Comment cela a commencé ?
Muzeodrome #47
Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
En ces temps [toujours] étranges et incertains, voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) A la recherche d'Eggman 🔎🥚
En raison du contexte sanitaire, la 8ème édition de Formula Bula (festival parisien de Bande dessinée et plus) a été annulée. Toutefois les expositions proposées dans le cadre de celui-ci ont été maintenues. La médiathèque Françoise Sagan (Paris 10e) présente du 2 au 31 octobre 2020 trois de ces expositions : “Miniatures, le disque pour enfants en France (1950 → 1990)”, “Une exposition exemplaire” de Lisa Mandel et “I am the Eggman” de José Parrondo.
L'exposition du dessinateur José Parrondo met en scène Eggman, un personnage en forme d'œuf dans un univers ultra-minimaliste. La majorité des productions graphiques autour de ce personnage sont des strips en quatre cases.
“Les strips de José Parrondo fonctionnent comme des énigmes. Le trait est simple, les images épurées, le style minimaliste, l'attraction instantanée. Mais face à ces pages à priori muettes, les questions affluent : cette fenêtre est-elle un tableau ? Ce paysage est-il factice ou réel ? Cet arbre est-il plat ou en volume ? Y a-t-il un Eggman ou plusieurs ?” Début de la présentation de l'ouvrage "I am the Eggman" à paraitre en février 2021 chez L'Association.
Un petit jeu in situ ajoute une dimension supplémentaire à cette exposition :
“Avis aux ovomaniaques fans de bande dessinée ! Formula Bula nous invite à une chasse aux œufs exceptionnelle ! En effet, 9 cartes Eggman ont été dissimulées dans les pages de livres de la médiathèque ayant un lien plus ou moins direct avec les œufs. Chaque Eggman découvert vous donnera droit à un exemplaire du livre dédicacé par l'auteur à sa parution en 2021 !” (Informations lisibles in situ à la fin du texte de présentation de l'exposition)
Réjouissant comme la chasse aux tickets d'or dans “Charlie et la Chocolaterie” de Roald Dahl ;-)
2) Le Los Angeles d'Ed Ruscha 🏙️🚙📷
Le site Web "12 Sunsets" http://12sunsets.getty.edu/, propose un voyage fascinant dans l'espace urbain de LosAngeles sur plusieurs décennies.
“En 1966, Ed Ruscha a roulé sur le Sunset Strip à West Hollywood, Los Angeles. À l'aide d'un appareil photo motorisé monté à l'arrière d'une camionnette, il a méthodiquement photographié tous les bâtiments de chaque côté de la rue. Il a rassemblé les photos dans le livre d'artiste "Every Building on the Sunset Strip", qui a remis en question la façon dont les gens pensent à Los Angeles, à l'art et à la photographie.”
Ed Rusha et ses équipes sont retournés pendant plus de cinquante-cinq ans sur Sunset Strip et dans d'autres rues de Los Angeles pour documenter le paysage urbain. Au total, ils ont capturé plus d'un demi-million d'images. Le projet 12 Sunsets, mené par le Getty Research Institute, a mobilisé de nombreuses technologies pour sa conception et sa réalisation :
La numérisation de 60·000 négatifs
La vision par ordinateur pour trier les numérisations en les géolocalisant et en leur ajoutant des mots-clés
Un logiciel de reconnaissance optique de caractères (pour lire les textes des panneaux)
Pour le site web, une interface dynamique sur mesure et une cartographie spéciale (dont le style s'inspire des classiques de Thomas Guides) conçues par STAMEM Design
Dans un article, Eric Rodenbeck (Fondateur et Creative Director de STAMEM Design) décrit avec ferveur son rapport particulier à ce projet. Il souligne aussi que le travail précurseur d'Ed Ruscha devance "de plusieurs décennies l'idée de Google Street View".
3) Des imaginaires numériques 👩💻🦄💪
Eva Sandri est enseignante-chercheuse à l’université Paul Valéry de Montpellier. Depuis dix ans maintenant, elle s’intéresse aux discours qui accompagnent l’intégration des dispositifs numériques au musée et à l’évolution de la médiation culturelle.
Elle vient de publier "Les imaginaires numériques au musée ?" aux éditions MKF.
Peux-tu présenter ton dernier ouvrage en moins de 280 caractères ?
“Dans ce livre, j'essaie de porter un regard critique sur les évolutions numériques des musées, mais aussi de proposer des pistes de réflexion pour une médiation culturelle plus réflexive et inclusive, où la volonté de pertinence l'emporte sur la course à l'innovation.”
Quelles sont les plus fortes injonctions à l’innovation pour les musées ?
“Les injonctions les plus fortes sont les injonctions à dépoussiérer le musée, comme si certaines formes muséales considérées comme datées n’avaient plus le droit d’exister. On retrouve aussi l’injonction à apprendre en s’amusant, à participer. Parfois cela donne de superbes activités de médiation, mais parfois ça mène aussi à une standardisation des formes d’exposition et de médiation. Et c’est un peu triste car à terme ça a tendance à cloisonner l’imaginaire et à assécher la diversité des formes de médiation.”
Suite à tes diverses recherches et ta veille, peux-tu nous présenter un ou deux projets de médiation numérique sortant des sentiers battus ?
“Je suis personnellement très impressionnée par le travail du groupe des Guerrilla Girls, constitué d’artistes féministes qui dénoncent les inégalités envers les femmes et les personnes racisées dans le secteur culturel. Je trouve que leurs actions agissent comme un dispositif de médiation puisqu’elles viennent éclairer des biais importants dans le secteur muséal et donnent à voir d’autres facettes des œuvres exposées. Et in fine ça permet d’entendre des voix qui sont parfois peu présentes dans l’espace d’exposition.”
Je suis également très admirative du mouvement Museum are not neutral, qui critique les biais idéologiques des musées et les problèmes interculturels qui en découlent (cartels racistes, enjeux de la restitution des œuvres dans les pays d’origine, etc.). Ces initiatives visant à « décoloniser le musée » ont nourri de longs débats sur les réseaux sociaux et amènent à repenser la médiation culturelle de façon moins ethnocentrique. Le compte Twitter Decolonize The Museum, interroge par exemple les façons de parler de l’esclavage et de la colonisation en faisant entendre la voix des personnes colonisées et de leurs descendantes. Quand on s’intéresse à ces questions, on ne regarde plus les collections des musées d’ethnographie de la même façon.
Je trouve que le débat sur la médiation va beaucoup tourner autour des activités et des techniques, alors qu’il a tant à dire sur l’éthique de la profession !”
Note : La thèse d'Eva Sandri “L’imaginaire des dispositifs numériques pour la médiation au musée d’ethnographie” (2016) est disponible du coté TEL (thèses-en-ligne).
4) Avant et maintenant 🖫☁️
"How it started / How it's going" - Ces derniers jours, vous avez peut-être croisé ce challenge dans Twitter (voir celui de Thomas Pesquet - alias @Thom_astro). “Comment cela a commencé / Comment cela se passe” permet en deux photographies de raconter un parcours (sur le vieux principe de l'avant/après). Pratiqué principalement par des individus, le challenge est pour certaines institutions muséales, l'occasion de souligner un point de leur histoire. Petite sélection en quatre exemples :
Le Kauffman Museum (North Newton, USA) montre l'évolution de sa scénographie (et de sa convivialité).
Le Mary Rose Museum (Portsmouth, Grande-Bretagne) revient sur son histoire avec deux tableaux représentant le Mary Rose (grand bateau du "programme naval du roi Henri VIII d'Angleterre"). Le second présente le naufrage du vaisseau dans le Solent, “bras de mer séparant l'Angleterre de l'île de Wight”.
Le MERL, The Museum of English Rural Life (Reading, Berkshire, Angleterre) présente "évidemment" la naissance d'un mouton puis un mouton adulte couvert de laine (A propos de la communication du musée, voir Muzeodrome N°11 et cet article détaillé de Jean-Christophe Piot)
Le Montclair Art Museum (Montclair, NJ, USA) revient en deux photographies sur notre situation actuelle où le port du masque est devenu obligatoire. (A noter que les deux photos jouent ici avec le principe du #dressedtomatch proposé par Michelle Satterlee - voir Muzeodrome N°10)
Le challenge "How it started / How it's going" montre tout l'intérêt de raconter des histoires même dans une forme très simple et ultra-courte.
/Merci à @solweigmary
5) Muséologie en ligne 🏛️📡
Organisé par Métis, le premier Festival de Muséologie, consacré à la circulation des savoirs en muséologie, devait se dérouler les 14 et 15 septembre 2020 à la Maison de la Recherche de la Sorbonne Nouvelle (Paris). Invité par le festival, il était initialement prévu que j'échange avec Antoine Courtin, Alexandre Monnin et Nicolas Nova autour du rôle des nouveau médias dans la diffusion des savoirs en muséologie. Mais cet échange n'a pas eu lieu. Face aux nombreuses difficultés provoquées par la crise sanitaire, l'équipe de Métis a décidé au début de l'été d'annuler l'édition 2020 du festival en présentiel et de la remplacer par une alternative en ligne. Celle-ci est à présent disponible en accès libre :
“Vous pourrez désormais retrouver sur notre site internet et sur nos réseaux: les informations sur les formations en muséologie, les descriptifs des revues spécialisées dans le domaine, la cartographie des formations en muséologie en France, les résumés et podcasts des tables rondes, ainsi que la présentation et les portraits des jeunes chercheurs en muséologie et de leurs posters scientifiques”.
Note : Si vous êtes intéressé par mon podcast, l'accès direct à celui-ci est par ici.
/Merci à Audrey Doyen pour son invitation à participer au Festival
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.