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“Vous êtes sur le point d’entrer dans une autre dimension, une dimension non seulement visuelle et sonore mais aussi mentale. Un voyage au pays merveilleux de l'imagination. Prochain arrêt, la Twilight Zone !” Rod Serling
👉 Dans la première notule de ce numéro 139, je vous invite à me suivre dans une expérience qui pourrait bien être située dans la Twilight Zone.
▙
Avec nos salives 🤤🧪🔬
Je vous invite à me suivre dans une médiation mystérieuse…
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\ Nous entrons dans le laboratoire. Les variations de lumières et de sons nous confirment que ce lieu est spécial. Sur les quatre murs, une grande fresque : des dessins d’animaux et de machines, des formules mathématiques, des bouts de code informatique… Dans un coin, un écran projette un film qui se déroule de nuit dans un muséum. Dans ce film, une femme peut-être non-terrienne réalise une expérience avec sa salive.
\ Au centre du laboratoire, une opératrice en blouse blanche est entourée de matériel. Quand nous nous approchons, celle-ci invite chacune et chacun d’entre nous à cracher une dose de sa salive dans un tube à essai. Nos salives sont ensuite mélangées par l’opératrice puis placées dans une machine circulaire noire. Au bout de quelques minutes, une réaction fait naitre à partir des salives mélangées une méduse ADN. Visible sur un écran, la méduse numérisée reçoit un nom donné par l’une ou l’un d’entre-nous. Au cours et après l’expérience, les échanges verbaux avec l’opératrice nous éclairent un peu plus sur l’expérience et les différents éléments présents dans la salle.
\ Nous quittons ensuite le laboratoire pour entrer dans un couloir où sont disposées des pièces du muséum (animaux naturalisés, squelettes, …). Des images diffusées par des projecteurs de diapositives défilent sur un mur. A la sortie du couloir, nous entrons dans une salle de projection. Sur le grand écran, des plongées dans des galaxies lumineuses : les méduses ADN précédemment numérisées.
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Voici l’expérience singulière que vous propose par Sève élémentaire - une installation de Fabien Leaustic présentée pour la première fois au CentQuatre (Paris) dans le cadre de Je est un autre, l’exposition phare de Némo 2023, biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France.
Ce projet poursuit une recherche débutée par l’artiste-chercheur* en 2019 - recherche qui a pour objectif d’établir une nouvelle cartographie du vivant dans laquelle l’espèce humaine pourra se “fondre sobrement”.
”La technique d'extraction de l'ADN peut être appliquée de la même manière à tous les membres de la grande famille vivant. En précipitant le matériel génétique d’un répertoire diversifié d’espèces, je pourrai produire un nombre considérable de portraits sous forme de méduse ADN et ainsi les exploiter à l'aide des outils numériques.”
Fabien Leaustic - LE PROJET
On peut espérer que les chimères ADN issues de ce projet protéiforme seront prochainement “explorables en ligne”. En attendant, pour en savoir plus sur Sève élémentaire, vous pouvez écouter ce podcast où Fabien Leaustic échange avec Philippe Huneman, philosophe des sciences et chercheur au CNRS.
Informations pratiques
« Sève élémentaire », Je est un autre, CentQuatre (Paris) - du 30 septembre 2023 au 7 janvier 2024.
*Note : à la fois diplômé d’une école d’ingénieur en mathématiques appliquées et de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris (EnsAD), Fabien Leaustic est devenu Docteur en octobre 2023 avec sa thèse “LA TERRE N’EST TOUJOURS PAS RONDE – Pratique artistique et attitude prospective en quête d’un futur souhaitable“. Thèse qu’il a soutenu au CentQuatre.
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Derrière les IA génératives 👀🤥
Alors que les IA génératives sont poussées par nombreux acteurs pour dévorer le monde, il est bon de rester prudent plutôt que de se précipiter par peur de rater le “train de l’innovation”.
Tout d’abord, il est important de rappeler que le concept d’IA (“intelligence artificielle”) couvre un large ensemble de logiciels et d’architectures. Plusieurs projets “plus ou moins estampillés IA” n’en contiennent d’ailleurs même pas. Par exemple, beaucoup des chatbots n’ont rien a voir avec de l’IA, ils présentent juste des arbres de décision statiques.
Les sociétés des Industries culturelles et créatives (ICC) qui se présentent comme acteurs de l’IA s’appuient presque toujours des briques d’autres sociétés, souvent celles des géants états-uniens de la technologie (Open Ai, Microsoft, Google, IBM, Amazon…). Des briques auxquelles les sociétés des ICC ajoutent des surcouches. Cette architecture multicouche a pour conséquence de forts risques de dépendance et d’obsolescence pour les projets dynamiques.
”Les géants de la technologie ont sciemment précipité des produits imparfaits sur le marché, craignant qu’en faisant preuve de prudence, ils ne permettent à leurs rivaux de dominer l’IA. Les préoccupations de sécurité et d’éthique sont passées au second plan par rapport à la recherche du profit. ”
John Naughton (dans The Gardian - 9 décembre 2023)
Mettre en avant les IA génératives est aujourd’hui avant-tout un choix politique, celui de l’accélération. Un choix qui implique aussi :
Un important travail humain masqué →
Une grande partie du travail nécessaire à l’élaboration et au fonctionnement des IA génératives est produite à bas coût loin des regards par la “main-d'œuvre mondiale”.Une grande consommation de ressources →
Les IA génératives actuelles consomment beaucoup de ressources : matériaux pour leurs puces, énergie et eau pour effectuer leurs calculs.
Le 17 décembre 2023, une tribune publiée dans le Monde rappelait le rôle que doivent pleinement jouer les musées dans le débat écologique. Cette tribune republiée dans le site de l’ICOM France indiquait aussi que “réduire l'empreinte carbone du musée devient essentiel”. Utiliser allègrement les grosses IA génératives actuelles s’oppose à cette démarche et va à contresens des actions à effectuer pour limiter le changement climatique et ses conséquences sur l’effondrement de la bio-diversité.
=> n’hésitez pas à donner votre point de vue en commentaire de ce numéro.
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Singeon et le Joba Mena 🖍️🐡
Avec le dessinateur Singeon, nous suivions en ligne depuis presque 20 ans sans vraiment avoir un jour discuté en chair et en os. Quand j’ai appris qu’il finalisait un travail pour une exposition, j’ai saisi l’occasion pour le questionner sur celle-ci.
Bonjour Singeon, peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis auteur de bande dessinée, né en Martinique. J'ai fait des études de graphisme puis les Beaux-Arts à Paris, où je réside encore aujourd'hui.
Tu participes activement à l'exposition "Il faut sauver le Joba Mena" présentée à l’Aquarium tropical du Palais de la Porte Dorée Peux-tu nous en dire plus ?
Cette exposition nous entraîne dans le récit d'une mission de sauvetage d'un poisson d'eau douce malgache dont j'ignorais tout : le Joba Mena. J'ai réalisé une bande dessinée murale qui raconte cette expédition de 2013, au sein de la scénographie immersive de François Payet. On y croise un bar londonien, un cockpit d'avion et un véhicule tout terrain !
Pour toi ce travail fut aussi une aventure, puisqu’en novembre 2022 tu as effectué une expédition scientifique de trois semaines à Madagascar. Aventure qui est devenue un album publié par Dargaud : "Comme un poisson hors de l’eau"...
C'est par ce biais que je suis venu à l'exposition ! J'ai d'abord été invité à faire cette bande dessinée publiée par Dargaud qui relate la mission 2022 du projet Fish Net. Celui-ci consiste à la sauvegarde de poissons d'eau douce endémiques de Madagascar et se perpétue depuis la mission de 2013 en quête du Joba Mena.
Une anecdote à propos de cette expédition ou de l'exposition ?
J'ai eu une tendinite en terminant la bande dessinée pour Dargaud, les dessins pour l'exposition ont donc été terminés moins d'une semaine avant le début de l'exposition ! Merci à Emmanuel et Guillaume - graphistes et imprimeurs - qui ont assuré !
Vas-tu continuer à travailler avec des espaces muséaux ?
Je vais réaliser des dessins pour le magazine du palais de la Porte Dorée. C'est agréable de travailler avec eux plus tranquillement après le rush de l'exposition.
Pour terminer cet entretien, aurais-tu une exposition ou un·e artiste à recommander aux lecteurs et lectrices de Muzeodrome ?
J'aimerais voir l'exposition "La morsure des termites" au Palais de Tokyo, pour le travail d'Antwan Horfée et Leomi Sadler, deux fabuleux·ses dessinateurs·rices. Et je vous recommande d'aller voir le travail de Céline Guichard et d'écouter la musique de Marie Klock.
Informations pratiques
« Il faut sauver le Joba Mena : enquête à Madagascar », Aquarium tropical du Palais de la Porte Dorée (Paris), du 14 novembre 2023 au 1er septembre 2024.
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Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Il a 33 ans, le premier serveur Web | “À la fin de 1990, Tim Berners-Lee avait mis en place le premier serveur Web et navigateur au CERN… Il a développé le code directement sur l'ordinateur NeXT hébergeant le premier serveur Web et l'a conservé dans son bureau. Pour éviter qu'il ne soit éteint accidentellement, l'ordinateur portait une étiquette manuscrite à l'encre rouge : "Cette machine est un serveur. NE L'ÉTEIGNEZ PAS !!"“ (Texte : CERN)
En cas de désastre lunaire | Dans le numéro 111 de l’infolettre Muzeodrome, je vous parlais de deepfakes et de l’installation “In Event of Moon Disaster”. Cette formidable pièce immersive est présentée à Paris dans le cadre de l’exposition Je est un autre, au CentQuatre (Paris) (30 sep. 2023 > 7 jan. 2024).
Décoloniser | Si comme moi vous n’étiez pas Nouméa en octobre 2023 et que vous avez raté la conférence donnée par Sébastien Magro, lors du colloque international « Favoriser la visibilité et l’attractivité des patrimoines insulaires : un enjeu muséologique du XXIème siècle » → ne paniquez surtout pas car « Vers un musée décolonisé ? - Trois pistes de réflexions pour la décolonisation des institutions patrimoniales », la conférence de l’éditeur de l'infolettre La botte de Champollion a été captée.
L’infolettre du musée | Les infolettres de musées ne sont souvent que des extensions de leurs agendas en ligne. Tout en restant très digeste, celle du musée des Augustins (Toulouse) déroge à la règle et présente différentes rubriques de contenus.
Pour vous abonner à celle-ci → c’est par ici.
Esprit d’Escalier | Jusqu’au 13 janvier 2024, la Librairie Métamorphoses (Paris) expose plus de 50 dessins d’escaliers réalisés à l’encre de Chine par Christelle Téa - dont plusieurs dessins d’escaliers de musées. Un ouvrage de 144 pages accompagne l’exposition. (Sur le travail de Christelle Téa, vous pouvez (re)lire la notule “Sur le vif“ publiée dans le numéro 94 de l’infolettre).
Prix du Mémoire | La dynamique association Métis annonce le lancement du Prix du Mémoire Métis, qui “a pour but de récompenser des travaux de recherche exceptionnels portant sur le secteur muséal.” Candidature à envoyer avant le 15 janvier 2024.
Photographier le monde | Le programme “Escale à la grange aux Belles - Images du réel“ au CRL10 (Paris 10ème) propose des visions photographiques situées de l’état de notre monde. “Destination finale“ de la reporter-photographe Isabelle Serro, la première exposition du programme 2023/2024 (10 oct. au 18 nov. 2023), dévoillait une triste réalité: “Où vont les vêtements déposés dans les bacs à recycler ? Une grande majorité arrive au Ghana. En quelques années, le pays est devenu la poubelle vestimentaire du monde occidental…“.
JeDI | Non, ce n’est pas ce que vous pensez, ou pas tout à fait. L’association JeDI fédère la filière des expériences immersives - sa nouvelle présidente est Charlotte-Amélie Veaux, co-fondatrice d'Onyo (voir l’interview publié dans le numéro 113 de l’infolettre).
Ce sera la boîte à outils | Dans le précédent numéro de l’infolettre (le 138), je vous posais cette question : “Quel livret seriez-vous prêt à acheter à prix libre ?“. Nous sommes 41 personnes a avoir répondu à cette question (oui j’ai aussi répondu à ma propre question !). Verdict des votes : 15% pour “10 histoires des numériques” - 29% pour “Muzeodrome Stratégies“ (mon choix) et enfin 56% pour “La boîte à Outils de Muzeodrome”. C’est donc sur ce livret que je vais travailler dés le début de l’année 2024.
2023 | Vous êtes maintenant plus de 3700 à recevoir l’infolettre dans votre boîte mail et plus de 1000 à suivre sa page LinkedIn. Merci à toutes et toutes d’avoir lu Muzeodrome en 2023.
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La suite au prochain numéro - en 2024…
Bonne fin d’année à toutes et tous - à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer - J’accompagne les organisations culturelles dans leurs déploiements numériques pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics : idées - projets - stratégies... - Je mène aussi mes propres recherches sur les évolutions des dispositifs et les redirections vers d'autres numériques.
P.S.1: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro !
P.S.2: Merci à Noémie C. pour le chouette coup de pouce.
P.S.3: Merci à Benjamin Perrin d’avoir évoqué le numéro anniversaire de Muzeodrome dans Plumes With Attitude.
👉 Lien vers les riches archives de l’infolettre — et si vous préférez la chance, cliquer sur la MuzeoRoulette 🎰
Merci Omer pour la mention de mon infolettre et de ma conférence donnée à Nouméa dans le cadre du colloque "Patrimoines insulaires" en octobre dernier !