Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
👀 Illustration : Ada Hop - Devant “Cool Summer” - une peinture d’Hélène Frankenthaler datant de 1962 présentée dans l'exposition “Elles font l'abstraction” au Centre Pompidou (19 mai>23 août 2021).
Cette semaine, je vous propose un nouveau numéro spécial. Le vendredi 20 août 2021, je postais dans deux plateformes en ligne le message suivant :
“Je vous propose un DÉFI ► Pour clôturer les numéros de l'infolettre pendant la période estivale - j'envisage un numéro composé par vos contenus - vous les lectrices et lecteurs de Muzeodrome”.
L’idée de ce défi m’a été inspirée par Xavier de La Porte qui dans Place de toile (France Culture) avait proposé une “émission des auditeurs”. J’avais eu le plaisir d’être invitédans cette émission spéciale diffusée le 24 décembre 2011. À propos de celle-ci, Xavier de La Porte indiquait : “J’ai eu l’occasion de le répéter plusieurs fois, que Place de la toile doit beaucoup à ses auditeurs. Ce n’est pas de la démagogie, c’est un constat tout simple : toute l’année, des sujets m’arrivent par des auditeurs et auditrices qui m’alertent sur telle ou telle problématique, telle ou telle publication, telle ou telle question. Inviter aujourd’hui trois auditeurs à venir parler de ce qui les occupe et préoccupe est une manière de remercier l’ensemble de cette fertile petite communauté“. A mon humble échelle, je peux reprendre presque mot pour mot ce texte en remplaçant trois auditeurs de Place de la Toile par six lectrices et lecteurs de Muzeodrome. Je profite de cette longue introduction pour vous remercier pour votre fidélité et remercier tout particulièrement celles et ceux qui ont contribué à ce numéro.
Un visiteur peut en cacher un autre !
Par Michel ROUGER - Directeur général du MuséoParc Alésia (voir son entretien autour du nouveau parcours permanent du musée publié en juillet 2021 dans Muzeodrome n°83)
⇒ Les visiteurs sont surprenants ! Nous le savons, ce n’est pas nouveau et pourtant ils arrivent toujours à nous étonner ! Un nouveau parcours d’exposition ne se conçoit pas seul. Nous sommes nombreux et d’horizons divers à participer à sa création, tant du côté de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d'œuvre. Sur le papier, sur les plans, dans les synopsis, les choses paraissent fluides, naturelles et cohérentes. Et puis arrive l’ouverture de l’exposition... et avec elle la confrontation à la réalité !
Ainsi des visiteurs font le tour de la salle d’introduction et en ressortent en disant : “Il n’y a que ça à voir ? C’est un peu léger comme visite !” Qui aurait pu penser qu’ils n’ouvriraient pas spontanément la seule porte existante pour poursuivre le parcours ? D’autres ne prennent pas la sortie et rebroussent chemin, persuadés que le parcours est un cul-de-sac. Sans compter tous ceux qui ouvrent les portes de secours pensant peut-être découvrir derrière chacune d’elle un passage secret ! Quelles solutions ? Transformer le parcours en piste d’apprentissage du code de la route avec flèches et sens interdits partout ? Copier le magasin de meubles suédois avec parcours imposé sans laisser de liberté à la découverte ? Et que faire pour ceux qui contemplent l’écran de veille d’un multimédia comme s’ils étaient devant un aquarium sans envisager le côté tactile de la chose (pourtant indiqué) ! Les exemples sont légion dans nos musées. Prenons cela avec humour et modestie : rien n’est acquis, il faut sans cesse interroger nos pratiques !
Illuminations
Par Laurent GONTIER (site Web + compte Twitter - entretien dans le blog de Gallica)
⇒ Londres, été 2006. Je me souviens de la Tate Modern. Quinze salles en enfilade. Deux tableaux dans chacune (je me souviens d’un Lichtenstein et d’un Botticelli) et entre eux, rien à voir et pas même un cartel pour guider. Les gens du musée avaient bossé car soudain, dans une illumination extatique, la connexion s’est faite entre les œuvres, entre elles et moi, à nouveau de salle en salle et encore dehors, où, définitivement, le monde m’apparut dans la complexité stimulante de connexions nouvelles. Je me souviens d’avoir compris ce jour-là ce que j’attendais d’un musée : nourrir mon regard pour toujours plutôt que de m’admettre (parfois juste me tolérer) quelques heures dans un temple dont les porte se refermeront derrière moi rendu à mon quotidien.
Vivian en Champsaur
Par Pierre MÉTIVIER (compte Flickr - compte Twitter)
⇒ Difficile d'échapper à la folie médiatique qui entoure Vivian Maier, "street photographer" américaine inconnue de son vivant, découverte et adulée depuis une dizaine d'années. Une nouvelle exposition lui sera consacrée au Musée du Luxembourg à Paris à partir du 15 septembre [2021]. Moins connue est son enfance passée dans une petite vallée des Hautes-Alpes, le Champsaur, berceau de sa famille maternelle. Après y avoir passé une partie de son enfance (entre 6 et 12 ans), elle y effectuera deux nouveaux séjours, en 1950-1951 et 1959, parcourant à vélo cette belle vallée et photographiant ses habitants et ses paysages. A Pisançon (55 habitants), la Maison de la Photographie - Vivian Maier raconte cette aventure dans une ancienne ferme. Ce n'est pas tant par les œuvres exposées et les quelques artefacts présentés que ce petit musée est important mais par la sensation d'être de retour dans les années 50 et 60, de ressentir la douceur de cette vallée perdue et d'avoir l'impression de comprendre l'origine de l'humanisme qui deviendra la marque de fabrique des clichés de Vivian Maier.
[+] Association Vivian Maier et le Champsaur
Corps, violence & liberté(s)
Par Elisabeth GRAVIL - Fondatrice de Museovation
⇒ Le Het Hem à Zaadam [Pays-Bas] une ancienne usine de confection de balles, reconvertie en un lieu de création. “L’Art panse les plaies”, au Het Hem. Les balles destructrices ont été fondues en trois énormes plaques mouvantes d’une fascinante beauté. Mais l’art “pense” aussi les plaies, les plus récentes dues au COVID, comme les plus profondes, en lien avec le sexe, l’identité et le pouvoir. Pluralité d’êtres, agent actif, philosophe, Simon(e) Van Saarloos est la commissaire du « Chapter 4OUR » de cette réflexion commune intitulée : “We must bring about the end of the world as we know it”. Simon(e) prône l’abondance comme solution à nos maux : “an abundance of individual positions”, qui nous fait sortir de nos carcans de pensée, nous libère de la société de consommation et des formes de pouvoirs inhérentes. Les œuvres tentent de répondre aux questions soulevées ces derniers mois : abus, violence, place des différentes identités sexuelles ou de races dans la société. Une autre exposition lui fait écho au Baltimore Museum of Art : « Tschabalala Self : By Myself ». Des collages, en réponse à la sculpture de Matisse « Deux femmes », célèbrent le physique de femmes noires, tout en reconnaissant la violence perpétrée par un système européen blanc. Le corps encore, au Frac Centre, avec « Alger, Archipel des Libertés », où quand « les corps parlent, se rassemblent, hurlent, alors le monde change », comme le souligne son directeur M. Damani.
Un « détournement » et des questions
Par Aurélie MAGUET - Responsable du département des publics / médiation et prospective - Musée de Picardie & Musées d’Amiens
⇒ Fermé pendant 2 ans et demi pour travaux, le Musée de Picardie à Amiens a réouvert le 1er mars 2020… Cette ouverture s’est accompagnée de la création d’un compte Instagram dédié, en plus de notre page Facebook existante, ce qui a particulièrement été utile pendant la crise sanitaire. Ces confinements successifs ont marqué un tournant dans notre rapport avec ces outils, perçus comme des outils de médiation à part entière.
Poussant la réflexion jusqu’au bout, nous testons cette semaine (28 août), un « détournement » d’Instagram pour lancer un jeu de piste entre cathédrale et musée, autour de notre exposition « Les Puys d’Amiens ». Nous souhaiterions provoquer cette transformation du fameux « public en ligne » vers un « public in situ ». A quelques jours de l’évènement, nous nous interrogeons sur la participation et le bon déroulé mais aussi sur les avantages et inconvénients d’un tel choix. Pour les avantages : choix du canal direct (image) et sollicitation d’un public ciblé potentiellement intéressé, faible coût financier et reproductibilité, maîtrise des délais, de la mise en œuvre et grande adaptabilité et enfin, interactivité (numérique et humaine). Du côté des inconvénients : aspect éthique d’encourager indirectement la souscription à Instagram, exclusion du public qui ne maitrise pas suffisamment cette application, temps de préparation conséquent, limite des fonctionnalités de l’application.
Il faudra donc en tirer un bilan qui permettra de questionner le positionnement d’un musée public face au recours au réseau social. Un tel usage, de médiation légitime-t-il l’utilisation d’un géant du net avec tous les débats éthiques que cela soulèvent ? Quelles auraient été les solutions alternatives présentant à la fois l’opportunité de lier communication directe, interactivité et médiation humaine ?
Une journée au Louvre
Par Antoine Moreau (site web - compte Twitter)
⇒ Le mercredi 24 avril 1991 j’ai réalisé des vitagraphies au Musée du Louvre.
Tout comme photographie signifie « trace de lumière », vitagraphie veut dire « trace de vie ». Il s’agit d’une toile spécialement préparée que je pose sur le sol d'un lieu pendant une journée et sur laquelle les gens marchent. Le passage sur la toile fait apparaître le graphisme du sol grâce à la poussière et au frottement des pas. Ensuite, la toile est vernie et tendue sur châssis pour être présentée comme une peinture.
Des vitagraphies, j’en ai fait un peu partout dans le monde, mais un seul musée : le Louvre. Des vitagraphies, on peut dire que ce sont des images acheiropoïètes, c’est-à-dire non faites de main d’homme. Elles se font par le lieu et les gens qui le fréquentent à un moment donné
Michel Laclotte, à l’époque directeur du Louvre et décédé récemment, m’avait généreusement ouvert les portes du musée. J’ai pu poser mes toiles en différents endroits en toute confiance ; j’étais seul le matin à déambuler dans le musée pour choisir là où j’allais recueillir des traces de vie, des images du Louvre faites dans le Louvre et par le Louvre.
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Merci pour votre attention. La suite au prochain numéro.
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }