Podcasts, mathématiques et talons aiguilles
Muzeodrome #18 > Écouter, mais où et comment? - Dans les futurs alternatifs - Des entrées gratuites par milliers - Demain les mathématiques - Vive les interdictions!
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Voici cinq choses qui valent la peine d'être partagées avec vous cette semaine :
1) Écouter, mais où et comment? 🔊👂🙋
"Au revoir les Audioguides - Bonjour les Podcasts" - tel est le message que l'on peut lire en ce moment sur un mur du Centre Pompidou. Pour mémoire, en 2015, le musée abandonne son audio-guide payant pour le remplacer par une application destinée à "e-guider" ses publics. Les années 2020 sonnent l'heure du bilan des usages des applications natives basées sur le BYOD (Bring Your Own Device - apportez votre équipement personnel de communication). Beaucoup de ses applications pour musées n'ont pas donné satisfaction ni du coté des visiteurs (difficultés de chargement, contenus...), ni du coté des institutions (fort coût de développement pour un faible taux d'utilisation). Ainsi le Centre Pompidou abandonne son application en mai 2019 pour la remplacer par une offre de podcasts en souhaitant que ceux-ci accompagnent l'expérience de visite dans sa continuité (avant, pendant et après) : "À écouter dans le Musée, chez vous, dans les transports… Une aide à la visite à vivre en toute liberté !". Près d'un an plus tard, plusieurs questions se posent. Peut-on créer des contenus audios qui sont totalement adaptés aux trois temps de la visite ? Est-il aisé pour toutes et tous d'accéder in situ aux podcasts, de les télécharger ou de les écouter ? Est-ce une bonne idée de diffuser des podcasts de visite sans espaces in situ adaptés à leur écoute ? La réponse actuelle à ces questions, quelle que soit la qualité des podcasts, est à mon sens non !
2) Dans les futurs alternatifs 🔮👽🌿
Les musées ont un rôle important à jouer pour questionner l'illusion d'un futur prédictible tissé par le capitalisme de surveillance et pour ouvrir des chemins vers d'autres futurs (voir le Muzeodrome #9 consacré à ce sujet). Présentée au Philadelphia Museum of Art jusqu'au 8 mars 2020, "Designs for Different Futures" apparait comme une exposition ambitieuse ; son programme : "voyagez dans un paysage électrisant de créations qui répondent à l'avenir de manière surprenante, ingénieuse et parfois dérangeante". Dans cette exposition, un espace spécifique est consacré à la conversation, la critique et la créativité : le Laboratoire de Thérapie des Futurs (Futures Therapy Lab). La commissaire de l'exposition, Kathryn Hiesinger, précise dans le magazine Digicult : "nous aimerions que les visiteurs se joignent à nous pour présenter des conceptions qui envisagent le possible, débattent de l'inévitable et évaluent les alternatives".
Pour celles et ceux qui n'auront l'occasion de pouvoir visiter l'exposition, son beau catalogue présente entre autres : une police de caractères illisible par un logiciel de reconnaissance de caractères, la réserve mondiale de semences du Svalbard et un catalogue spéculatif de prothèses pour les "post-humains"...
3) Des entrées gratuites par milliers 🎁 🎁 🎁
Le 25 octobre 2019, j'interrogeais Twitter sur la possibilité pour l'exposition Léonard de Vinci au Musée du Louvre d'une durée de quatre mois d'avoir plus de visiteurs que l'exposition Toutânkhamon de Paris à La Villette qui avait duré six mois. Après plusieurs mois de suspense, la réponse est arrivée:
> 1·071·840 visiteurs pour l'#ExpoLéonard
> 1·423·170 visiteurs pour l'#ExpoToutankhamonParis
L'exposition Toutânkhamon (2019) conserve donc son statut d'exposition blockbuster "la plus visitée de l'histoire en France". Mais le chiffre le plus intéressant est peut-être le pourcentage d'entrées gratuites pour l'exposition Léonard de Vinci qui a été de 36%, soit un total de 386·000 personnes qui ont bénéficié de la gratuité pour l'exposition au Musée du Louvre ; probablement un record pour une exposition payante en France...
Note : A ce sujet, Noémie Couillard rappelait dans un échange en ligne que le Patrimostats 2018 révélait une moyenne de 40% d'entrées gratuites dans les musées labellisés "musée de France".
4) Demain les mathématiques 🧮 🚀
"Considérons une variété compacte V à 3 dimensions sans bord. Est-il possible que le groupe fondamental de V soit trivial bien que V ne soit pas homéomorphe à une sphère de dimension 3 ?". Si vous ne comprenez rien à cette conjecture mathématique posée en 1904 par Henri Poincaré et démontrée seulement en 2003 par le mathématicien russe Grigori Perelman, vous serez peut-être intéressé par l'ouverture dans quelques mois de la Maison Poincaré. Appelé auparavant "La Maison des mathématiques", le lieu "offrira sur 900 m2 une exposition permanente dédiée aux mathématiques et à leurs applications, où les visiteurs pourront explorer l’histoire de cette discipline au travers des continents, comprendre la démarche des chercheurs et chercheuses d’aujourd’hui, et appréhender l’influence des mathématiques sur notre société et notre quotidien". Rendez-vous prévu en septembre 2021 pour voir ce projet dans toutes ces dimensions...
Note : la Maison Poincaré fait partie des établissements qui ouvriront ou rouvriront leurs portes dans les prochains mois à Paris. Antoine Vitek en a dressé une liste dans son webmagazine Culturez-vous.
5) Vive les interdictions! 👠🚫🙂
Le talon aiguille moderne, aussi nommé Stiletto, doit beaucoup à l'évolution des techniques de fabrication et de production héritées de la seconde guerre mondiale. "En 1954, le chausseur Roger Vivier eut l'idée d'insérer une tige en métal dans le talon afin de le rendre plus résistant". La chaussure se popularise très vite soutenu par l'impact du cinéma hollywoodien sur les esprits (Cf. l'inoubliable scène de la robe dans "Sept ans de réflexion" de Billy Wilder en 1955). Comme l'indique leur nom de Stiletto (poignard italien à fine lame triangulaire), ces chaussures poinçonnent les sols qu'elles percutent. Au milieu des années 1960, face à la popularité des talons aiguilles et aux dégâts qu'ils provoquent, les musées français réagissent et les interdisent (pour le Musée du Louvre à partir du 15 octobre 1964, au grand dam de ses visiteuses). A cette époque, un garçon d'une dizaine d'années visitant pour la première fois le Musée des Arts africains et océaniens est frappé par un panneau d'interdiction qui montre un escarpin barré d'un trait rouge. Cette interdiction est un déclencheur pour ce garçon qui se nomme Christian Louboutin. Le Musée des Arts africains et océaniens, aujourd'hui devenu le Palais de la Porte-Dorée, présente du 26 février au 26 juillet 2020, une exposition conçue avec l'audacieux chausseur français, dans le cadre d'une nouvelle programmation dédiée à la création d’aujourd’hui. Cette exposition rappelle l'importance du panneau d'interdiction dans le parcours de Christian Louboutin.
Note : j'ai plusieurs fois cité cette histoire marquante - entre autres, lors de mon entretien avec Julien Baldacchino sur les interdictions dans les musées (#NePas) pour le site Web de France Inter en juin 2019.
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Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }