Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
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En ces temps [toujours] étranges et incertains, voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Quels futurs pour les sons ? ⏲️🔔🔉
Le National Science and Media Museum (Bradford, West Yorkshire, Grande-Bretagne) annonçait le 18 septembre 2020 dans un fil de tweets :
“Hey les amateurs de sons, #SonicFriday est de retour !
À partir du vendredi 25 septembre, nous lancerons trois expositions numériques spéciales créées par le projet #SonicFutures. Notre musée raconte l'histoire des technologies du son : des téléviseurs aux radios et des gramophones aux synthétiseurs, ces objets contiennent des histoires évocatrices des sons du passé. Comment pouvons-nous écouter ces technologies sonores historiques ? Comment pouvons-nous évoquer les atmosphères sonores du passé ? Ces questions sont au cœur de #SonicFutures, un projet mené par l'Université de Nottingham et financé par l'Arts and Humanities Research Council. Avec l'aide d'artistes et d'un groupe d'auditeurs, nous avons créé trois merveilleuses expositions numériques que vous pouvez explorer de chez vous. Suivez le hashtag #SonicFriday pour ne pas le manquer.”
Voici comment le musée présente ses trois expositions :
25 septembre 2020, “Nous commencerons le prochain #SonicFriday avec #EchoUnits. L'artiste @nr2097 [Nina Richards] a créé un interactif en ligne qui explore l'un des effets sonores les plus étonnants : l'écho !”
“Le vendredi 9 octobre, nous explorerons les cartes postales sonores. Le compositeur Aleks Kolkowski (@phonographies) a travaillé avec un groupe d'auditeurs pendant le confinement pour produire un magnifique ensemble de cartes postales sonores contemporaines.”
“Enfin, nous aurons une exposition interactive inspirée par l'atelier radiophonique de la BBC. L'artiste @carocsound [Caro C] a travaillé avec le technologue créatif David Boultbee pour réaliser une nouvelle exposition qui vous permet d'utiliser des algorithmes d'apprentissage automatique !”
Le musée indique qu'il est impatient de partager ces expositions avec nous et il demande aux Internautes de faire part de leurs expériences sonores préférées ou les plus mémorables dans un musée !
2) Sans contact 👉📏🖥️
Ideum, concepteur de tables tactiles présentes dans de nombreux musées états-uniens, vient de proposer un tout nouveau dispositif interactif adapté à la crise sanitaire actuelle : le "Touchless Pedestal" (Piédestal sans contact). Ce dispositif permet de contrôler des écrans ou des grandes projections avec le déplacement un seul doigt dans l'air. Ce n'est évidement pas le premier dispositif proposant des interactions liées aux déplacements du corps. Depuis 10 ans, des installations sont activées par des capteurs de type Kinect. Et vous avez certainement déjà vu et expérimenté des dispositifs proches utilisant le déplacement d'une main à la proximité d'un capteur. L'objectif d'Ideum est ouvertement d'aller plus loin par rapport à ce qui a déjà été réalisé dans le domaine.
La référence visuelle des interactions gestuelles du "Touchless Pedestal" s'inspire peut être, une fois encore, de la fameuse scène du film de science-fiction Minority Report - 2002 (voir cet extrait), mais avec une gestuelle plus sobre. Pour rappel, les larges mouvements de bras dans l'air sans aucun appui sont assez vite fatiguant.
L'évolution couplée des technologies et des usages est toujours plus lente que l'on imagine. Le concept d'Ideum vise à accélérer cette évolution autour des technologies sans contact en proposant un site dédié Touchless.Design. On peut y trouver des logiciels en open source (ceux qui motorisent le "Touchless Pedestal"), des approches de conception et d'autres ressources. Ces ressources “sont mises gratuitement à la disposition des musées, des bibliothèques, des organisations culturelles et d'autres institutions publiques”.
A suivre de près, car il est très probable que les dispositifs numériques sans contact vont s'affiner et s'affirmer dans les espaces muséaux lors des mois et des années à venir...
Note : dès le mois de mai 2020, le concepteur de dispositif interactif français Dévocité proposait dans la partie "blog" de son site des "réflexions sur le multimédia dans les lieux publics face aux contraintes sanitaire du Covid-19".
3) Des liens négligés 🖼️➡️🏺
“Tous les artistes qui ont vécu ont dormi sous la même lune. // Nous utilisons l'apprentissage machine pour trouver des paires d'art improbables, mais étonnantes.”
Messages d'ouverture du site web du projet MosAIc
Développé par le laboratoire d'informatique et d'intelligence artificielle du MIT à Cambridge (Massachusetts, USA) aux côtés de Microsoft, le projet MosAIc utilise des ensembles d'images provenant des collections en libre accès du Metropolitan Museum of Art (New York) et du Rijksmuseum (Amsterdam).
Ce projet a été initié par Mark Hamilton, ingénieur de recherche poursuivant un doctorat au MIT (Cambridge, Massachusetts, USA) en parallèle de son emploi à plein temps au sein de la New England Research and Development team de Microsoft en Nouvelle-Angleterre (NERD). Développé avec une équipe d'étudiant·e·s, le projet puise son inspiration dans une exposition récente du Rijksmuseum qui comparait les œuvres de Rembrandt et Velazquez. Suite à sa visite, Mark Hamilton commence “à réfléchir aux façons dont la même idée pourrait être améliorée par l'IA, et il développe alors un algorithme qui recherche des œuvres d'art similaires en se basant sur une image de départ et une caractéristique de cette image comme le médium, la couleur ou la culture” (Source : Microsoft Garage). MosAIc fait par ailleurs suite à un projet précédent de Mark Hamilton : Gen Studio (un outil interactif qui permet à ses utilisateurs de générer de nouvelles images à partir des images d'œuvres d'art des collections du Metropolitan Museum of Art).
Ce qui est vraiment intéressant avec MosAIc c'est que l'algorithme ne cherche pas des "relations savantes" entre les œuvres mais plutôt des “vecteurs de sérendipité”.
Note 1 : Si vous souhaitez en savoir plus sur le fonctionnement de MosAIc et les utilisations envisagées (dans d'autres domaines dont l'identification de Deep Fakes), je vous recommande la lecture de cet article de ZDNet.
Note 2 : le projet MosAIc comporte des similitudes avec "ArtLens AI: Share Your View" du Cleveland Museum of Art (voir Muzeodrome n°43).
4) A vendre ? 🖼️💰
Dans un article publié par Usbek et Rica en mai 2020, Stéphane Distinguin, CEO de Fabernovel, proposait de vendre La Joconde “pour aider les acteurs de la culture en temps de crise”. Celui-ci estimait alors le prix du chef d'œuvre de Léonard de Vinci à 50 milliards d'euros.
“Si ce n’est pas la Joconde qu’on vend, j’espère que nous pourrons tomber d’accord sur des œuvres moins spectaculaires, certaines qui ne sont tout simplement pas montrées au public, pour permettre à des artistes, des intermittents du spectacle, toute une filière et une industrie de manger et de créer nos futures Joconde.”
Stéphane Distinguin in Usbek et Rica (6 mai 2020)
En France, dans le cadre des lois actuelles, vendre La Joconde ou toutes œuvres d'art des collections publiques est impossible - “Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables”. (article L. 451-5 du code du patrimoine). Mais ce n'est pas le cas pour les collections privées, même prêtées à des musées. Ainsi très récemment, le groupe Lagardère indiquait vouloir vendre aux enchères la Matra Simca 670 avec laquelle Henri Pescarolo avait remporté les 24 Heures du Mans en 1972 - la voiture mythique étant “exposée jusque-là au Musée Matra Automobile, de Romorantin (Loir-et-Cher)”, qui est un musée associatif.
Face aux difficultés économiques actuelles, la vente d'œuvres appartenant aux collections des musées est dans d'autres pays à l'ordre du jour. Aux États-Unis, en avril 2020, l'Association of Art Museum Directors assouplissait les règles relatives à la cession d'œuvres afin de permettre une plus grande flexibilité financière aux institutions culturelles jusqu'en avril 2022. L'association autorisant ses musées membres à “utiliser le produit de la vente d'œuvres d'art pour payer les dépenses liées à l'entretien direct des collections”. Profitant de ces nouvelles règles déontologiques, Le Brooklyn Museum va ainsi proposer 12 œuvres aux enchères le 15 octobre prochain chez Christie’s. Il est probable, que dans les mois à venir le mouvement continue et que d'autres musées vendent certaines pièces de leurs collections pour soutenir leur fonctionnement et pas uniquement aux USA. Ce 20 septembre 2020, un article du Gardian titrait “Cruel dilemme pour la Royal Academy : vendre un Michel-Ange ou perdre 150 emplois” (Royal Academy's cruel dilemma: sell a Michelangelo or lose 150 jobs).
/Merci à @lolhiphop et @maxwellmuseums
5) Au club ! 🏭📷🚫
"[Le club Berghain] est abrité par une ancienne centrale électrique désaffectée au style stalinien : ensemble architectural de béton et de fer, le bâtiment se distingue par ses larges dimensions et notamment ses plafonds hauts de plus de 18 mètres." (Source Wikipédia FR)
Le 11 septembre 2020, la journaliste Andreanne Plante racontait à Radio-Canada comment le mythique club techno berlinois Berghain (avant qu'il ne soit autorisé à rouvrir en tant que club) s'était “transformé en galerie d'art le temps d’une exposition”. Ouverte depuis le 9 septembre 2020, l'exposition, qui s'intitule "Studio Berlin", présente le travail de plus de 115 artistes qui vivent et travaillent à Berlin (la majorité des œuvres de ceux-ci et celles-ci ayant été créées depuis le mois de mars 2020). A l'origine de cette opération, le couple de collectionneurs Christian et Karen Boros (qui dirigent la Fondation Boros) et la commissaire Juliet Kothe.
Sur la façade du Berghain s'affiche une énorme banderole avec la phrase "morgen ist die frage", soit en français "demain est la question" ! S'il est certain qu'à l'avenir de plus en plus de lieux atypiques accueilleront des expositions, un élément dans le communication du "Studio Berlin" a fortement retenu mon attention. Cherchez des images de l'exposition dans les réseaux socionumériques, vous en trouverez très très peu et pour cause : les photographies dans celle-ci ne sont pas autorisées (même pour les artistes)...
“Vous ne pouvez pas voir l'exposition sur Instagram qui, la plupart du temps, ne fait qu'anticiper l'expérience et la rencontre réelles avec l'art.”
Karen Boros et Juliet Kothe in Independent Collectors
Note : Auparavant le club Berghain était déjà connu pour son interdiction très stricte de photographier (comme le montre l'unique photo de son compte Instagram).
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.