Dans les années 1970, l’industrie française du vélo a été confrontée à une forte concurrence avec le mountain bike américain, l’industrie taïwanaise et l’innovation des Japonais de Shimano. Elle a également été impactée par la concurrence des grandes surfaces et le coût du travail, ce qui a conduit à la disparition de l’industrie française, autrefois championne du monde.
Aujourd’hui, Taiwan est à la tête de l’innovation dans le domaine du vélo. On assiste à un renouveau en Europe où des mesures antidumping ont été prises en 1993 et en 2013 pour protéger ce qui restait de l’industrie. Ainsi, les Hollandais de VanMoof réinventent le vélo urbain, l’Allemagne l’électrifie, tandis que l’Italie est l’un des rares pays à avoir conservé une histoire, un présent et un futur dans la production de vélos de qualité. On assiste à un renouveau en termes de pratique, de culture et d’industrie en Europe, mais également en France.
Peut-on consommer sans fabriquer ? L’exposition Bicyclette(s), Faire des vélos vise à montrer un éventail de produits pour la ville, les voyages, le sport et les démarches d’innovation et de création en Europe grâce aux propositions d’entreprises comme Décathlon, Cycleurope, 12 Cycles ou Moustache qui relancent l’innovation et la culture du vélo en proposant des produits de qualité, originaux et durables, certains étant totalement produits en France comme ceux d’Ultima Mobility, des Cycles Victoire ou de Cyfac.
Il y a 100 ans, dans les années 1920, Saint-Étienne était la capitale française, voir même européenne, de la petite reine. En complément à l'exposition à la Cité de Design ne manque t-il pas une autre exposition sur plus d'un siècle d'innovations dans le domaine vélo ?
Pouvions-nous faire une exposition sur le renouveau de l’industrie et de la pratique du vélo ailleurs qu’à Saint-Étienne ? Nous avons donc construit avec le Musée d’Art et d’Industrie, qui est un musée exceptionnel avec une collection de vélos d’arme et de métier à tisser les rubans unique au monde, un chapitre sur le cycle stéphanois. L’incontournable Paul de Vivie, dit "Velocio", entrepreneur, inventeur du dérailleur et du cyclotourisme, mais également premier théoricien de la bicyclette comme vecteur d’émancipation. Nous exposons des vélos de "Sainté" qui ont marqué leur temps, comme le Mercier Rose que Poulidor a offert à Hervé Revelli, footballeurs de l’épopée des verts, les révolutionnaires Vitus en aluminium ou carbone collé et les étonnants Mecacycle de Raymond Crozet.
Cette expo sur le renouveau de la fabrication et de l’innovation en Europe aurait pu bien sûr s’attacher aux archives et brevets de toutes les inventions qui ont parcouru la bicyclette, comme celles proposées dans chaque catalogue Manufrance.
Mais plutôt qu'une expo sur un passé glorieux et douloureux nous avons préféré un présent et un futur radieux. Un espace l’"Atelier" montre les secrets de fabrication des jantes en Alu Mavic, des roues carbone Corima. Des éclatés relèvent les secrets du Carbone d'un vélo Look ou la complexité de production d’un vélo électrique en acier Heritage Bike et de beaucoup autres composants indispensables.
Il est vrai que nous aimons le patrimoine en France, nous sommes moins à l’aise avec le futur, la création, l’industrie et la fabrication de produits. Aussi, nous avons décidé de concevoir cette expo sous-titrée "faire des vélos" comme objet éducatif et politique pour créer des vocations et valoriser les créateurs qui font perdurer ou réinventer un savoir-faire avec les conditions contemporaines. À l’exemple des cycles Victoire qui est à l’initiative de la récréation du "concours de machines" qui symbolisait le progrès dans les années 30. Le patrimoine n’est jamais loin.
Tu es l'auteur de l'ouvrage Le Design des choses à l’heure du numérique (2019). Peux-tu nous indiquer ce que les développements numériques les plus récents apportent à la conception / fabrication / utilisation des bicyclettes ?
Ce livre est surtout un manifeste de la nécessité du design dans un monde dont les moteurs technologiques sont totalement bouleversés. Le numérique est omniprésent dans les vélos contemporains, d'abord dans l'espace de conception avec la CAO, l'adaptation au corps, les composants en impression 3D métal, les motorisations adaptatives. C'est ce que nous avons voulu illustrer chez NoDesign.net avec le vélo que nous avons conçu pour l'exposition "Batspad, En Route", qui est une pure occurrence d'un processus totalement numérisé.
Ensuite, le numérique serviciel permet d'opérer, de maintenir et de protéger les bicyclettes modernes, véritable objet connectés, qui permettent d'opérer le vélo, de piloter le dérailleur et les changements de vitesses, ou de les traquer en cas de vol ou de gérer usage et la batterie pour les vélos électriques, comme le Cow-Boy, Van Moof ou Iweech,
Ensuite, en sport ou cyclotourisme, des applications permettent le suivi de performance et d'effort. Elles permettent aux utilisateurs de suivre et de partager leurs activités sportives en utilisant leur smartphone et affichent les données de l'activité (distance, vitesse, calories brûlées, dénivelés). Elles offrent également des fonctionnalités sociales et une carte interactive affichant les parcours populaires, les points d'intérêt pour les sportifs et les rois de la montagne sur des segments populaires. Nous avons, pour illustrer cela, conçu un simulateur de grimpe spécifiquement pour l'expo. Il permet de se mesurer à deux sur le dernier kilomètre du col de la république, dite montée Velocio. C'est assez sportif !
Parmi les 70 bicyclettes que présente dans l'exposition, si tu devais n'en garder qu'une pour ton usage personnel - ce serait laquelle et pourquoi ?
Comme designer, j'aime d'abord les machines et les processus qui leur permettent d'exister, mais ce sont surtout les cadreurs, concepteurs, ingénieurs ou designers qui les font que je préfère avant tout. C'est pourquoi, il y a plus de 25 portraits d'inventeur de vélo dans l'exposition. En tant que commissaire, les bicyclettes qui sont présentes ont toutes quelque chose à nous dire et un intérêt technique, esthétique, productif ou historique. Je dirais que mon vélo préféré est celui qui vous donnera envie de faire ou refaire du vélo.
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/// Les brèves \\\
/// Les brèves \\\
Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Vélos | Pour compléter le sujet principal de ce numéro deux infolettres sur la bicyclette: Rustine écrite par Clément Tardy pour Cyclofix et Le Concentré Vélo de Léry Jicquel (Léry fait partie du groupe #TeamInfolettre - groupe d’échange et de réflexion sur les infolettres que j’ai lancé avec Tim Vinchon de Rembonine en septembre 2022).
Jeux Vidéos | “La sauvegarde, la mise en valeur et l’utilisation à grande échelle du patrimoine audiovisuel” suisse sont assurées par Memoriav. En décembre 2022, l’organisation a clôturé son projet sur la situation de la conservation des jeux vidéo en Suisse et présenté le rapport final de ce projet pilote : “État des lieux de la préservation du jeu vidéo en Suisse et dans le monde”.
Numériques | Le 24 août 2022, lors de réunion de l’ICOM à Prague, Seb(astien) Chan - actuellement directeur et CEO de l’Australian Centre for the Moving Image (Melbourne - Australie) - a effectué une intervention éclairée sur les rapports entre les musées et les numériques.
Intervention où il constate les fragilités des numériques : ”Tous les spécialistes des technologies pour les musées un tant soit peu expérimentés vous diront "... la technologie est chère, difficile, nécessite beaucoup d'entretien, elle se brisera, deviendra obsolète et votre fournisseur disparaîtra". Ils ont raison.”.
Intervention où il souligne la nécessité de quitter l’autoroute pour d’autres chemins plus éthiques et durables :
- ”De nos jours, tous les musées ont un site web… Leur présence sur le web n'est qu'un moyen de communiquer leur existence, comme un panneau sur l'autoroute que les voitures dépassent à toute vitesse sans s'en apercevoir”.
- “L'internet est désormais inondé de contenu numérique et les musées inondent le web de leurs collections numérisées. En raison de l'économie des plateformes web, tout est tracé. Dans une économie de l'attention, la largeur l'emporte sur la profondeur. Plus, plus et plus encore.”
Intervention où il pose cette question à laquelle nous devons toutes et tous chercher des réponses : “Comment pouvons-nous passer des technologies de l'information et des données à celles de la construction d'un monde, de la narration, de l'émotion et de l'imagination ?“
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Voila, c’est déjà la fin de ce numéro 121 - Merci pour votre attention.
L’infolettre Muzeodrome va faire une petite pause - le prochain numéro sera publié début février - à tout soudain,
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Je suis Omer Pesquer. Spécialiste des (autres) numériques, j'accompagne les organisations culturelles pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics.
Les éditions précédentes de l’infolettre Muzeodrome sont consultables ici.
Pour effectuer un recherche dans ses éditions, c’est par là.
P.S.: Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro.