Je me souviens de cette odeur enivrante

Muzeodrome #124

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“Je me souviens de l'odeur enivrante des livres, à la rentrée scolaire.”
Georges Perec

👉 Pourquoi cette citation de Perec ? Vous le saurez en lisant la première notule de ce numéro 124 de l’infolettre.

▙

👀 Le profil de Mathilde Castel vu par Saul (7 ans et demi)

Les odeurs sont présentes partout où il y a de la vie 👃

J’ai croisé Mathilde Castel pour la première fois à la Sorbonne Nouvelle, à l’époque située rue Santeuil. C’était en septembre 2014, ce jour là je donnais au Master 2 Muséologie et Nouveaux Médias (dit MNM) mon premier cours d’une unité d’enseignement de 48h sur le multimédia.

Bonjour Mathilde, peux-tu présenter rapidement ton parcours ?

Bonjour Omer, dit rapidement mon parcours ressemble à une liste de courses : 3 licences (histoire de l’art, littérature, philosophie), 2 masters (esthétique, muséologie), 1 doctorat (muséologie), 1 DU de docteur-entrepreneur, 6 ans dans une maison de luxe et puis 1 coup de théâtre : je suis en prépa à l’école du Louvre cette année pour passer le concours de conservateur du patrimoine.

Et Les odeurs au musée…

Oui, j’ai oublié ça dans ma liste de courses ! J’ai fait une thèse sur la muséologie olfactive sous la direction de François Mairesse à la Sorbonne. Recherche financée par le laboratoire de parfums de la Maison Cartier pour lequel j’ai travaillé 6 ans (tout se recoupe finalement). Les odeurs sont présentes partout où il y a de la vie, il y en a dans les musées comme ailleurs. On y fait seulement peu attention car on vient surtout au musée pour voir (et pas pour sentir) des choses.

Le spectre des expériences autour des odeurs proposées par les musées semble toutefois souvent limité...

Les musées ont en effet le souci de proposer des expériences de plus en plus immersives, saisissantes, mémorables, et les odeurs sont un formidable outil pour cela. Elles sont cependant complexes à mettre en place et je pense que les institutions sont en train d’apprendre comment bien s’entourer pour concevoir et pérenniser des expériences olfactives dans des espaces d’exposition.

Pourrais-tu nous indiquer deux ou trois exemples de bons usages de l'utilisation des odeurs dans des musées ou des expositions ?

Les meilleurs exemples sont toujours issus d’une collaboration bienveillante entre une institution muséale et des experts du monde du parfum. Je cite souvent le cas de la médiation olfactive du musée international de la parfumerie de Grasse pour l’exposition Fragonard : amoureux et libertin (musée du Luxembourg, 2015). En ce moment j’ai la chance de suivre la conception d’une exposition qui se tiendra à l’IMA sur les Parfums d’Orient. L’équipe constituée pour la création du parcours olfactif me fait penser que le résultat sera superbe.

Des ressources à recommander aux lectrices et lecteurs de Muzeodrome ?  

Je trouve exaltant de réfléchir le musée au travers de sources qui ne sont pas proprement muséales. Je n’ai jamais pris plus de plaisir à concevoir l’espace d’une exposition qu’en lisant La vie : mode d’emploi et Espèces d’espaces de Georges Perec.

Note 1 : En 2018, Mathilde Castel a dirigé l’ouvrage Les Dispositifs olfactifs au musée (Nez éditions). En juillet 2022, elle a publié dans le n°202-203 de la lettre de l'Ocim consacré aux médiations sensibles, l’article Pourquoi le musée devrait-il « faire sentir » ?

Note 2 : L’exposition Parfums d’Orient sera révélée du 25 septembre 2023 au 11 février 2024 à l’Institut du monde arabe - Extrait de sa présentation : “Une exposition singulière, qui donne toute la mesure de l’importance jouée par le parfum dans la culture arabe en faisant ressurgir chez chaque visiteur des souvenirs olfactifs intimes…“

Note 3 : En juin 2020, dans le n°32 de l’infolettre, j’avais interviewé Alain Korkos à propos de son inventaire des images contenues dans La vie : mode d’emploi de Georges Perec.

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Redécouvrir le portrait noir 👦🏾🖼️

Vous vous souvenez des confinements provoqués par les vagues de la pandémie de COVID-19 en 2020 et 2021 ? Et de la magnifique réponse lancée à ceux-ci par Anneloes Officier, le défi en ligne #tussenkunstenquarantaine (voir le numéro 21 de l’infolettre) et sa suite états-unienne le #GettyMuseumChallenge ?

Basé au Royaume-Uni, Peter Brathwaite est un baryton reconnu internationalement pour ses performances charismatiques (sa saison 2022/23 comprend des rôles principaux à la Philharmonie de Paris, à l'Opéra national de Lorraine, au Théâtre de Caen et au Royal Opera House de Londres). Lors du premier confinement en 2020, alors que toutes ses performances sont annulées, Brathwaite participe au #GettyMuseumChallenge et pas qu’un peu. Avec des objets ménagers, il va réinterpréter plus de 100 œuvres d'art. Œuvres qu’il choisit avec un critère précis - toutes celles-ci présentent des portraits de personnages noirs. Il donne à ce projet le nom de “Rediscovering Black Portraiture”.

“Avec cet ensemble d'œuvres, Peter se concentre sur des personnages noirs dont les histoires ont été précédemment marginalisées ou effacées. Ces nouvelles images répondent à des préoccupations sociales et politiques, mais trouvent également leur origine dans sa propre identité d'artiste.”
(source : site web de Peter Brathwaite)

D'octobre 2021 à février 2022, Peter Brathwaite montre au campus Strand du King's College de Londres une partie de ce travail dans l’exposition personnelle Visible Skin: Rediscovering the Renaissance through Black Portraiture.

Parallèlement à ses réinterprétations photographiques, Peter Brathwaite effectue des “recherches sur ses racines barbadiennes avec un double héritage, découvrant une multitude de détails sur ses ancêtres esclaves et esclavagistes...”
(source : Bristol Museum & Art Gallery)

En 2023, la série “Rediscovering Black Portraiture” est présentée au Bristol Museum & Art Gallery d’avril à juillet. Une exposition dont l'ouverture coïncide avec l'anniversaire de l'insurrection de la Barbade, le 14 avril 1816.

Parallèlement à cette exposition, Getty Publications publie un ouvrage consacré à ce travail nécessaire. Ce livre d’art rassemble plus de cinquante des recréations de Peter Brathwaite en dévoilant les coulisses de la réalisation de celles-ci. L’ouvrage bénéficie par ailleurs de contributions d'experts en histoire de l'art et en culture visuelle.

”Ce livre fascinant offre un regard nuancé sur les complexités et les défis de la construction de l'identité au sein de la diaspora africaine et comment ces forces ont façonné les portraits noirs au fil du temps.”
(source : Getty Trust Publications)

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SITEM 2023 🔴

Comme je vous l'indiquais dans le précédent numéro de l'infolettre, Muzeodrome est partenaire média du SITEM - salon international des musées, des lieux de culture et de tourisme.

Je serai sur place, au Carrousel du Louvre (Paris), les trois jours du salon - les 28, 29 et 30 mars 2023. N'hésitez pas à me contacter avant celui-ci pour que l'on ne se rate pas.

Au plaisir de vous croiser au SITEM 2023, je suis certain que nous avons plein de choses à nous raconter.

Et si vous n’avez pas encore votre badge, je vous invite à utiliser le code partenaire SITEM23MUZEODROME qui vous permet de bénéficier d’un accès gratuit au salon ;-)

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Stimuli sonores 👂😌

“Certains stimuli, en particulier des sons, induiraient une intense sensation de relaxation, allant parfois jusqu’à l’« orgasme cérébral » [brain orgasm], une réaction ponctuelle de détente extrême qui s’apparente à un frisson dans le creux de la nuque, le long de la colonne vertébrale et sur le crâne, et parfois dans tout le corps…” Alice LENAY , « Le public des vidéos « ASMR ». Des sentinelles sensibles ? », Multitudes, 2020/2 (n° 79)

L’ASMR n’est pas nouvelle. Dès 2008, la réponse sensorielle autonome culminante avait déjà commencé à faire des adeptes dans des forums en ligne (Whisper Community, Society of Sensationalists, …). En 2012, VICE publiait l'article d’Harry Cheadle : “What is ASMR? That Good Tingly Feeling No One Can Explain” (titre que l’on pourrait traduire en français par “Qu'est-ce que l'ASMR ? Cette bonne sensation de picotement que personne ne peut expliquer”). Alors que le phénomène est devenu mainstream (ou presque), la sphère muséale porte de l’intérêt à celui-ci.

En avril 2020, l’ArkDes, centre suédois d'architecture et de design situé à Stockholm, ouvrait son exposition “WEIRD SENSATION FEELS GOOD : The World of ASMR” - probablement la première exposition d’une institution consacrée à l’ASMR. (Le vernissage virtuel de l’exposition présenté en collaboration avec e-flux est visible ici).

”Comme la méditation ou le yoga, l'ASMR s'adresse à la fois au corps et à l'esprit. Il ne s'agit pas de vitesse, mais de concentration et de lenteur. Les adeptes de l'ASMR ne cherchent pas à se divertir mais à se détendre ; pour ceux qui l'expérimentent, elle offre un certain degré d'isolation par rapport à un monde bruyant et errant.“ ArkDes

La même année, le Victoria and Albert Museum (V&A) de Londres avait demandé à Julie Rose Bower de réaliser deux films d'objets de ses collections en ASMR - parmi ces objets un chapeau de Charlie Chaplin. A l’heure où j’écris ces lignes, le V&A a publié plus de 15 vidéos ASMR dans sa chaine YouTube : Turning the pages of a medieval choirbook, Humidifying a ballet tutu, Conserving a PJ Harvey costume, Unlocking a 17th-century strongbox…

Du 13 mai 2022 au 10 avril 2023, le Design Museum de Londres présente une nouvelle version de l’exposition “WEIRD SENSATION FEELS GOOD” #ASMR_IRL - voir les 10 temps forts de celle-ci en images. En ligne, le musée propose en partenariat avec NOWNESS une belle introduction dans cet univers étonnant au travers d’une vidéo de 6 minutes : “Meet the creators of ASMR: the internet’s most bizarre and comforting phenomenon” (Rencontrez les créateurs de l'ASMR : le phénomène le plus bizarre et le plus réconfortant d'Internet).

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Lu, vu, entendu ⚡

Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :

Une belle infolettre ? | L'infolettre a un formidable potentiel pour renforcer les liens entre les institutions culturelles et leurs publics. Beaucoup de belles choses reste à expérimenter dans ce domaine, au plaisir d'en discuter avec vous…

Micro-gallerie | En juin 2022, dans le numéro 112 de l'infolettre je vous parlais du mouvement des micro-galleries. Je passe régulièrement devant une de celle-ci dans le 11ème arrondissement de Paris. Située au 36 rue de la Folie Méricourt, au sein du studio SPLANN, la micro-galerie 4M2 expose des œuvres, principalement des photographies, dans une vitrine de 4m2 sur rue. En ce moment, du 3 au 30 Mars 2023, la vitrine présente un ensemble de cinq photos de Clara Abi Nader. Du 31 mars au 20 Avril 2023, ce sera au tour de Yann Aubry d'occuper la vitrine avec une micro-exposition intitulée "Paysages à vélo".

Immersif | Le 17 Avril 2023 aura/auront lieu à la Hall U Need de Lille "Les Journées de l’immersif" (conférences + ateliers + rencontres). Pourquoi journées au pluriel alors que l'événement ne dure qu'un jour ? Je ne saurai vous le dire. En tous cas, cet événement à un double objectif : fédérer les créateurs du domaine et vulgariser celui-ci pour qu'il soit mieux compris. /via Charlotte-Amélie Veaux - Onyo

Des publics | "Rencontres / Publics" est un nouveau séminaire de recherche organisé par Voix/Publics (Noémie Couillard & Maylis Nouvellon) en partenariat avec le master Gestion des Arts set de la Culture (GAC) de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Ce séminaire devrait toucher celles et ceux qui s'intéressent à la diffusion des connaissances sur les publics de la culture et du patrimoine. Dédiée à l'évaluation des outils numériques de médiation in situ, la première séance des "Rencontres / Publics" aura lieu le mardi 4 avril 2023 de 14h à 16h en ligne > Inscription.

Mini F.A.Q. | J'ai eu le plaisir d'être interviewé par Courriel, la newsletter des newsletters (publiée dans la plateforme Kessel). Dans ce court entretien, je parle de la genèse Muzeodrome et de ses évolutions actuelles - plus de quelques infolettres que j'aime bien ;-) Note sur l'introduction de l’entretien : non, je n'ai jamais évoqué les musées poussiéreux ou à la traine, ni les chasses au trésor virtuelles ! Les imaginaires liés au numérique au musée sont vraiment persistants :-(

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Voila, c’est déjà la fin de ce numéro 124 - Merci pour votre attention
La suite au prochain numéro - à tout soudain,
o m e r

Je suis Omer Pesquer - Spécialiste des {autres} numériques, j'accompagne les organisations culturelles pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics.

Les éditions précédentes de l’infolettre Muzeodrome sont consultables ici.
Pour effectuer un recherche dans ces éditions, c’est par là.

P.S.: Merci à @dr_kouk pour la relecture de ce numéro.