D'une puissance fabuleuse
Muzeodrome #72
Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
Voici plusieurs choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
👀 Illustration : Ada Hop (d’après un photogramme du court-métrage de Nastia Korkia “Dramatic and Mild”).
1) Dramatique et léger 🖼️🗣️
“Il vaut mieux ne pas jouer le rôle du temps, il travaille mieux que nous.”
Vassily Kandinsky
En décembre 1866 à Moscou naissait Vassily Kandinsky. Des décennies plus tard, en 1907, s’ouvrait GES-2, la deuxième grande centrale électrique construite à Moscou. Cette centrale fut utilisée pendant plus de cent ans, jusqu’en 2014.
”Après sa fermeture, GES-2 a été vendu à la Fondation V-A-C [www.v-a-c.ru], qui a lancé un projet de restauration et de rénovation visant à transformer le bâtiment principal et ses environs en un nouveau lieu culturel pour la ville de Moscou.”
(Source Wikipédia EN)
En mars 2017, dans les espaces bruts et vidés de GES-2, l'artiste multidisciplinaire Mark Fell a organisé pour la Fondation V-A-C “Geometry of Now”, un festival d'art et de musique gratuit.
Pendant ce festival, la réalisatrice russe Nastia Korkia filma un étrange ballet…
A l’intérieur de la centrale GES-2, le public attendait pendant de longues minutes pour une expérience. Le protocole était strict - seulement une ou deux personnes pouvaient monter l’escalier et entrer dans une petite salle située en hauteur. A l’intérieur de la salle, qui était autrefois un lieu de repos des ouvriers, se trouvait une seule œuvre d’art et un agent de sécurité.
Tout au long de son court-métrage d’une durée de six minutes, Nastia Korkia joue admirablement bien avec le petit espace de la salle et avec les éléments en présence, particulièrement un miroir. Le très bodybuildé agent de sécurité s’avère étonnamment courtois et cultivé. Le dispositif particulier de monstration de la peinture amène des réactions singulières de la part des visiteurs et des visiteuses. A la toute fin, l’œuvre que l’on ne voit pas auparavant, est enfin montrée. Il s’agit de la peinture abstraite “Krass Und Mild” (Dramatic and Mild - 1932) de Vassily Kandinsky. Une peinture que l’artiste a réalisé dans un contexte historique dramatique :
”À la suite d'une campagne de diffamation acharnée de la part des nazis, le Bauhaus est fermé à Dessau en 1932 et Kandinsky s’installe à Berlin-Südende car l’école poursuit ses activités à Berlin jusqu’à sa dissolution en juillet 1933. Kandinsky quitte alors l’Allemagne pour venir s’installer à Paris.” (Source Wikipédia FR)
Ce court-métrage en russe, sous titré en anglais, vaut vraiment la peine d’être vu par tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la médiation culturelle et “au rôle central du lieu dans l'expérience de l'art”.
► “Dramatic and Mild” est à visionné du coté du magazine en ligne Psyche.
Note 1 : l’agent de sécurité est très courtois mais il garde son rôle. Ainsi quand un visiteur saisit son smartphone, il indique immédiatement à celui-ci que la photo est interdite.
Note 2 : le titre de ce numéro de l’infolettre fait aussi référence à une réaction face à une œuvre, celle du jeune Kandinsky voyant pour la première fois une toile de Monet > “La peinture m'apparut tout à coup douée d'une puissance fabuleuse”.
/Merci à Elisabeth Gravil qui m’a signalé l’existence de cette pépite.
2) Sauvons la tour Eiffel de Petit Pierre 🧰💗
“Ça couine, ça grince, ça racle et c’est une véritable merveille visuelle et sonore que le Manège de Pierre Avezard, dit « Petit Pierre ». Fabriqué pendant un demi-siècle, à partir de bouts de tôles, de morceaux de fer blanc récupérés, de boulons, de débris de métaux, ce Manège - ainsi nommé par son créateur- tient plus du spectacle total que de la mécanique foraine. ”
Céline du Chéné (dans un article pour le site web de France Culture en Mai 2020)
Ce Manège, cette “œuvre de toute une vie” d’un “garçon vacher, que rien ne prédestinait à une renommée artistique”, fut sauvé par une bande de passionnés dans les années 1980 et transféré à La Fabuloserie.
La Fabuloserie (Yonne, France) n’est pas un lieu ordinaire. “Imaginé et conçu par l’architecte Alain Bourbonnais [1925-1988] pour abriter sa collection d’art hors-les-normes”, ce musée privé expose depuis son ouverture en 1983 des “productions insolites réalisées par des autodidactes” dans deux espaces : une “maison-musée” et un musée de plein air.
Le “musée de plein air, dit « le jardin habité », présente les sculptures d’habitants-paysagistes : Camille Vidal, Jules Damloup, les girouettes de Jean Bertholle et l’étonnant Manège de Petit Pierre qui est aujourd’hui une nouvelle fois en péril”.
En péril, car la réplique de tour Eiffel de 23 mètres de haut qui surplombe le Manège de Petit Pierre menace actuellement de s’effondrer ! Pour restaurer la construction, La Fabuloserie (aujourd’hui dirigée par Agnès et Sophie Bourbonnais) lance une campagne de mécénat participatif.
Sauvegardons notre patrimoine singulier !
Sauvegardons notre patrimoine ingénieux !
3) Punie par Instagram 🍑😫
Depuis 12 ans, Anaïs Couteau travaille dans la promotion artistique au sein d’institutions culturelles, de startups et d’entreprises du marché de l’art. Actuellement en recherche d’un nouveau défi professionnel, elle s’est spécialisée ces 6 dernières années dans la communication, la stratégie et la création de contenus numériques. Je l’ai questionnée pour Muzeodrome suite à une mésaventure qui lui est arrivé le jeudi 8 avril 2021. Elle a rapporté cette déconvenue dans une publication LinkedIn qui débute par “😱 J'AI ÉTÉ PUNIE PAR INSTAGRAM !“.
Anaïs, que s'est-il passé ? Est-ce que ce blocage était une première pour toi ?
Jeudi dernier, j’ai voulu publier un carrousel sur mon compte @pourquoidelart pour présenter l’œuvre de Canova conservée au Musée du Louvre : « Psyché ranimée par le baiser de l'Amour ». Cette célèbre sculpture du 18e siècle où deux nus s’embrassent affiche un réalisme anatomique très convaincant… Dans la seconde suivante, j’ai perdu l’accès aux fonctionnalités de mon compte. Ce blocage est une première : j’ai toujours été une bonne élève avec les règles du jeu d’Instagram.
As-tu essayé de contacté Instagram ?
Habituellement, Instagram se contente de supprimer la publication qui le dérange. Un pop-up s’affiche pour justifier de cette décision offrant la possibilité de faire appel. Je n’ai pas eu cette chance et Instagram n’a pas répondu à ma demande contrite de déblocage.
Ces actions d'"effacement” de certains contenus durent depuis des années - je suppose pour ma part que les institutions s’auto-censurent, au moins inconsciemment, dans les réseaux socionumériques - qu'en penses-tu ?
Je ne peux pas parler à leur place. Par contre, effectivement, je n’aurai pas pris le risque de poster la photo incriminée sur un compte institutionnel. Je constate néanmoins que des œuvres d’art censurées il y a quelques années (« La Liberté guidant le peuple », « L’origine du Monde »…) ne le sont plus, grâce notamment à la pression des institutions impliquées.
Qu'as-tu conclu pour ta part de cette aventure ?
Qu’il n’y avait pas d’humain derrière cette décision expéditive de blocage. Que le manque d’objectivité que l’on reproche à Instagram concernant l’application de ses règles sur la nudité est justifié. Et que, malheureusement, oui je « m’autocensurerai » davantage quand (ou si…) je retrouverai mes fonctionnalités.
Pour finir, aurais-tu une ressource à recommander aux lecteurs et lectrices de Muzeodrome ?
Pour montrer un jour plus flatteur d’Instagram dans un rôle de promoteur culturel : l’article de Balisage sur le fonctionnement démocratique des RSN de Gallica et mon dernier article de blog sur les stories Instagram.
4) Flashs et retours ⚡🌐
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations pour vous :
Depuis le 18 mars 2021, l’Université libre de Bruxelles (ULB) présente un “Musée” temporaire du confinement. A propos de cette présentation, Euronews indique qu’“environ 130 pièces sont exposées gratuitement sur le campus de l'université” et que “le musée restera ouvert jusqu'à la fin des mesures de confinement”. Dans Plusmagazine (levif.be), Olivia Van de Putte ajoute que les visiteurs peuvent “partager leur ressenti, leurs propres expériences, face caméra dans un espace-témoignage aménagé au cœur du musée”.
Dans le numéro 69 de Muzeodrome, je vous parlais de la (demi-)journée d’étude “Tu cliques, tu visites !” organisée le jeudi 25 mars 2021 par la promotion #MNM20 du Master 2 Musées et Nouveaux Médias de la Sorbonne Nouvelle, . Celle-ci a été un beau succès avec plus de 200 auditeurs et auditrices. Sa captation est à présent disponible (vous pourrez y trouver mon intervention à partir de 3 h 16 min). Bon visionnage…
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.