Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
En ces temps étranges et incertains, voici plusieurs choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Communs culturels 🤲🚰
Né au Portugal en 1981, Filipe Vilas-Boas vit et travaille aujourd’hui à Paris. Il se présente comme "un citoyen qui évolue principalement dans le domaine artistique et associatif” et il “s’intéresse en particulier aux accès et aux excès du numérique”. Vous avez peut-être croisé son installation The Punishment - 2017 (dans laquelle “un robot exécute une punition préventive au titre de son éventuelle désobéissance future”). Dans une série de tweets, le 19 décembre 2020, Filipe Vilas-Boas questionnait les institutions culturelles et particulièrement la RMN-Grand Palais à propos de ses filtres en réalité augmentée pour Instagram : “Heureux de voir le service public développer son activité numérique mais je ne comprends pas que cela se fasse dans la sphère marchande uniquement. #CommunsCulturels”. Je l’ai interrogé à ce sujet.
Comment définirais-tu les #CommunsCulturels ?
“À la racine, on pourrait dire qu’il s’agit de ressources visuelles, sonores et textuelles — numérisées ou non d’ailleurs — qui servent de terreau à notre culture, notre formation : nos richesses en tant qu’espèce sapiens. Une notion qu’il nous faut élargir aussi en incluant la nature comme couche inférieure de cet humus. La culture de la terre devrait être enseignée au même titre que la culture technique, scientifique ou artistique.”
Quelle situation observes-tu du coté des musées français ?
“Il faut reconnaître quelques avancées récentes dans le domaine. Localement à Paris, Toulouse ou Rennes, on a ouvert quelques petits robinets, grâce notamment au travail de groupes locaux ou nationaux dont Wikimedia France qu’il faut saluer.”
D'après toi quelles "opérations" doivent-être menées dès maintenant pour rompre le statu quo et développer une politique vertueuse ?
“Tout reste à faire pour structurer la gouvernance de ces communs culturels en France. Les citoyens, les enseignants, les archivistes, les tiers-lieux se saisissent déjà de la question, mais ils vont avoir besoin d’un changement de mentalité au niveau politique pour que chacun puisse librement puiser à la source sans s’improviser plombier de la donnée.
Il n’y a pas de communs sans communauté dirait Lessig. Reste que les musées, grands détenteurs de communs culturels, doivent travailler conjointement avec le public pour véritablement entrer dans le 21e siècle : avec les enseignants, les tiers-lieux éducatifs, les associations culturelles et plus largement tous les citoyens.”
Compléments :
Les états généraux du numérique libre et des communs pédagogiques - ludomag.com (18 décembre 2020)
Rapport de la Cour des comptes sur les musées nationaux - Wikimedia France (21 janvier 2020)
Pour en savoir plus sur les travaux et engagements de Filipe Vilas-Boas, lire l’article de Marc Pottier publié par Singulars : “Filipe Vilas-Boas n’est ni technophile naïf, ni technophobe”.
2) Retour à la cassette ? ⏩🖭
L’Apple I fut commercialisé en avril 1976 mais “... pour en faire un ordinateur fonctionnel, les utilisateurs devaient encore l'intégrer dans un boîtier avec une alimentation, un clavier et un écran de télévision. Une carte facultative, fournissant une interface pour un lecteur de cassette, fut proposée plus tard pour un prix de 75 dollars.” (Source Wikipédia FR)
Dans les années 1970 et le début des années 1980, avant l’utilisation des disquettes, les micro-ordinateurs utilisaient des cassettes audio pour lire et enregistrer des programmes informatiques (voir note 1 ci-dessous). La cassette compacte conçue par Philips au début des années 1960 en Belgique, a été un support très utilisé pour de multiples usages en écriture et lecture : musiques, paroles et codes informatiques. La K7 a été un vecteur important de la diversité dans la culture musicale. Sa facilité d’utilisation favorisait alors grandement les échanges communautaires (mixtapes, enregistrements pirates de concerts, etc.). L’écoute des livres audio s’est aussi développée grâce à la cassette.
Alors qu’on la croyait définitivement parquée dans le Museum of Obsolete Media, la cassette audio effectue son retour, particulièrement depuis 2014. Même si la tendance reste faible, elle est notable. Ce retour est soutenu par certaines productions de l’univers audiovisuel (Stranger Things ou Les Gardiens de la Galaxie).
Des cassettes audio figurent aussi dans les collections de certains musées.
“Les cassettes, telles que celles-ci, contiennent de nombreux documents d'archives importants, notamment des entretiens d'histoire orale et des enregistrements de conférences tenues au musée.” Angela Thomas
Pendant l’été 2018, Angela Thomas alors en stage au Chicago History Museum (USA), a eu pour charge d’écouter des cassettes mystérieuses pour en identifier les contenus.
”Comme les cassettes sont un peu antérieures à mon époque, je ne savais pas qu'elles étaient encore très abondantes dans les archives, mais après avoir traqué un lecteur de cassettes et écouté cinquante-trois cassettes mystérieuses, je sais maintenant qu'elles sont non seulement abondantes mais aussi inestimables pour les informations qu'elles contiennent”. Angela Thomas
Je suis convaincu que d’innombrables trésors restent à découvrir dans les archives stockées sur support magnétique dans les réserves des musées…
Note 1: En 1983/1984, j’utilisais des cassettes pour lire et enregistrer des programmes avec mon second micro-ordinateur, l’ORIC 1. Je peux vous dire que ces étapes de transfert étaient (très) longues et échouaient parfois.
Note 2: Le titre de ce numéro de l’infolettre est extrait de “L’Avare”. La pièce de Molière parle bien entendu d’un autre type de cassette que celui évoqué ici ;-)
3) Pratiques de confinement 🚪👩💻👨💻
Le 13 décembre 2020, le DEPS, Département des études de la prospective et des statistiques du Ministère de la Culture, publiait l’analyse “Pratiques culturelles en temps de confinement” (analyse s’appuyant sur une étude réalisée par le Crédoc du 20 avril au 4 mai 2020 auprès des françai·se·s âgé·e·s de 15 ans et plus). Cette analyse intéressante, co-écrite par Anne Jonchery et Philippe Lombardo, indique de façon prévisible “une forte consommation de contenus culturels sur écran” pendant le premier confinement en France. En comparaison avec la précédente enquête effectuée en 2018, les augmentations les plus importantes de ces pratiques s’effectuent au niveau des réseaux socionumériques (+ 25 points) et du visionnage des vidéos en ligne (+ 13 points) - deux tendances de fond déjà pointées par l’étude Médiamétrie “L'Année Internet 2019”.
L’analyse des pratiques culturelles des français existe depuis 1973. On peut s’interroger sur l’évolution de la signification de certaines pratiques amateures : écriture des notes personnelles (publier un Tweet ou un post Instagram ?), effectuer un montage audio - vidéo (composer une story ?), danser (reproduire une chorégraphie Tiktok ?)… Par ailleurs certaines pratiques ne figurent pas dans les résultats de l’étude, particulièrement l’écoute de podcasts ou la programmation informatique en amateur.
Un point de l’étude m’a particulièrement intéressé. Si vous suivez les numéros de Muzeodrome, vous avez une idée de celui-ci : la consultation des “visites virtuelles” d'une exposition ou d’un musée (voir Muzeodrome n°52). En 2018, les françai·se·s étaient 9% à avoir cette pratique et pendant le premier confinement 12%. Je dirais même “seulement 12%” car ces visites ont été mobilisées par les enseignants et elles ont été très largement promues par l’ensemble des médias. Pour les françai·se·s âgé·e·s de 25 à 59 ans, l’augmentation entre 2018 et le confinement de 2020 de la pratique des visites virtuelles a été très faible : +1%. Cette pratique à ligne a surtout conquit les publics séniors (+ 6 points avec 16%).
L’étude du DEPS souligne par ailleurs que “les seniors ont été plus présents sur les réseaux sociaux et ont regardé davantage de vidéos pendant le premier confinement”.
“Les 60 ans et plus devraient représenter 20 millions de personnes en France d'ici 2030, contre 15 millions à l'heure actuelle.”
economie.gouv.fr - silver économie - novembre 2017
Alors que beaucoup d’acteurs conçoivent aujourd’hui encore le numérique principalement à l’adresse des jeunes publics, avec l’augmentation de l’espérance de vie humaine, il est primordial que les musées et espaces d’exposition prennent en considération les publics séniors dans leurs diversités et leurs usages. D’autant plus que l’apport économique de ses publics pour leurs projets numériques pourrait être déterminant.
4) Flashs et retours ⚡🌐
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations pour vous :
💪 “Est-il normal que des structures recevant des subventions publiques participent aussi ostensiblement à la précarité des travailleurs et travailleuses de la médiation culturelle?” - Les médiatrices et médiateurs sont en colère. Elles et ils expliquent pourquoi et ce qui doit changer. Je soutiens ces revendications.
📓 Le blog Exposcope (visites et médiation culturelle) fête ses 3 ans (voir Muzeodrome n°41). A l’occasion de cet anniversaire, Lucie Revellin, qui est aujourd’hui son animatrice principale, a été interviewé par Mon cher Watson.
⛪ Sur le site de l'Institut français de Slovénie, le catalogue (en anglais) “Médiation numérique et innovation culturelle” référence 50 structures du secteur afin de favoriser la promotion de leur expertise à l’international. Dans cette sélection figure le projet #Hambye3D, réalisé par Cent Millions de pixels & MG Design, projet que nous avons accompagné avec Michel Kouklia en tant qu'AMO.
Ce gros numéro est le dernier de l’année, l’infolettre passe en mode pause - je vous retrouve dans le futur en janvier 2021…
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Belle fin d’année à tout·e·s - A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.