Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions.
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En ces temps [toujours] étranges et incertains, voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Danses frénétiques 💃
“Mouvement et possession, danse et (perte de) contrôle sont étroitement associés depuis des siècles. Songez par exemple aux terribles récits d’épidémies dansantes qui ont fait des ravages en Europe, ces danses frénétiques ne s’arrêtant parfois qu’au décès.”
La citation ci-dessus est extraite de “5 bonnes raisons de venir voir Danser brut”. Texte qui appelle à visiter l'exposition présentée à BOZAR (Bruxelles, Belgique) du 24 septembre 2020 au 10 janvier 2021 .
“Danser brut éclaire le lien entre danse et mouvements involontaires ou répétitifs. L’expo étudie les formes d’expression du corps, du visage ou des mains, comprises comme une forme d’accès à notre être-au-monde.”
Cette exposition qui invite les visiteurs hors des sentiers battus est une des différentes propositions du musée bruxellois dans le cadre de sa saison 2020/2021 consacrée à l’art et au bien-être (Art & Well-being). L'exposition “Danser brut” est organisée par BOZAR, le Musée Dr. Guislain (Gand, Belgique) d’après un concept original du LaM (Lille Métropole, France). Elle a été présentée en 2018 dans une première version au LaM (Voir son dossier pédagogique) puis dans une seconde à la Fondation Fluxum (Genève, Suisse) en 2019.
Un avant-gout de l'#expoDanserBrut du coté de Numeridanse.tv avec les "tanzerische pantominen" (pantomimes dansantes) de Valeska Gert, phénoménale danseuse autodidacte et expressionniste du Berlin de la fin des années 1910 au début des années 1930.
Note1 : Le teaser de l'exposition mobilise un choix musical pointu en parfaite résonance avec le thème de l'exposition : le morceau "Fantaculaire" du groupe Les Harry's (Album GGOTS - chez Sonic Protest).
Note 2 : Le Courrier.ch présentait le 17 avril 2019, un intéressant entretien autour de l'exposition avec sa co-commissaire Savine Faupin (Conservatrice en chef chargée de la collection de l’art brut au LaM).
/Merci @suprbo
2) Photographie, patrimoine et innovation 📷
Wiki Loves Monuments (WLM), “le concours photo qui met le patrimoine à l'honneur sur wikipédia”, fête ses 10 ans et sa 11ème édition en ce mois de septembre 2020. La première édition du concours avait été organisée en 2010 aux Pays-Bas en tant que projet pilote. Les années suivantes, WLM s'est étendu à d'autres pays d'Europe puis du monde. Son principe :
“Wiki Loves Monuments est un concours photo dédié aux monuments historiques, édifices et objets patrimoniaux dont le but est d'aider à illustrer les articles de l'encyclopédie Wikipedia via sa médiathèque en ligne Wikimedia Commons et auquel tout le monde peut participer.” (Wikimedia commons)
Dés 2012, WLM devient le plus grand concours de photographique mondial selon Guiness World Records. Soutenue par l'UNESCO, l'édition 2016 de WLM avait mobilisé plus 10 700 participants de 43 pays qui avaient soumis environ 277 000 photos (source : Wikipédia FR).
Ici, la photographie vient en aide au patrimoine en le rendant visible. Une dynamique qui est loin d'être nouvelle. L'innovation technologique qui soutenait les multiples nouveaux procédés photographiques au milieu de 19ème siècle a été d'une grande aide au patrimoine français :
“En 1851, Baldus, Bayard, Le Gray, Le Secq et Mestral parcourent la France afin de « recueillir des dessins photographiques d'un certain nombre d'édifices historiques ». De Reims à Bordeaux, de Strasbourg au Puy, de Fontainebleau à Nîmes, ils photographient, chacun selon sa sensibilité, les églises, les théâtres antiques, les châteaux qui, pour beaucoup, ont souffert sous la Révolution et menacent ruine. Cet épisode mythique est aujourd'hui désigné sous le terme de Mission héliographique” Éditions du Patrimoine - présentation de l'ouvrage "La Mission héliographique".
Dans un article récent pour le site de France Culture et une vidéo pour Culture Prime, la journaliste Derwell Queffelec revient sur cette formidable mission, qui marquera la sauvegarde du patrimoine français. Cette mission fut aussi la première commande publique de photographie en France - une commande initiée par Prosper Mérimée, écrivain et inspecteur des Monuments historiques depuis 1837.
“Si ces monuments sont préservés aujourd’hui, c’est en partie grâce à cinq photographes qui ont sillonné la France en 1851 et ainsi installé l’idée d’un patrimoine à sauvegarder. Premiers clichés de monuments, techniques innovantes, invention des codes de la photo d’architecture. La Mission héliographique est le point de départ de la notion de patrimoine et du développement de la photographie en extérieur.” Derwell Queffelec (France Culture, 21 septembre 2020).
/via @museecluny pour WLM
3) Libérer le patrimoine culturel ✂️
“Nous sommes censés apprendre de l'histoire, mais nous n'y avons pas accès.”
Un manifeste à destination des galeries, bibliothèques, archives et musées publics (GLAM) vient d'être publié. Celui-ci a pour objectif de libérer le patrimoine culturel déjà numérisé.
Son titre : "Passenger Pigeon Manifesto"
(en français le "Manifeste des pigeons voyageurs")
http://ppmanifesto.hcommons.org
“Combien de personnes connaissent l'existence des pigeons voyageurs ?”. Le manifeste commence par cette question et s'appuie sur plusieurs récits édifiants d'espèces disparues. Il précise ensuite que “les photographies historiques d'animaux disparus font partie des objets les plus importants pour enseigner et informer sur l'impact de l'homme sur la nature”. Puis, il déplore notre manque actuel d'accès à des documents sur les espèces disparues. Partant de ce constat, le "Passenger Pigeon Manifesto" présente six grandes propositions - Extrait :
“Les institutions culturelles devraient réfléchir et repenser leur rôle en matière d'accès. Si le paysage politique actuel, le manque d'infrastructures et les graves coupes budgétaires ne favorisent pas l'ouverture, les institutions culturelles ne doivent pas perdre de vue leur rôle essentiel dans la construction de ponts vers la culture. La préservation doit signifier que notre patrimoine culturel doit toujours être facilement accessible à tous. Sans un accès gratuit et public, ces objets ne seront que des objets à oublier et à redécouvrir encore et encore, connus uniquement par des communautés exclusives.”
Déjà signé par de nombreux de professionnels, le manifeste a été publié par plusieurs plateformes en ligne et sera également au sommaire de publications imprimées. J'espère qu’il sera rapidement traduit intégralement en français.
/Merci à Adam Harangozó pour son mail
4) Futur(s) 🚀
Comme je l'indiquais dans le numéro 9 de Muzeodrome (décembre 2019), les musées sont en pleine recherche de leurs futurs. Un musée du XXIe siècle se doit de faire le pont entre le passé (ses collections, les œuvres anciennes présentées dans ses expositions, ...) et les futurs qu'il envisage comme préférables pour la société. BOZAR (Bruxelles, Belgique) présente depuis le début de l'été 2020 plusieurs expositions, événements et rencontres autour des futurs. Un réjouissant programme:
A) Repairing the Future
Une série de 10 entretiens avec des penseu-r·ses qui imaginent d'autres mondes à venir. Pendant l'été 2020, tous les mercredis soirs ces entretiens se sont déroulés par visioconférence avec une mise en scène particulière dans le cadre de #BOZARATHOME. Aujourd'hui ces entretiens sont consultables en ligne. Les invités: Paolo Giordano (Italie), Thomas Piketty (France), Olivia Laing (UK), Felwine Sarr (Sénégal), Srećko Horvat (Croatie), Valérie Trouet (Belgique/USA), Joseph E. Stiglitz (USA), Mazen Maarouf (Palestine/Islande), Rem Koolhaas (P-B) et Edgar Morin (France).
B) "Next Generation, Please!"
“Durant toute une année scolaire, des jeunes âgé·es de 16 à 26 ans ont travaillé avec des artistes, expert·es, penseu-r·ses, femmes et hommes politiques. Le résultat ? Un bouillonnement de créativité ! Du 29 septembre au 1er novembre 2020, BOZAR présente leurs idées, récits et rêves...” (Bande annonce - vidéos de l'édition 2019)
C) STARTS Prize '20
“Chaque année, le STARTS Prize récompense les projets qui trouvent des réponses innovantes aux défis sociaux, écologiques et économiques auxquels l'Europe sera confrontée dans un avenir proche grâce à la rencontre de la Science, de la Technologie et des ARTS (STARTS)”. L'exposition de BOZAR présente les lauréats de l'édition 2020 du STARTS Prize du 26 septembre au 25 octobre 2020:
“La Canadienne Andrea Ling a remporté le prix dans la catégorie «Exploration artistique». Son travail traite du processus naturel de décomposition comme outil d’un monde sans déchets. Et dans la catégorie «Collaboration innovante», la Russe Olga Kisseleva a été récompensée pour « EDEN - Éthique - Durable - Écologie – Nature », qui s’inspire d’espèces d'arbres menacées pour explorer la communication non-humaine et la formation de réseaux.”
L'ensemble des projets (“Computer 1.0”, “Prosthetic Memory”, ...) sont à découvrir dans un "guide digital du visiteur" accompagnant l'exposition. Ce guide en anglais utilise une plateforme spécifique pour la mise en "format long" de ses contenus en ligne (textes, images, vidéos) : Readymag.
5) L'art de Michael Lonsdale 🧔🏻
En 2004, le Château de Chenonceau proposait une innovation : un audioguide nouvelle génération sur iPod.
“Et pour plonger plus profondément dans l'Histoire, pouvait-on rêver meilleur guide que le comédien Michael Lonsdale ? Depuis le 18 mars 2004, ce n'est plus un rêve, mais une réalité. Désormais, il accompagne les touristes francophones et anglophones lors de leur promenade dans le château.” Stéphanie Chaptal in 01net - 6 mai 2004
Convaincu de l'existence de Dieu, Michael Lonsdale a quitté notre dimension le 21 septembre 2020. La première fois que je l'ai vu, c'était à la télévision, je devais avoir 7 ou 8 ans. J'ai été tout suite fasciné par sa présence et sa voix qui étaient toutes deux si singulières.
“L'art trouve souvent sa source dans une blessure, un manque, et il n'est pas rare que les artistes soient foncièrement des révoltés, des êtres en recherche.”
Michael Lonsdale in “Jésus, j'y crois”
Michael Lonsdalle, ce sont des personnages fascinants dans des films d'auteur et du cinéma populaire comme le rappelle Blow Up d'Arte dans une savoureuse compilation, qui se termine par une séquence hors-norme extraite du film de Luis Bunuel “Le Fantôme de la Liberté” (1974). Un être à part, en recherche, qui aimait les mots et le silence. Il chérissait par ailleurs les musées. Au fil du années, il avait effectué de nombreuses lectures dans leurs murs (par exemple au Musée de Cluny en 1996 et 2007 ou encore à la Maison de Balzac en 2011 et 2016).
“Pour qu'il y ait écoute, il faut qu'on entende quelque chose”
Michael Lonsdale in “La Prière”
Sa voix si particulière a aussi fait les beaux jours de nombreux projets audiovisuels : dramatiques radiodiffusées, livres audio et audioguides.
“M. Lonsdale aimait les audioguides. Comédien virtuose de la parole, il aimait prêter sa voix à la moindre petite église de campagne. Nous avions eu la chance de travailler avec lui à plusieurs reprises. Notre souvenir le plus fort restera cette séance où il prononça, avec pudeur (et dégout parfois) ce texte écrit en collaboration avec le Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane.” Audiovisit.
Note : les deux citations d’ouvrages de Michael Lonsdale sont extraites du site Babelio.
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.