Salut à toutes et tous,
Bienvenue dans muzeodrome, l’infolettre et le site qui vous plongent dans la créativité et les {autres} numériques des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
Pas abonné·e·s ? Inscrivez-vous, pour ne rater aucune des prochaines éditions.
► Alors que notre futur est plus que jamais incertain, muzeodrome revient après une pause de quelques semaines. Vous êtes 3·789 à recevoir ce numéro qui je l’espère va vous inspirer. Et n’oubliez pas que muzeodrome est une publication indépendante qui a besoin de vos soutiens pour continuer d’exister.
▚
Transformé comme Cameron Frye
La Folle Journée de Ferris Bueller (Ferris Bueller's Day Off) présente une des plus fameuses scènes de fiction tournée dans un musée.
Sorti aux États-Unis en juin 1986, ce film est un hommage à l’adolescence et à la ville de Chicago. Il a été écrit et réalisé par John Hughes (le scénariste de Maman, j'ai raté l'avion ! (1990) et le réalisateur/scénariste du Breakfast Club (1985), autre superbe film sur l’adolescence).
Joué par Matthew Broderick, Ferris Bueller est un cancre invétéré qui sèche l'école avec sa petite amie Sloane Peterson et son meilleur ami Cameron Frye. Le périple du trio va les amener dans différents lieux emblématiques de la ville de Chicago dont son Art Institute (deuxième plus grand musée d'art des États-Unis après le MET, Metropolitan Museum of Art de New York).
”La scène filmée à l'Art Institute of Chicago est indéniablement étrange […] Le style de la scène ressemble plus à un clip vidéo qu'à un long métrage, avec ses longs gros plans inhabituels, son absence de dialogue et sa musique de fond onirique.”
Katie Nodjimbadem dans l’article du Smithsonian magazine intitulé “How Ferris Bueller’s Day Off Perfectly Illustrates the Power of Art Museums“
Pour son film, John Hughes avait choisi l’Art Institute car celui-ci était pour lui «un lieu de refuge», à l’époque où il était lycéen. La musique de fond de la séquence, version instrumentale de la reprise par The Dream Academy de la chanson “Please, Please, Please Let Me Get What I Want” de The Smiths, contribue à donner à cette visite fictive une dimension de bulle hors du temps.
A la fin de la séquence, le personnage de Cameron Frye fait face seul à “Un dimanche sur la Grande Jatte“, un très grand tableau pointilliste de Georges Seurat peint en 1884. L’immersion dans l’œuvre va le transformer…
”Cette scène est peut-être le moment décisif dans le développement de Cameron, dont la vision existentielle et sombre de la vie s'oppose à l'éternel enthousiasme de Ferris.” Katie Nodjimbadem - Smithsonian magazine
Fin 2015, après 30 années de travail pour l'Institut d'art, dont 4 en tant que directeur, Douglas Druick prenait sa retraite. Pour marquer son départ, il avait rejoué la fameuse scène dans le rôle de Cameron.
▚
Les cartels automatiques
Ayant conçu plusieurs générateurs Web (UnTitre, NePas, Motbot…), j’ai été interpellé par un repérage d’Alice Martel.
“Avec son générateur de cartels, le Palais de Tokyo ne manque pas d'autodérision 😅”
Alice Martel
Sur la page Web de son générateur, le Palais de Tokyo indique :
”Vous venez de froncer les sourcils en essayant de comprendre ce qu’est un cartel ? Vous avez déjà ressenti des maux de tête face à une œuvre d’art contemporain en lisant ces petits textes explicatifs souvent alambiqués ? Créez votre propre machine à migraines et testez notre générateur de cartels pour composer le pire que vous n’ayez jamais lu.'‘
Pour générer un cartel, il suffit d’entrer un nom d’artiste et le titre d’une de ses œuvres. Le dispositif web servant de support ludique au glossaire de plus de 60 mots proposé par le centre d’art.
”Ce cartel a été généré automatiquement grâce à une intelligence pas-artificielle et n’a aucun sens, mais les termes utilisés en ont un !”
Avant le générateur en ligne du Palais de Tokyo, plusieurs artistes avaient déjà développé des outils pour produire des textes avec ce jargon cryptique. En voici quelques exemples : Le Générateur de Critique d’Art d’Éric Maillet - 2014 (signalé par Alice Martel), le Xyloglossaire artistique de Stefan Ansermet - 2015 (livre objet signalé par Géraldine Miquelot) et le générateur en ligne 500 letters de l’artiste belge Jasper Rigole - 2010.
Dans leur essai «International Art English» (IAE), Alix Rule et David Levine questionnait dés 2012 la langage spécial des textes d’art contemporain :
“Le monde de l’art internationalisé s’appuie sur un langage unique […] Dans ce qui suit, nous examinons certaines des curieuses caractéristiques lexicales, grammaticales et stylistiques de ce que nous appelons l’International Art English. Nous examinons les origines de l’IAE et spéculons sur l’avenir de ce langage à travers lequel l’art contemporain est créé, promu, vendu et compris.”
En 2014, pour aller plus loin, le critique d’art états-unien Danny Olda avait demandé à six artistes de concevoir des œuvres en se basant sur des textes en IAE (texte générés par l’”artybollocks generator”, un générateur Web qui ne semble plus disponible).
“À partir de sujets sélectionnés au hasard, plusieurs déclarations d'artistes différentes sont créées par un générateur de déclarations Internet. Ces déclarations générées sont distribuées aux artistes participants, et les artistes créent à leur tour de nouvelles œuvres d'art basées sur elles.”
Le résultat de cette production inversée avait été présenté en Floride dans l’exposition Machine in the Ghost. Lire à ce sujet, l’article détaillé de Jillian Steinhauer publié à l’époque par Hyperallergic.
▚
Parties par million
Le PPM (Parties Par Million) spécifie la quantité d’un élément particulier sur un ensemble d’un million d’éléments. Selon un grand nombre de scientifiques et d’experts, le taux maximal “acceptable” de CO2 dans l’atmosphère serait aux alentours de 350 PPM. Ce taux, qui a été dépassé ces dernières années, amplifie “mécaniquement” le changement climatique.
Début mai 2024, le quotidien britannique The Gardian avait interrogé les climatologues du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et le moins que l’on puisse dire c’est que ceux-ci n‘était pas très optimistes. Seulement 6% des experts questionnés avaient estimé que la limite des +1,5°C par rapport à l’époque préindustrielle pourrait être respectée - limite convenue au niveau international lors des accords de Paris sur le climat en 2015. Près de 80% des répondants prévoyaient au moins +2,5°C et près de la moitié +3°C. En conséquence, un grand nombre des scientifiques interrogés envisageaient “un avenir « semi-dystopique »” (avec des intensifications des catastrophes naturelles, des famines, des conflits, des migrations massives…).
Depuis la COP27, la photographe Mary-Lou Mauricio développe un projet pour sensibiliser au dérèglement climatique. Ce projet intitulé “Born in … PPM” présente une série de portraits en noir en blanc de personnes d’âges divers avec écrit visiblement sur leurs peaux le taux de concentration en CO2 du jour de leur naissance. En s’inspirant de ce projet, les musées pourraient afficher, à de multiples endroits in situ et en ligne, le PPM de leur date d’ouverture.
Par exemple pour la France :
Musée Carnavalet - décembre 1880 - 290 PPM
Centre Pompidou - janvier 1977 - 333 PPM
Musée d’Orsay - décembre 1986 - 348 PPM
Musée du Quai Branly - juin 2006 - 382 PPM
Centre Pompidou-Metz - mai 2010 - 390 PPM
Mucem - juin 2013 - 397 PPM
Musée des Confluences - décembre 2014 - 400 PPM
Hôtel de la Marine - juin 2021 - 417 PPM
▚
La question complémentaire :
Plus de remarques ? N’hésitez à écrire un commentaire 💬
La question du précédent numéro (le 145) était : “Souhaitez-vous que muzeodrome continue de publier de temps en temps de longs entretiens?“ Vous êtes 86% à avoir répondu “OUI” et 14% à avoir répondu “PARFOIS” (résultat pour 37 votants).
▚
Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
L’art est poussière | L’artiste joueur de mots Ben(jamin) Vautier écrivait dans son infolettre en avril 2019 “il faut pas m’en vouloir d'écrire parfois n’importe quoi, n’importe comment - ne me prenez pas trop au sérieux - c’est le temps qui passe trop vite“… Ben Vautier n’écrira plus dans notre dimension, il l’a quittée le 5 juin 2024. (“L’art est poussière” est un des 313 mots de Ben figurant sur la façade de la Fondation du Doute à Blois).
Audioguides anciens | Belle trouvaille de Guillaume Ducongé (Fondateur d’Audiovisit) → une vidéo des archives de l’INA présentant la mise en service des premiers audioguides au Musée national de la Marine de Marseille en 1970. A l’époque ceux-ci étaient de gros boitiers portés en bandoulière (voir aussi ceux du MET à New-York à la même époque). Pour rappel, dans le numéro 105 de l’infolettre, je vous avais présenté le premier audio guide (ou plutôt l’ancêtre de l’audioguide) déployé au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1952.
Pour l’amour de la médiation | Guillaume Ducongé, après avoir fondé et dirigé la société Audiovisit pendant plus 20 ans, a repris les études en janvier 2023. Pour finaliser l’écriture de son mémoire de Master 2, il est actuellement sur les routes à vélo pour un tour des musées entre Lyon et Monaco (soit environ 1000 km parcouru entre le 9 juin au 6 juillet 2024). Son objectif: réfléchir à l’avenir de la médiation culturel à l’heure de l’IA, en progressant de manière sobre et lente sur les routes et dans ses réflexions. Vous pouvez suivre son tour dans LinkedIn et Instagram… Voir aussi l’entretien avec Guillaume Ducongé publié dans le numéro 128 de l’infolettre, le 28 juin 2023 .
ou.ex.po | “Vous trouverez ici des expositions imaginaires et contées que vous pourrez visiter en fermant simplement les yeux...”. La surprenante Mathilde Castel a lancé fin avril 2024, le podcast Ou.Ex.Po, l'Ouvroir d'Exposition Potentielle. Quelques-unes des œuvres déjà ouvertes : Attye et Barbie (Annette Messager, #9), Œillères (Roberto Greco, #3), Fissure (Kate Mccgwire, #6), Denkendersoldat (Miriam Cahn, #8)… Laissez votre esprit vagabonder au fil des mots égrenés par la voix de Mathilde… Voir aussi l’entretien avec Mathilde Castel publié dans le numéro 124 de l’infolettre, le 21 mars 2023 (un entretien autour des odeurs au musée).
Vous avez dit “étrange” ? | Initiée par la Réunion des Musées Métropolitains de Rouen en Normandie (RMM), La Chambre des visiteurs invite depuis 2016 “le public à voter pour les œuvres qu’il souhaite voir sortir des réserves et exposer en salles”. Son édition 2024 “fait un pas de côté et s’intéresse au monde de l’étrange” /// Poussins naturalisés puis colorés - Levraut monstrueux hétéradelphe - Couperet de guillotine - Perchoir à sangsues - Vitrine coprologique… /// La vingtaine d’œuvres sélectionnées au travers de plus 1·500 votes exprimés sont accrochées du 18 mai au 22 septembre 2024 au musée Flaubert et Histoire de la médecine de Rouen.
Dessins | Charles Berberian en visite au musée de l'imprimerie et de la communication graphique - Lyon (Via Sonia) / Laurent Lolmède croque un gardien de l’exposition “Bonnard et le Japon” au Caumont - Centre d'Art d’Aix-en-Provence / Christelle Téa dessine ici et là, à Paris et ailleurs - par exemple sur les toits parisiens /
Dans les algorithmes | Publiée chaque semaine depuis la fin mai 2024, l’infolettre Dans les algorithmes (DLA) “va regarder ce qu'il se passe dans les systèmes techniques, à la rencontre entre les promesses du calcul, les réalités des fonctionnalités et le déni de leurs impacts sociaux“. Un projet éditorial piloté par le journaliste et essayiste Hubert Guillaud.
Votre PPM | Pour connaitre la concentration de CO2 dans l'atmosphère le mois de votre naissance (voir la troisième notule de ce numéro), vous pouvez utiliser l’outil créé par le journal libération (et publié dans GitHub). Outil qui accompagnait un article titré “Dérèglement climatique : en quelle PPM êtes-vous né·e et pourquoi c’est important ?” (article publié le 14 novembre 2022).
▚
Voila, c’est déjà la fin de ce numéro 146 !
Avant de partir, n’oubliez pas de donner votre avis - au travers d’un gentil message, d’un commentaire ou d’un simple appui sur le 💜.
à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer, consultant indépendant. Avec des approches inventives, j’accompagne les organisations culturelles dans leurs déploiements d’{autres} numériques pour tisser et consolider leurs rencontres avec leurs publics.
P.S.1: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro.
P.S.2: Dans la scène post-crédits de La Folle Journée de Ferris Bueller (voir la 1ere notule de ce numéro), Ferris se dirige la caméra pour dire aux derniers spectateurs encore présents: "Vous êtes toujours là? C'est fini. Rentrez chez vous. Allez-y." ;-)