Bonne année 2021 à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
En ces temps étranges et toujours incertains, je vous propose pour débuter l'année un numéro spécial. Vous le savez, Muzeodrome s'intéresse particulièrement aux futurs : aux évolutions possibles des musées (voir Muzeodrome n°9) ainsi qu’aux rapports entre les musées et diverses visions des futurs.
Ce numéro est consacré au légendaire écrivain états-unien des littératures de l'imaginaire Ray Bradbury. Pour commencer notre voyage, je vous invite tout d’abord à visiter le site raybradbury.com.
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1) Imaginer... 🚀🦕
“Je n'ai jamais écouté ceux qui critiquaient mes goûts en matière de voyages dans l'espace, de spectacles secondaires ou de gorilles. Quand cela se produit, je remballe mes dinosaures et je quitte la pièce.” - Ray Bradbury
Né en août 1920 à Waukegan dans la banlieue nord de Chicago (État de l'Illinois, USA), Ray(mond Douglas) Bradbury publie dès 1938 ses premiers textes dans des fanzines de Science Fiction puis en 1941 sa première nouvelle professionnelle dans le pulp magazine "Super Science Stories", quelques mois plus tard il devient écrivain à temps plein. Au fil de ses années de travail, Ray Bradbury a énormément écrit dans de nombreux genres : des nouvelles, des récits courts et des romans... Lors de sa mort en juin 2012, le président Barack Obama a déclaré à propos du grand “fictionneur” :
“Son don pour le récit a remodelé notre culture et élargi notre monde. Mais Ray a également compris que notre imagination pouvait être utilisée comme un outil pour une meilleure compréhension, un véhicule de changement et une expression de nos valeurs les plus chères.” Barack Obama
Publié en 1953 par Ballantine Books, “Fahrenheit 451” est le premier et le plus connu des romans de Bradbury. Avec ses pompiers qui brulent les livres, son monde dystopique a marqué les esprits. En 1966, le film de François Truffau a amplifié l’empreinte de cette histoire... S’inspirant de “Fahrenheit 451”, le Centre Pompidou Metz présentait fin 2016 l'exposition "Un Musée Imaginé". Une exposition d’anticipation qui projetait "le visiteur en plein cœur d'un scénario-catastrophe fictif":
“2052. L'art est menacé d'interdiction et l'ombre d'une disparition totale plane... Plus de quatre-vingts oeuvres-clés ont pu être sauvegardées au sein d'un musée transnational à l'existence précaire : face au désastre imminent, chacun doit trouver le moyen de préserver pour les générations futures les notions emblématiques véhiculées par l'art moderne et contemporain, à travers sa mémoire et sa propre expérience.”
(présentation de l'exposition "Un Musée Imaginé").
2) Vive les bibliothèques ! 📚📚
"Il y a des crimes pires que de brûler des livres. L'un d'eux est de ne pas les lire."
Ray Bradbury
Dans “Fahrenheit 451”, le thème de la bibliothèque est central. Dans ce roman, “une communauté d'« hommes-livres » fait face à l'interdiction de lire et contrecarre les autodafés en apprenant par cœur les chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, devenant ainsi une bibliothèque vivante” (Centre Pompidou Metz).
Les bibliothèques sont primordiale dans le parcours personnel de Ray Bradbury. En 1938, celui-ci n'a pu poursuivre ses études à l'université car sa famille n'avait plus assez d'argent dans une Amérique en pleine dépression économique. Il est alors "allé à la bibliothèque trois jours par semaine pendant 10 ans".
Situé dans l'université d'Indiana (Indianapolis, USA), le Centre d'Etude de Ray Bradbury accueille les universitaires, les étudiants et les publics qui s'intéressent à son œuvre, sa vie et son héritage.
“Le Centre abrite plus de 100 000 pages d'œuvres littéraires publiées et non publiées […] ; quarante ans de correspondance personnelle et professionnelle de Bradbury (10 000 pages supplémentaires) ; et des exemplaires des livres de Bradbury, y compris des éditions en langues étrangères, ainsi que sa bibliothèque de travail (4 000 volumes au total)”. Ces archives contiennent aussi “des manuscrits, des tapuscrits, des ébauches de scénarios et de téléfilms, des concepts d'histoires, des photographies, de la correspondance, …” ; ainsi que le mobilier et l'équipement du bureau de l'auteur (dont trois de ses machines à écrire) et tout un ensemble d'autres documents et objets… Une vidéo et une visite virtuelle permettent d'avoir une idée de la diversité de ces archives.
3) Écrire… ⌨️⌨️
“Écrire un roman, c'est compliqué: vous pouvez passer un an, peut-être plus, sur quelque chose qui au final, sera raté. Écrivez des histoires courtes, une par semaine. Ainsi vous apprendrez votre métier d'écrivain. Au bout d'un an, vous aurez la joie d'avoir accompli quelque chose: vous aurez entre les mains 52 histoires courtes. Et je vous mets au défi d'en écrire 52 mauvaises. C'est impossible”.
Cette recommandation est un texte remanié extrait d'une remarquable keynote de Ray Bradbury ("The Sixth Annual Writer's Symposium by the Sea" - 2001). Neil Jomunsi, un jeune auteur français, décida en 2013 de suivre ce “programme des 52 nouvelles” en accompagnant son travail d'un blog. Il a ensuite résumé l'aventure de son "Projet Bradbury" dans le site ActuaLitte.com.
À sa façon, Ray Bradbury a écrit plusieurs textes sur l'écriture et la créativité. Certains de ceux-ci sont compilés dans l'ouvrage “Le zen dans l'art de l'écriture”. Dans le texte “Sur les épaules des géants” (1980), un robot Platon officiant dans la section d'un musée consacrée à la Grèce antique déclare :
“Allez, les enfants, courez et lisez. Lisez et courez. Faites le spectacle et racontez. Retournez une autre pyramide. Mettez un autre monde sens-dessus-dessous. Secouez la suie de mon cerveau. Peignez-moi dans le crâne une autre Chapelle Sixtine. Riez et réfléchissez. Rêvez, apprenez et construisez” - Ray Bradbury
4) A la recherche de Picasso 🔎🎨
“Nous sommes une impossibilité dans un univers impossible.” - Ray Bradbury
Ray Bradbury prenait de nombreux chemins dans le domaine de l'imaginaire. En janvier 1957, il publiait la nouvelle “In a Season of Calm Weather” (“Par un beau jour d'été”) dans Playboy. Un texte qui fut adapté au cinéma sous le titre “The Picasso Summer”, avec comme scénariste Ray Bradbury lui-même (sous le pseudonyme de Douglas Spaulding). L’histoire : fasciné par l’œuvre de Picasso, un architecte californien déprimé par son milieu décide de partir en France avec sa femme pour rencontrer le grand artiste en chair et en os…
"The Picasso Summer" a eu de nombreuses difficultés lors de sa réalisation et de sa distribution. L'équipe du film n'a ainsi "jamais pu tourner un centimètre de pellicule avec Picasso" et Bradbury aurait été très mécontent du traitement effectué par le premier réalisateur du film. Le film est resté très peu visible depuis sa sortie en 1969. Et pourtant, certaines de ses séquences valent vraiment le coup d’œil comme celles où les figures des tableaux de Picasso s'animent d'une façon totalement psychédélique
Note : “Les séquences magnifiquement animées [… ] ont été conçues et réalisées par le producteur Wes Herschensohn, qui a travaillé avec Disney au début de sa carrière, et exécutées par l'équipe d'animation de Faith & John Hubley, lauréate d'un Oscar.” Cinebeats
5) Imaginer toujours... 🚀🏛️
“Je ne prédisais pas l'avenir, j'essayais de l'empêcher.” Ray Bradbury (source)
La ville natale de Bradbury est bien décidée d’honorer son héritage au travers de plusieurs projets. Dés 2017, plusieurs personnes se sont regroupées pour ouvrir à Waukegan un musée dont la mission sera “d'inspirer l'imagination et de favoriser la libre pensée et la créativité en s'engageant dans les thèmes universels et les œuvres intemporelles de Ray Bradbury”. Les responsables du projet “The Ray Bradbury Experience Museum” promettent “un musée expérimental qui va au-delà des pratiques et des espaces conventionnels”. Un collecte de fond à commencé en 2019 et le financement du musée est toujours en cours. En préfiguration de celui-ci, une mini-expo évènement a été présentée dans un bâtiment appartenant à la ville pour le centenaire de la naissance de Bradbury (le 22 août 1920).
Le même jour anniversaire, une sculpture a été dévoilée juste à coté de bibliothèque publique de Waukegan. Conçue par l’artiste Zachary Oxman et inspirée par le poème de Bradbury "Si seulement nous avions été plus grands" (“If Only We Had Taller Been”), cette sculpture nommée “fantastical traveler” présente un Ray Bradbury extatique tenant à bout de bras un exemplaire de Fahrenheit 451 et chevauchant une fusée squelette dont on aperçoit les engrenages. En la voyant, on pense immédiatement au commandant Kong chevauchant la bombe atomique dans le Docteur Folamour de Stanley Kubrick (1964) mais avec une inversion de valeur : le “fantastical traveler” souligne les pouvoirs de transformation de l’imagination.
6) Un grand futur ? 👨🏫
En 1989, le grand spécialiste des nouvelles de science-fiction et directeur de collection, Jacques Chambon (1942-2003), avait choisi de publier comme numéro 500 de la collection "Présence de Futur" (Denoël) le recueil de nouvelles de Ray Bradbury “À l'ouest d'octobre”. En complément à l'édition standard, l’ouvrage avait été édité en tirage limité et en grand format avec une couverture reproduisant les caractéristiques de l’édition originale des “Chroniques Martiennes”. Ray Bradbury avait effectué une séance de dédicace de cet ouvrage à Paris en 1991. A cette occasion, j'avais pu rencontrer et interviewer le grand “fictionneur” pendant quelques minutes. Celui-ci avait répondu à mes questions avec de grands sourires. Voici la fin de notre court entretien (traduit à l’époque par Feu Nathalie "Vampi" Sorlin):
Aujourd'hui, en quoi croyez-vous ?
Je crois au futur, on se porte bien ! L'homme vit bien mieux qu'il y a quarante ans. Les gouvernement totalitaires s'écroulent, ils ont tout faux !
Un futur merveilleux ?
Oui, "a wonderful future", un grand futur, je te le garantis...
Notre entretien s’était terminé sur ces mots et un énorme éclat de rire de Ray Bradbury.
Pour terminer ce numéro, mon souhait est que les imaginaires singuliers nous aident à naviguer vers ce “grand futur”.
“Il faut sans cesse se jeter du haut d'une falaise et se doter d'ailes durant la chute.”
Ray Bradbury
Bonus à ce numéro spécial : le blow-up "Hommage à Ray Bradbury" où l'on retrouve toute la poésie de l'auteur de "L'Homme Illustré".
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Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.