Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
En ces temps [toujours] étranges et incertains, voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Et toi, tu l'as ? 🟢🟠
"Jeanne Baldessari - Francine Picabia - Annie Warhol - Marcelle Duchamp - La Corbusier - Burt Morisot - Fernande Léger - Eugénie Delacroix - ..."
Si, entre le mercredi 27 mai 2009 et le lundi 21 février 2011, vous avez visité l'exposition “elles@centrepompidou”, en la quittant vous êtes peut-être ressorti·e·s de la boutique avec un ou plusieurs badges prolongeant la série de sculptures d'Agnès Thurnauer “Portraits grandeur nature”.
"Plus ces noms sont visibles, plus ils sont vus, plus il circulent, plus ils sont prononcés, plus ils sont incarnés. C'est un travail qui fonctionne sur la prolifération..."
Agnès Thurnauer à propos de "Portraits grandeur nature".
On parle trop peu des badges de musées et de leurs qualités.
“J'adore les #Musbadges 🤩 C'est un super objet comme souvenir, à petit prix et qui ne prend pas de place à ramener 👌”
@mariettescalier
On parle aussi trop peu dans la sphère muséale de leur capacité à faire circuler des messages qui ne sont pas neutres.
Fondé par Heidi Gardner, Science On A Postcard conçoit des “goodies scientifiques conçus pour briser les stéréotypes, susciter des conversations et démontrer la diversité”. Le Vagina Museum (Uk - voir Muzeodrome n°5) et Science On A Postcard viennent d'éditer “9 badges en émail doux avec des messages durs”. Des badges qui revendiquent la liberté des femmes et qui s'attaquent à la transphobie et au mouvement anti-IVG.
2) J'en avais juste marre ! 😫📴
La semaine dernière, dans le n°48 de l'infolettre, je m'interrogeais sur la disparition du compte Twitter de l'artiste et penseur New-Yorkais Kenneth Goldsmith - compte Twitter qui était pendant de nombreuses années un de ses lieux d'expérimentation.
Suite à la parution de l'infolettre, les informations confirment que Kenneth Goldsmith a bien effacé son compte @kg_ubu.
François Bon (@fbon), répondant à un de mes tweets, a ainsi indiqué :
“sa réponse : «I was just getting tired of it» à noter que @ubuweb continue !”
Puis le Château de Montsoreau-Musée d'art contemporain (@Cmontsoreau) a twitté :
“The decision to delete my Twitter personal account was entirely my own. After ten years, I was just getting tired of it. UbuWeb Twitter continues”.
Kenneth Goldsmith. 20 October 2020.
(La décision de supprimer mon compte personnel sur Twitter était entièrement la mienne. Après dix ans, je commençais à en avoir assez. Le compte Twitter UbuWeb continue d'être actif.)
Rester ou quitter les réseaux socionumériques généralistes, la question est de plus en plus vive. En tous cas, une certaine fatigue s'est installée.
Pour prolonger cette réflexion, je vous invite à (re)découvrir “I quit”, une installation de Thierry Fournier qui "projette dans l’espace d’exposition une série de témoignages vidéos de personnes aux USA qui ont quitté les réseaux sociaux… et qui paradoxalement le publient tous sur Youtube"…
3) Veuillez trouver un itinéraire alternatif ↗️☀️
L'artiviste Nicolas Maigret “expose les rouages internes des médias, à travers une exploration de leurs dysfonctionnements, limites ou seuils d'échec qu'il développe en œuvres immersives et critiques”. Deux de ses oeuvres, présentées chacune dans de multiples lieux culturels, montrent bien son travail : "The Pirate Cinema" et "Predictive Art Bot V4". En 2012, il initie disnovation.org :
“à l'intersection de l'art contemporain, de la recherche et du piratage, DISNOVATION.ORG développe des situations de perturbation, de spéculation et de débat, afin de remettre en question les idéologies techno-positivistes dominantes et de stimuler les récits de l'après-croissance.”
Depuis le 3 septembre 2020 et jusqu'au 17 janvier 2021, l'iMAL, centre d’art pionnier dédié aux cultures et technologies numériques situé à Bruxelles, propose “POST GROWTH” : une exposition conçue par DISNOVATION.ORG avec Baruch Gottlieb, Clémence Seurat, Julien Maudet & Pauline Briand.
“L’exposition POST GROWTH nous invite à questionner les discours dominants sur la croissance et le progrès, et à explorer les conséquences radicales d’un modèle économique spéculatif basé sur l’énergie émise par le Soleil...
POST GROWTH est une invitation à réfléchir collectivement et de manière pratique à l’avenir de la vie sur la planète, la notion de croissance sous toutes ses facettes et implications, ainsi qu’aux limites de la technologie, de la politique et de notre imagination.” (iMAL)
Le site boîte à outils “POST GROWTH TOOLKIT” accompagne l'exposition au travers d'une série d'entretiens et d'un jeu. Les entretiens vidéos avec des chercheurs, des théoriciens et des activistes ont pour objectif “de mieux comprendre les fondements des crises politiques et écologiques actuelles” et d'effectuer des propositions qui “visent à encourager le prototypage et la vision de modes de vie radicalement différents en relation avec notre environnement”. Quand au jeu de cartes tactiques (à télécharger), il invite “à nous reprogrammer pour sortir de l'orthodoxie de la croissance économique”.
J'ai découvert l'exposition "POST GROWTH" via une bulle d'Outrepart (voir ci dessous) qui pointait vers un article du blog de Régine Debatty "We Make Money Not Art". Dans cet article, la critique d’art aux avant-postes raconte en détail sa visite de l'exposition :
“L'exposition POST GROWTH montre des problèmes écrasants qui me donneraient normalement envie de faire l'autruche. Mais parce que les œuvres exposées tissent des idées pratiques et théoriques, des faits déprimants et des concepts édifiants, un scepticisme sain et des appels à notre imagination, à nos décisions individuelles et à nos actions collectives, j'ai émergé de ma visite à iMAL avec un sentiment d'espoir. Et ce n'est pas un sentiment que je ressens souvent ces jours-ci.”
Régine Debatty "We Make Money Not Art"
Note : “Please Find Alternative Route” (Veuillez trouver un itinéraire alternatif) est un des messages visibles dans l'exposition.
4) Être Outrepart 👨🚀☄️
On me demande régulièrement comment je fais pour trouver les informations de ma veille. Je vais vous parler d'un site que vous ne connaissez peut-être pas et que j'ai créé en août 2007 : Outrepart.
Outrepart utilise les flux RSS de nombreux sites web et blogs pour afficher une mosaïque de 100 images renouvelées régulièrement. Hébergé depuis cet été en sous-domaine dans mon site principal, Outrepart continue inlassablement de diffuser des liens sous forme d'image. Il est une des sources de mes découvertes, loin des algorithmes des géants du web.
Le 4 décembre 2007, le journaliste belge Jean-Claude Vantroyen écrivait dans "Le Soir" un article coup de cœur sur Outrepart, article qui avait pour titre “Une fenêtre ouverte sur l’art du monde” :
“Chaque image renvoie à un site ou un blog, d’un artiste, d’un collectif, d’une galerie du monde entier. La mosaïque change plusieurs fois par jour, ce qui permet à l’amateur assidu de s’en mettre plein la vue de façon quasi permanente.
Le portail est ouvert sur la peinture, l’installation, le dessin, l’illustration, le collage, la photo. Pas d’explication : le renvoi immédiat au site demandé qui, souvent, renvoie à d’autres images, à d’autres sites, à d’autres blogs. Et vous êtes ainsi parti pour un beau voyage. Bien sûr, tout n’est pas de la même qualité artistique. Mais restez curieux, et vous tomberez sur des perles.”
Jean-Claude Vantroyen in Le Soir (décembre 2007)
Ma source principale d'inspiration pour la création d'Outrepart fut une citation de William S. Burroughs et la lecture de son ouvrage “Révolution électronique”.
“Images. Millions of images. That's what I eat.”
William S. Burroughs
Je profite de cette notule pour indiquer mon désaccord avec le message diffusé dans le milieu des startups : “les idées ne valent rien”. Un message si rabâché, que celui ou celle qui le prononce devient tout de suite suspect à mes yeux. L'idée conduit à la réalisation. La valeur des idées singulières est très forte. Chaque jour, je travaille à développer des projets efficients basés sur des approches et des idées singulières.
Note : le nom Outrepart doit tout à Pierre Versin.
5) Cauchemarder avec Rod 👨🖼️👹
La nuit, plus encore que le jour, les galeries des musées sont des territoires propices au développement de l'imaginaire.
“L'imagination... ses limites ne sont que celles de l'esprit lui-même.”
Rod Serling
Après les cinq saisons de la série de science-fiction “La Quatrième Dimension” (The Twilight Zone - 1959>1964), Rod Serling lance aux USA, une nouvelle série d'anthologie “Night Gallery”. Très peu connue en France, cette série en couleur utilise les registres du fantastique et du surnaturel.
Le pilote de la série Night Gallery est diffusé pour la première fois le 8 novembre 1969 aux USA. Après un générique très singulier, chaque épisode de la série Night Gallery est introduit par Rod Serling depuis les galeries d'un "musée des cauchemars" dont il serait le conservateur en chef - Rod Serling dévoilant à chaque fois une peinture liée à l'histoire de l'épisode.
“Bonsoir, et bienvenue dans une exposition privée de trois peintures, exposées ici pour la première fois. Chacune est une pièce de collection à sa manière, non pas en raison d'une qualité artistique particulière, mais parce que chacune capture sur une toile, suspendue dans le temps et l'espace, un moment figé d'un cauchemar.”
Rod Serling dans le pilote de Night Gallery.
🎃 Bon Halloween 2020 à toutes et tous.
Note 1 : A noter la scénographie du “musée des cauchemars” avec ses tableaux suspendus.
Note 2 : Dans la seconde histoire du pilote de Night Gallery qui s'intitule “EYES”, la star emblématique de l’âge d’or de Hollywood Joan Crawford est dirigée par un tout jeune réalisateur de moins de 25 ans, un certain Steven Spielberg (dont c'est la première réalisation professionnelle).
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.
Trop bien Outrepart, je ne connaissais pas !
Stimulant comme toujours ! Merci !