👉 Napoléon Bonaparte aurait dit “vous devez tout voir, tout entendre et tout oublier”. Avant de tout oublier, je vous invite à découvrir la première notule de ce numéro 132 ;-)
▙
En réaction 💥
La vidéo réaction est un genre en soi. Dans le New York Times Magazine en 2011, l’auteur et journaliste Sam Anderson décrivait d’ailleurs le phénomène comme «l'expérience fondamentale d'Internet» ; car la vision de ces vidéos implique de regarder des écrans dans lesquels d’autres personnes regardent des écrans.
Il est rare que ce genre de vidéo soit mobilisé par les institutions. Le 14 juillet 2023, le Musée de l'Armée (Paris) a publié dans sa chaine YouTube, une vidéo réaction de l’historienne Emilie Robbe à la bande annonce du film Napoléon de Ridley Scott - film dont la sortie cinéma est prévue en France en novembre 2023.
Emilie Robbe sait de quoi elle parle. Responsable du Département 19e siècle et symbolique au musée de l'Armée, elle est pour celui-ci la référente sur l'histoire napoléonienne. Portant un t-shirt noir avec un détournement de l’affiche d'une célèbre série télévisuelle avec un trône de fer, l’historienne analyse la bande annonce du film avec un certain humour :
”Le rendu des uniformes, de l'organisation de l'armée, etc. est vraiment soignée. Bon, juste on se trouve pas au pied des pyramides. La bataille des Pyramides est à plusieurs kilomètres. Les canons ne tireront qu'à 800 mètres grands maximum. Et jamais de la vie, on ira ébranler ne serait-ce qu'un cheveu sur la pyramide de Khéops…”
A noter par ailleurs que :
- cette vidéo dispose d’une véritable miniature avec un titre et la présentation de son contenu (à gauche l’historienne, à droite la fiction).
- cette vidéo exploite une autre technique narrative, la mise en avant de son meilleur extrait - technique fréquemment utilisée par les créateurs de contenus.
- cette vidéo fait partie de Culture Pop, la série qui fait le lien entre les collections du musée de l'Armée et le cinéma.
La vidéo Napoléon : analyse de la bande-annonce par une HISTORIENNE (du Musée de l'armée) au moment j’écris ces lignes a déjà dépassé les 700.000 vues et elle est la seconde vidéo la plus vue du musée sur YouTube.
Reste une question : est-il possible d’être vraiment visible sur les plateformes des géants du Web sans jouer le jeu de celles-ci ? La réponse est assurément dans la question.
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Par la bande 💭
Pendant l’été et le début de l’automne 2023, les visiteurs peuvent de nouveau franchir les portes du Musée des Augustins de Toulouse, avant que celui-ci ne ferme à nouveau pour quelques mois de travaux. Pour accompagner cette ouverture exceptionnelle, le musée a utilisé la bande-dessinée en proposant un point de vue décalé. J’ai questionné à Laure Dalon, directrice du musée depuis octobre 2022, à ce sujet.
Pourquoi avoir mobilisé la bande-dessinée pour accompagner la réouverture estivale et temporaire du musée des Augustins après des années de fermeture ?
La position centrale du bâtiment dans la ville est un atout indéniable, tandis que sa monumentalité d’ancien couvent peut le desservir : inciter les passants à regarder le bâtiment était le premier enjeu. Il me semblait nécessaire de délivrer de l'information sur les travaux en cours et à venir, car cette longue fermeture avait fini par susciter une certaine incompréhension chez les Toulousains. Enfin, il était important de faire évoluer l'image du musée, de susciter la curiosité et l'empathie d'un public large, d'où la nécessité à mes yeux d’introduire de la légèreté et de l'humour.
Comment avez-vous effectué le choix de ou des artistes ? Et le choix des personnages ?
Les noms de Frédéric Maupomé et de Gom m'ont été soufflés par des amis communs, et le hasard a voulu qu'ils soient en train de travailler ensemble sur un projet de livre ! Ils ont adhéré avec beaucoup d'enthousiasme et de pertinence à mes envies. Créer des personnages était l'une des premières étapes de ce travail ensemble et j'ai pour ma part veillé à ce qu'on les affine en se rapprochant d’œuvres du musée : la ‘Jeune Fille dans un parc’ de Berthe Morisot a tapé dans l’œil de Gom, puis nous avons opté pour une bande de gargouilles qui permettait de développer une belle palette de tempéraments. Ces personnages, sérieux, comiques ou impertinents selon les occasions, se révèlent bel et bien d’excellents médiateurs !
Dans l'exposition, une grande fresque dessinée présente le musée, comme une infographie géante, pouvez-vous nous en dire plus sur celle-ci ?
J'avais à cœur de faire comprendre la place centrale du musée dans l'histoire de la ville, tout en montrant qu'il reste encore aujourd'hui connecté de multiples manières à son territoire. Les musées sont des lieux vivants, joyeux, qui mobilisent des acteurs très différents. Le défi a amusé et stimulé Frédéric et Gom et ils ont eu cette idée géniale de carte mentale géante, sérieuse et drôle à la fois ! Cela a ensuite été un très gros travail de compilation d'informations de la part de l'équipe du musée, puis de mise en scène et d'illustration de leur part ...pour un résultat qui, je crois, surprend, amuse et séduit nos visiteurs !
Envisagez-vous de continuer de faire appel à la bande dessinée après votre réouverture estivale ? Par exemple en ligne en attendant votre réouverture définitive ? Ou même dans les espaces réaménagés du musée ?
L’objectif premier était et reste d’accompagner le musée le temps des travaux, et ce jusqu’en 2025 ! Les réactions ont été jusqu’ici très positives et cela m’incite en effet à envisager des suites à ce projet au-delà de cette date.
Informations pratiques
Le musée des Augustins (Toulouse) est ouvert du 24 juin au 16 octobre 2023 - du jeudi au lundi, de 11h à 19h.
Entrée gratuite - billet à réserver en ligne ou disponible sur place.
(Accueil du côté de la rue Antonin-Mercié - à l’angle de la rue Alsace-Lorraine).
Note : pendant plusieurs mois, de l’automne 2022 au printemps 2023, avec Elisabeth Gravil (Museovation) et Solweig Mary (Agence Digitalis), nous avons accompagné le musée des Augustins dans la définition de sa stratégie numérique. Le choix de la bande dessinée par le musée n’est pas en lien direct avec sa stratégie numérique. Toutefois, je vous recommande de suivre l’actualité du musée qui devrait réserver d’autres surprises dans les mois venir…
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X.com (suite) ✖️
Depuis l’arrivée de Elon Musk à la tête de Twitter, beaucoup de membres de la plateforme sociale se sont demandés s’ils devaient la quitter ou pas (voir le numéro 119 de l’infolettre consacré à Mastodon).
Au tournant des années 2010, Twitter a été une importante plateforme d’échange entre les professionnel·le·s du secteur muséal passionné·e·s par les possibles transformations portées par les numériques (en France, la communauté informelle des museogeeks).
Mais voila Twitter n’est plus - depuis le 24 juillet 2023, il a été remplacé par 𝕏. La lettre X est un obsession pour monsieur Musk - pour mémoire, le septième enfant du multi-milliardaire se prénomme X Æ A-XII - oui, c’est un garçon ! L’objectif d’Elon serait que la plateforme 𝕏 deviennent progressivement une “super app” multiservice comme WeChat - avec en son cœur un système de paiement en ligne (lire à ce sujet l’article de Hadrien Augusto publié le 25 juillet 2023 dans 01.net).
Souvenez-vous que dans le numéro 59 de l’infolettre, publié le 12 janvier 2021, je vous parlais déjà d’Elon Musk et de X.com :
Connaissez-vous le nom de domaine X.com ? Je vais peut-être vous décevoir mais il ne s'agit pas d'un nom de domaine lié à des activités "pas sûres pour le travail" (NSFW).
Créé en 1999 par Elon Musk, X.com était l'une des premières banques en ligne. En mars 2000, X.com fusionnait avec Confinity, son concurrent direct. Le résultat de cette fusion a tout d’abord été nommé X.com, puis en juin 2001 PayPal (société achetée par eBay en octobre 2002).
En juillet 2017, Elon Musk a racheté le nom de domaine X.com, et il en a fait une œuvre d’art web minimaliste. Aujourd’hui quand vous vous connectez à x.com un simple “x” s’affiche en haut à gauche du site (sans aucun habillage graphique). Toutes les autres pages du site n’existent pas et leurs appels provoquent une erreur 404 qui s’affiche sous la forme d’un simple “y”.
Le parenthèse d’X.com comme œuvre d’art web minimaliste s’est refermée en juillet 2023. X.com pointe maintenant vers Twitter.com en attendant de prochaines évolutions impulsées par le showrunner de la plateforme. Reste à confirmer que les utilisateurs de 𝕏 seront aux rendez-vous des prochains épisodes…
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Lu, vu, entendu ⚡
Écoutez Wikipédia | Bruits de cloches pour les additions de contenus - pincements de cordes pour les suppressions… Grâce à l’expérimentation Web Listen to Wikipedia, il est possible d’écouter les flux de modifications de Wikipedia en direct. En complément des sons, les modifications s’affichent à l’écran sous forme de cercle (gris pour les contributeurs enregistrés, vert pour les contributeurs non enregistrés, violet pour les bots). Un formulaire permet de changer la langue du flux qui est par défaut en anglais. Après avoir choisi le Wikipédia français, vous verrez le rythme musical est bien plus lent → En savoir plus sur ce projet dans cet article publié sur le site wikipédia.fr. /via Mark Frauenfelder et la newsletter Recomendo (n°369).
Dutch Girls In Museums - le livre | Dans les numéros de l’infolettre, j’ai évoqué plusieurs fois les Dutch Girls In Museums, deux hollandaises qui explorent le monde merveilleux des musées aux Pays-Bas. Après plus de 500 publications dans leur compte Instagram, Danielle Lakeman et Iris Zaagman publient un livre (en néerlandais) pour parler de leurs expériences dans les musées. Les deux passionnées indiquent dans la présentation de leur ouvrage “L'art est pour tout le monde. Découvrez votre façon de voir l'art, tout comme nous !”.
Une explosion de couleurs | Le peintre Pierre Bonnard (1867-1947) est célébré internationalement pour son utilisation de la couleur comme vecteur pour transmettre des émotions. La National Gallery of Victoria - NGV (Melbourne, Australie) présente du 9 juin au 8 octobre 2023 l’exposition “Pierre Bonnard: Designed by India Mahdavi” - une exposition qui a bénéficiée d’un partenariat avec le musée d'Orsay. Conçue par l’architecte et designer française India Mahdavi, la scénographie de l’exposition présentée à la NGV est remarquablement immersive (à noter l’importance primordiale des papiers peints dans celle-ci). Dans la page web de présentation du studio India Mahdavi (situé physiquement à proximité du Musée d’Orsay), il est indiqué : “depuis le début de sa carrière dans les années quatre-vingt-dix, et l’ouverture de son studio à paris en 2000, India Mahdavi développe à travers ses réalisations une certaine vision du bonheur et de la couleur qu’elle a largement contribué à remettre en scène.“
Quelques questions | “Comment le Musée achète-t-il de nouvelles œuvres ? Comment les œuvres sont-elles choisies ? Pourquoi ces œuvres sont-elles dans la même salle ? …” Pendant l’été 2023, le Centre Pompidou a publié la mini-série Le Musée en questions dans son podcast consacré aux œuvres. Dans chaque épisode de celle-ci, “un visiteur ou une visiteuse du Centre Pompidou pose une question sur le Musée. Conservateurs et conservatrices, conférenciers et conférencières leur répondent et nous font découvrir autrement la collection d'art moderne et contemporain, et ses enjeux.”
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Bravo, vous avez réussi à lire tout ce numéro 132 !
La suite au prochain numéro,
à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer - Spécialiste des {autres} numériques, j'accompagne les organisations culturelles pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics : idées - projets & prototypes - AMO - stratégies - formations...
P.S.: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro.
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