Salut à toutes et tous,
🖖 Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre et le site qui vous plongent dans les numériques et la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
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👉 Si vous regardez au loin maintenant, que voyez-vous ?
Dans ce numéro 141, les paysages du passé remontent à la surface…
▙
Avec le Voyageur ⛰️👀
Cette année 2024, on célèbre les 250 ans de la naissance du peintre et dessinateur romantique allemand Caspard David Friedrich. Une année anniversaire qui commence par une exposition rétrospective du 15 décembre 2023 au 1er avril 2024 à la Kunsthalle de Hambourg, musée qui détient dans ses collections deux des tableaux les plus célèbres de l’artiste: La Mer de glace (1824) et Le Voyageur contemplant une mer de nuages (1818).
”Le thème central est une nouvelle relation entre l'humanité et la nature dans les peintures de paysages de Friedrich. Une section distincte de l'exposition consacrée à la réception de Friedrich dans l'art contemporain montre comment l'œuvre de Friedrich continue de résonner aujourd'hui.”
Deux autres expositions suivront dans le cours de l’année, une à Berlin et une autre Dresde.
Le volet en ligne de l’année Friedrich est un site web spécifique. Ce site est un «cas d'usage» de Culture Data Space, un des projets phares de la stratégie numérique nationale du gouvernement allemand. Projet dont un des objectifs principaux est de faciliter la mise en réseau numérique des institutions culturelles.
“Les œuvres de Friedrich ne donnent pas de réponses, elles ouvrent des espaces pour la recherche de questions.”
Site web cdfriedrich.de
Le site web évolutif cdfriedrich.de présente environ 250 œuvres de l’artiste et se découpe en quatre sections : une introduction, une présentation des expositions, une “chronique” et des histoires numériques.
La “chronique” est constituée d’une série de questions et d’une chronologie. “Qui suis-je? Comment puis-je faire l'expérience de la beauté? Qu'est-ce qui compte vraiment? Qu'est-ce que le vrai désir? …” Des carrousels de contenus permettent d’en apprendre plus sur le peintre, son travail et son époque. La chronologie affiche dans une très longue forme plus de 500 items filtrables (œuvres, dates clés, citations,….).
“Chaque histoire numérique est consacrée à une peinture et soulève des questions et des théories historiques et contemporaines directement adressées à l'utilisateur.”
Site web cdfriedrich.de
Pour l’instant, le site ne présente qu’une seule des trois histoires numériques prévues. Cette première histoire est bien entendue consacrée au “Voyageur contemplant une mer de nuages”, figure métaphorique de celui ou celle qui contemple l’inconnu dans un temps réflexion avant de prendre la direction de son futur.
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Mémoires échouées ⛵💥🎧
En juillet 2022, dans le numéro 113 de l'infolettre, j'avais questionné Valentine Passemard (Rondelez) sur son projet Musair et son infolettre singulière.
J'ai souhaité prolonger cet entretien suite à la création d’un nouveau parcours Musair, qui résonne avec certains souvenirs de mes jeunes années (voir en fin de notule).
Valentine, peux-tu nous raconter le projet "Mémoires échouées" ?
Qu'a-t-il de particulier ?
Pour la première fois, j’ai écrit pour un patrimoine dont la disparition est en cours, sous nos yeux… Mémoires échouées est un récit sonore consacré au cimetière marin de Quelmer à Saint-Malo. Des épaves de bateaux enlisées en bord de Rance le long du GR34, soumises à l’air et à l’eau et donc beaucoup plus fragiles que des épaves englouties. Ces bateaux du 20è siècle sont les témoins d’une histoire maritime, mais jusqu’à peu ils étaient considérée comme déchets et ils auraient pu être enlevés comme des pneus. Le projet contribue à la reconnaissance de leur caractère patrimonial.
Quelles sont les parties prenantes de celui-ci ?
C’est l’Adramar qui est en charge de l’étude et de la protection de ces bateaux. L’Adramar est une association d’archéologie maritime maître d’œuvre de recherches et de fouilles archéologiques, en France et à l’étranger. Elle a des liens étroits avec le Conseil culturel de Bretagne, qui soutient des campagnes dans le monde entier pour tracer les routes des marins bretons : une part du patrimoine régional est échoué en Bretagne, mais une part importante git au fond des mers du globe.
As-tu des retours sur les usages des bulles sonores de "Mémoires échouées" ?
« On est à bord », c’est le retour spontané des promeneurs qui s’arrêtent pour flasher et écouter un bateau. J’ai écrit une histoire fictive mais plausible pour chaque épave qui souligne ce que l’on voit encore de sa structure et ce que l’on sait de son histoire. Le regard prend une toute autre dimension. Sur les usages, ils sont ceux du site, ouvert aux randonneurs, aux Malouins, aux tagueurs. Avec une très grande amplitude horaire de consultation, la récup’ du runner à 9h, la promenade du chien à 20h… Et un pic de consultation l’après-midi de Noël !
Avec la webapp Musair, ces bulles sonores sont écoutables de n'importe où. D'après toi, y a t'il des personnes qui les écoutent comme des podcasts hors du sentier de randonnée GR 34 ?
Aujourd’hui, l’Office de tourisme de Saint-Malo concentre la communication sur le site même. Il est tellement poétique en soi qu’il vaut absolument le détour. Des évènements sont prévus sur place. Mais la web-app est autoporteuse, on voyage à distance… Et on redécouvre qu’un jour nous avons mis un premier pied sur un bateau (Président Raoult), qu’un jour un ouvrier a mis à l’eau son dernier canot (Koulmic). On dit ému comme un marin breton…
Note du rédacteur de Muzeodrome : toute mon enfance et mon adolescence, j'ai vécu du coté de la rade de Lorient. Cette partie du Morbihan est aussi une zone habitée par de nombreuses épaves. Je me souviens ainsi d'avoir assisté dans les années 1980, lors du festival de théâtre en plein air du Pont du Bonhomme, à une prenante représentation du Roi Lear de William Shakespeare avec en fond le cimetière de bateaux de Kerhervy à Lanester qui plongeait progressivement dans la nuit.
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Dans sa boite 📦🕵️♂️
Les années 1980 ont été une phase décisive du basculement de l’analogique vers l’informatique. Au début de ces années là, sont apparus les premiers éditeurs de jeux vidéo Français dont la société Cobra Soft.
En 1987, Cobra Soft produit Meurtres en série, le troisième jeu de sa série “Meurtre…”. Un jeu d’enquête qui a marqué les esprits avec son gameplay original ainsi que sa véritable boîte en bois qui contenait un ensemble d’indices physiques. C'était aussi l'un des premiers jeux vidéo à avoir pour théâtre un lieu réel : l'île de Sercq.
En 1987, Laurent Gontier est un adolescent de 15 ou 16 ans. Il découvre l’existence du jeu dans la presse spécialisée mais il ne peux y jouer car l’éditeur ne développe pas de version du jeu pour son modèle d’ordinateur. Quelques années plus tard, il arrive enfin à pratiquer le jeu grâce à un émulateur. La démarche, l’ambiance et les thèmes du jeu le marquent et influencent probablement son futur parcours. En 2003, il rencontre Bertrand Brocard, le créateur de Meurtres en série, qui lui offre une des rares boîtes originales ayant survécue.
Devenu au fil des ans un auteur plurimédia (voir Muzeodrome n°27), Laurent Gontier est aujourd’hui un fin connaisseur des formes narratives, un cartographe et aussi un expert en création de “faux documents véritables”. Lauréat de la résidence numérique Simone et Cino Del Duca - Institut de France en 2023, il porte alors le projet d’effectuer le portage analogique du jeu Meurtres en série.
“Pendant plusieurs mois, je démonte les mécanismes du jeu, embarque pour Sercq avec Bertrand Brocard pour raviver sa mémoire et m’imprégner des lieux de l’intrigue. J'explore les archives de Cobra Soft au Conservatoire National du Jeu Vidéo à Chalon-sur-Saône à la recherche des moindres secrets du processus de création.”
Laurent Gontier - décembre 2023
En décembre 2023, Laurent Gontier présente à la BNF sa version du jeu enfermée dans une authentique caisse de dynamite - une version jouable sans ordinateur. Face à la fragilité des numériques (supports, codes…), ce retour inattendu vers l’analogique est un signal, pour l’instant très faible mais qui sait…
“Comble de l’ironie et preuve supplémentaire de la volatilité des œuvres numériques et de la pertinence de cette expérience de matérialisation, Meurtres en série, fleuron du jeu vidéo français des années 1980, est absent du fonds SVM de la BNF, malgré les tentatives d’en dénicher un exemplaire. Il y sera désormais présent, en creux, grâce à ce portage analogique.”
Laurent Gontier - décembre 2023
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Lu, vu, entendu ⚡⚡⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Tranchée | “En 2024, le musée de la Grande Guerre [de Meaux] inaugurera une tranchée, dispositif à échelle réelle dans le parc du musée qui se veut pédagogique et immersif, grâce à une scénographie aussi réaliste que scientifiquement rigoureuse”. Inauguration prévue en novembre 2024.
Hybrides | Dans le blog Exposcope, Lucie PINSON (Revellin) continue d’explorer les médiations culturelles. Dans un article récent, elle présente 5 dispositifs hybrides.
Il y a 40 ans, le Macintosh | Le premier Macintosh a été lancé publiquement le mardi 24 janvier 1984. Cet anniversaire est une bonne occasion pour (re)lire le numéro double de Muzeodrome consacré à cette machine et à la designeuse Susan Kare : Aussi cool que Susan Kare - partie 1 / Aussi cool que Susan Kare - partie 2.
Même pas mort | Du 27 février au 28 avril 2024, la BNF François-Mitterrand (Paris) consacre une exposition à Bérurier Noir - groupe phare de la scène (alter-)musicale des années 1980. Cette exposition fait suite aux fonds donnés en 2021 au département de la Musique de la BnF par le chanteur Fanfan et le saxophoniste mastO (voir cette vidéo). A noter que pour cette exposition spéciale, le carton d’invitation est une cassette audio avec sa jaquette. (Amateur de l’énergie des Bérus, le rédacteur de cette infolettre était présent à l'Olympia le 10 novembre 1989, lors d’un des 3 concerts “ultimes” du groupe. Peut-être vous aussi ?).
Le loi de Wirth | Inventeur principal de plusieurs machines et langages de programmation (dont le Pascal), le pionnier de l’informatique suisse Niklaus Wirth a quitté notre monde le 1er janvier 2024. Dans un texte hommage publié par le blog “binaire”, Tristan Nitot rappelle que Wirth avait dés les années 90 énoncé qu’“en dépit de multiples bonds en avant, le matériel accélère moins vite que le logiciel ne se ralentit.“ Niklaus Wirth pensait qu’en concevant autrement matériel et logiciel, il était possible de lutter contre cette loi empirique qui entraîne l’obsolescence des machines.
L’intimiste | Le média des épopées minuscules conçu par Sandrine Tolotti, effectue son grand retour avec la mise en ligne de son site web et la reparution, après un temps d'arrêt de six mois, de son infolettre. Infolettre qui adopte un rythme assez original → une diffusion tous les quinze jours mais sous la forme d’une série de trois courriels (vendredi : “grandeur des vies anonymes“ - samedi : “lieux et choses du quotidien“ - dimanche : “rites et pratiques familières“).
Museum Connections | Pour la seconde fois, le 17 janvier 2024, j'y ai co-animé la formation-action OCIM "Immersion et musées : nouvelles médiations, expérimentations et déboussolements volontaires". Merci à Ewa Maczek (Ocim), aux prestataires et aux participant·e·s pour la chouette dynamique.
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Voila, c’est déjà la fin de ce numéro 141 ! Avant de partir, n’oubliez pas de donner votre avis - au travers d’un message, d’un commentaire💬 ou d’un simple appui sur le💜.
La suite dans le prochain numéro - à tout soudain,
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Je suis Omer Pesquer, consultant indépendant “inventivité & {autres} numériques”. J’accompagne les organisations culturelles dans leurs déploiements numériques pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics.
P.S.: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro !
Saul est le nouveau peintre romantique du XXIe siècle ! 😊
Caspar David Friedrich est un de mes peintres préférés, alors merci pour sa mise en avant ! Je me tâte pour aller voir l'expo à Hambourg ! A bientôt !