Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
👉 A partir de ce numéro, l'infolettre sera publiée le second et quatrième mercredis de chaque mois - parfois exceptionnellement le cinquième mercredi à la place du quatrième car nous avons la chance d'avoir certains mois avec cinq mercredis ;-)
👉 Ce numéro 128 débute par un petit détour à Vienne proposé par un lecteur très fidèle de l’infolettre.
Pas abonné·e·s ?
▙
Vers les musées viennois 🏛️🏛️🏛️
Grand amateur de la « petite reine », Pierre Métivier (Twitter / Flickr) est un lecteur attentif de l’infolettre Muzeodrome depuis ses premiers numéros. Fin avril 2023, Pierre m’envoie des photos de ses découvertes à Vienne (Autriche). Je lui dit alors que je souhaite publier certaines des photos qu’il m’envoie. Le temps passe (trop vite) et mi-juin, je le recontacte…
Pierre, pourquoi es-tu allé à Vienne ?
On vient à Vienne pour l'histoire, pour les musées, pour la musique, pour les valses, pour l'architecture, pour les dorures et le strass, pour les cafés voire pour les desserts. C'est la ville de Sissi, de Klimt, de Schiele, de Gustav Mahler, des Strauss et du Troisième Homme.
Quel sont pour toi les musées incontournables de la ville ?
Le Kunsthistorishes Museum pour ses collections magnifiques de peintures flamandes, espagnoles, italiennes et une salle magique qui contient une dizaine de Bruegel dont la célébrissime "Tour de Babel". Il ne faut pas oublier de lever la tête ne montant l'escalier monumental du hall d'entrée pour admirer les panneaux de Klimt, bien sûr.
Le MuseumsQuartier avec entre autres : le Leopold museum (son expo Vienne 1900, ses Klimt et un étage consacré en grande partie à Egon Schiele) - le MUMOK (le musée d'art moderne, petit frère dans son contenu du Centre Pompidou - un capharnaüm d'images dans un espace résolument contemporain) - Les deux Belvédères (qui hébergent de nombreux Klimt dont le Baiser, universellement connu, mais dans son format original carré alors qu'on ne voit souvent que la couple sans le reste du tableau) - Le Pavillon de la Sécession (où l'on retrouve des fresques de ... Klimt).
Il y en a de nombreux autres. Tout cela n'est pas très original mais tellement magnifique.
Un coup de cœur en dehors de ces incontournables ?
La Kunst Haus - Côté est de la ville et légèrement à l'écart du centre touristique se trouve le musée construit par et dédié au peintre et architecte iconoclaste, Hundertwasser, un homme proche de la nature et indépendant de l'influence des modes et des courants du monde contemporain. Ce musée présente une diversité jubilatoire de formes et de couleurs. La plupart de ses peintures s'y trouvent. Pas (ou peu) de lignes droites ou de surfaces planes (y compris les sols, cela surprend).
Mining photography - Une expo temporaire au même endroit présentait l'impact écologique de la photographie, établissant le lien entre le développement de l'industrie chimique liée à la photo analogique (cuivre et argent par exemple) et sa grande sœur, la photo numérique (et l'électronique nécessaire) avec, entre autres, un miroir connecté équipé de caméras, repérant les appareils électroniques du visiteur et lui indiquant les consommations d'énergie et de terres rare liées à la fabrication de ses appareils. Très efficace en terme de communication, même si...
Et du coté installations muséales ?
Je ne suis pas un spécialiste mais deux installations ont retenu mon attention.
Dans le Kunsthistorishes Museum dans plusieurs salles très classiques, les Naked Masters, une expo mélange allègrement et avec bonheur des portraits classiques et d'autres contemporains qui auraient trouvé leur place au MUMOK. D'autres salles intègrent peintures classiques et contemporaines.
A few degrees more. Au Leopold museum, certains tableaux sont penchés de 4 degrés, ce qui est visiblement étrange, pour alerter sur le dérèglement climatique et l'augmentation des températures de 4°C. [Voir Muzeodrome n°125]
Pour terminer cet entretien, Pierre nous offre une belle citation d’Hundertwasser: "The line I trace with my feet walking to the museum is more important and more beautiful than the lines I find there hung up on the walls" (“La ligne que je trace avec mes pieds en marchant vers le musée est plus importante et plus belle que les lignes que j'y trouve accrochées aux murs”).
Note complémentaire : Fin mars 2023, Arte avait consacré un reportage à l’exposition Mining photography. Intitulé “La photographie est-elle durable ?”, ce reportage de trois minutes était articulé autour d’un entretien avec Sophie Haslinger, commissaire d'exposition spécialisée dans la photographie et l'écologie.
▚
Au travers des archives numériques 🗃️💻
Le New Museum of Contemporary Art de New York (USA) est reconnu pour ses approches novatrices et sa mission « New Art, New Ideas » [nouvel art - nouvelles idées].
Fondé en 1977 par l'historienne de l'art et conservatrice états-unienne Marcia Tucker, le New Museum a tout d'abord ouvert ses portes sur la Cinquième Avenue dans un espace du Graduate Center de la New School for Social Research. Il a ensuite déménagé plusieurs fois. Il est aujourd’hui situé au 235 Bowery, dans le Lower East Side de Manhattan.
Le New Museum présente une particularité, il ne dispose pas d’une collection d’œuvres. Sa collection est constituée des archives de sa programmation.
”En tant qu'institution non collectrice, le contexte programmatique du New Museum et la documentation qui en résulte servent de matériaux primaires dans sa collection d'archives, formant son empreinte historique. Les archives physiques du musée contiennent des imprimés, des documents photographiques et d'autres documents éphémères, qui sont numérisés et ajoutés en permanence à une collection numérique croissante.”
New Museum (à propos de ses archives)
Les archives numériques du New Museum contiennent aujourd’hui plus de 10·000 objets (images, vidéo, audio). Celles-ci racontent l’histoire du musée ainsi que les évolutions artistiques et culturelles qui se sont opérées sur une période de plus de quarante ans.
Ces riches archives sont consultables dans un site web spécifique lancé en septembre 2017 : https://archive.newmuseum.org/
Dans ce site, une chronologie permet d’explorer l’histoire du musée. Et si vous êtes né·e après le mois de mai 1977, vous pourrez aussi facilement retrouver quel·le·s étaient les artistes exposé·e·s par le musée le jour de votre naissance.
▚
Avez-vous rêvé d'audioguides ? 🎧💭
Les origines des audioguides remontent aux années 1950 (voir Muzeodrome n°105). Environ 50 ans plus tard, en 2002, Guillaume Ducongé fonde la société spécialisée dans les dispositifs de visite mobiles Audiovisit. En avril 2009, Audiovisit publie la première application pour smartphone d’un musée français - celle du musée de Cluny (cette application est peut-être même la première application pour smartphone d’un musée au monde).
Bonjour Guillaume, quand as-tu découvert l’audioguide ?
Adolescent, j’étais allé visiter le monastère royal de Brou (CMN). Une voix grave racontait des histoires du passé sur une belle musique via un triple lecteur de CD. C’était enthousiasmant, mais assez rapidement j’ai trouvé ça épuisant : les commentaires étaient longs et l’appareil trop lourd !
Qu’est-ce qui t’a amené à t’investir dans ce domaine professionnellement ?
Au début des années 2000, nous travaillions dans le tourisme lorsque nous avons vu sortir les premiers lecteurs MP3. C’était plus adapté qu’un audioguide classique ou un Walkman (!) pour visiter une ville. C’est ce qui nous a décidés à nous lancer en 2002. Comme la demande était plus forte dans les musées, et que les lecteurs MP3 étaient trop fragiles, nous sommes rapidement passés de startup disruptive à challenger sur le marché mature de l’audioguide de musées.
Au fil de ses évolutions, l’audioguide est devenu plus multimédia. Il a aussi été encapsulé dans des applications. Chez Audiovisit, vous avez les premiers à réaliser une application pour un musée en 2009. Rétrospectivement, comment vois-tu ces évolutions ?
Même si nous avons été précurseurs, nous nous posons toujours la même question en amont d’un projet : pourquoi le musée et le visiteur se compliqueraient-ils la vie si ce n’est pas pour bénéficier d’une visite réellement augmentée par l’écran ? 15 ans après les premiers visioguides, l’évolution des usages s’avère bien plus lente qu’imaginée, car les utilisateurs d’audioguides sont souvent âgés et ils ont leurs habitudes. Le changement majeur, c’est qu’aujourd’hui il n’y a plus de rejet de principe de ces publics, car ils ont tous un smartphone depuis un certain temps. Ils s’y mettent donc peu à peu. Cette question du passage à l’audioguide multimédia renvoie à un questionnement plus large : est-ce le rôle du musée de promouvoir l’innovation au détriment de pratiques établies et appréciées ?
Les contenus des audioguides pour les musées continuent d’évoluer aussi bien dans leurs formes que dans leurs fonds. Je pense à celui du MAC VAL…
En matière de contenu l’évolution est assez lente, je trouve. Mais c’est aussi parce que nous ne travaillons pas si mal depuis 2 décennies si j’en crois la satisfaction des utilisateurs. Ce qui est nouveau effectivement, c’est que nous poussons les musées à co-construire des audioguides avec des publics, à en faire une action culturelle. Au MAC VAL, le projet a été mené avec des allophones. Avec cette démarche, nous travaillons à la fois dans une logique de médiation interculturelle et de reconnaissance des langues de ces publics, tout en améliorant la maitrise du Français des participants. Une démarche de mise en œuvre des droits culturels dont nous sommes fiers !
Tu as lancé en 2023 un carnet de recherche. Quels sont les objectifs de celui-ci ? Comment ses lectrices et lecteurs peuvent participer à son élaboration ?
Nous avions besoin de trouver un nouveau cadre pour approfondir toutes les recherches menées depuis 20 ans à Audiovisit. Nous venons donc de migrer d’une démarche d’observatoire des publics vers une logique de laboratoire. L’idée est de faire appel à des contributions de chercheurs dans des disciplines variées (muséologie, sciences de la communication, du langage, neurosciences…). Mais il nous arrivera aussi de partager un article sur un thème afin de faire appel à des contributions de professionnels riches d’expériences signifiantes. Tout sera en open content sur https://lab-reve.fr .
Comment vois-tu les évolutions à venir de l’audioguide ?
J’aimerais que l’audioguide ne soit plus cantonné aux politiques d’investissement. On s’équipe et on produit du contenu pour 10 ans. Je rêve que les musées se saisissent du dispositif pour créer des contenus au fil de l’eau, comme ils le font avec les podcasts. Les utilisateurs d’audioguides sont particulièrement captifs pour cela. Dans l’audioguide du futur, on pourrait aussi bien trouver une lecture ou une création sonore qu’un contenu riche de 30 minutes sur une œuvre. Le dispositif ne serait alors plus réservé aux primovisiteurs.
Note : Pour en revenir au titre de cette notule, selon un article de Katie Heaney publié dans The Cut en 2018, nous rêvons très peu de nos smartphones et de nos ordinateurs (article régulièrement cité, récemment par Lauren Boudard au micro de Tech Paf). Et vous rêvez-vous de smartphones, d’ordinateurs ou d’audioguides?
▚
Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Miss Jones | Dans le numéro 127 de l’infolettre, je vous parlais de l’artiste d’avant-garde Barbara T. Smith qui, en 1966, avait utilisé un photocopieur Xerox 914 pour explorer de nouvelles zones artistiques. Dans cette notule, je reprenais aussi les propos de Zanna Gilbert (chercheuse du Getty Research Institute) qui indiquaient qu’à l’époque il y avait : “des publicités extrêmement condescendantes dans les magazines et à la télévision montrant que "même une femme" pouvait faire fonctionner ces machines” - Un très bon exemple de ce type de publicité est justement celle du photocopieur Xerox 914 avec une certaine Miss Jones.
La botte américaine | Dans le cadre de son travail sur la décolonisation des musées, Sébastien Magro a eu l’opportunité de se rendre en Amérique du Nord pendant le mois de mai 2023. Sur place, il a visité une douzaine de musées. Dans le numéro 16 de son infolettre La botte de Champollion, il détaille ses observations acérées sur quatre d’entre eux situés à New York et Washington.
Avec des bulles | Du 24 juin au 16 octobre 2023, les visiteurs peuvent de nouveau franchir les portes du Musee des Augustins (Toulouse) avant qu'il ne ferme à nouveau pour quelques mois de travaux. Pour accompagner cette ouverture estivale, le musée a mobilisé la bande-dessinée en proposant un point de vue décalé. Je vous en reparle plus en détails dans un prochain numéro de l’infolettre.
1888 à Pontaven et Paris | Réalisé par Antoine Gouritin et produit par l’association Bretagne Culture Diversité, le podcast L’Almanac'h présente les grandes dates de l'histoire de Bretagne. Dans le 30ème épisode du podcast, Clarisse Bailleul (docteure en langue, littératures françaises et littératures francophones de l'Université Rennes 2) raconte “le rôle joué par la Bretagne, réelle et fantasmée, dans la révolution esthétique à laquelle ont participé Gauguin, Sérusier mais aussi d'autres peintres”.
Des cartes et des tricheurs | Consacrée à l’art dans les mondes des jeux vidéo, HOMO LUDENS, la chaine YouTube de Jean Jouberton (voir Muzeodrome n°38) , propose une nouvelle vidéo “Que nous cachent les peintures de Card Shark ?” → Impeccable !
Tou·te·s ornithologues | Repéré par Jean Abbiateci, le fondateur de l’infolettre Bulletin - “le New-York Times lance une grande enquête participative sur le biodiversité... et transforme ses lecteurs en ornithologues“ → Go Birding With The Times
Limites | En prolongement à l’exposition Mining photography (voir ci-dessus), je vous invite à découvrir Limites Numériques (LN). Un projet de recherche en design qui s’intéresse aux choix de conception, aux usages et aux fonctions d’un numérique s’inscrivant dans les limites planétaires. Le septième numéro de son infolettre a été publié début mai 2023 avec pour thème “Matières premières et extraction”.
A la page | (Rappel) La page LinkedIn de Muzeodrome est en ligne, ainsi que son compte Mastodon ;-)
▛
Bravo, vous avez réussi à lire tout ce numéro 128 !
Merci pour votre attention - Si vous avez envie d’aller un peu plus loin, je vous invite : - à cliquer sur le 💜 (🠕🠗 sous le titre ou en bas du numéro) - à commenter ou répondre à ce numéro 💬 - à recommander l’infolettre à une ou deux personnes qui pourraient l’apprécier. Ces actions sont le meilleur moyen de récompenser mon travail. Par avance merci 🤗.
La suite au prochain numéro dans une quinzaine de jours,
à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer - Indépendant depuis plus de 20 ans, j'accompagne et conseille les organisations culturelles pour stimuler leurs rencontres avec leurs publics. Mobilisant différentes approches créatives, mon travail se focalise particulièrement sur les redirections vers d'autres numériques.
P.S.1.: Merci à @dr_kouk pour la relecture de ce numéro.
P.S.2.: Les nombreuses éditions précédentes de l’infolettre Muzeodrome sont consultables ici .