Salut à toutes et tous - bienvenue dans Muzeodrome,
Je vous propose cette semaine un numéro qui débute par des répliques de Mars, de la Terre et de la Lune.
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Répliques célestes 🌖
Principale exposition de la Biennale Némo 2021, “Au-delà du réel ?” a pour objectif de “tester la capacité des arts et des technologies à révéler ce qui nous est invisible, imperceptible ou indicible”. Une des pièces maitresses de cette exposition présentée au Centquatre-Paris est une réplique de la planète Mars de sept mètres de diamètre conçue par l’artiste britannique Luke Jerram - une réplique basée sur des images détaillées de la surface de quatrième planète du Système solaire en provenance de la NASA .
”À une échelle approximative de 1:1million, chaque centimètre de la sculpture sphérique éclairée de l'intérieur représente 10 kilomètres de la surface de Mars”.
my-mars.org
Mars fait suite à deux autres œuvres présentant des répliques astronomiques réalisées par l’artiste : le Musée de la Lune (my-moon.org depuis 2016) et son œuvre sur la Terre, Gaia (my-earth depuis juillet 2018). Ces répliques existent en plusieurs éditions et celles-ci sont exposées dans de nombreux lieux dans le monde (voir ici la liste pour Mars). Très souvent photographiées par celles et ceux qui les croisent, ces répliques nous proposent de changer d’échelle et peut-être ainsi d’imaginer d’autres futurs. La dernière installation de Luke Jerram est particulièrement frappante. Celle-ci présente une réplique géante de la Terre de 10 mètres de diamètre flottant sur l’eau.
“Je suis souvent en train de générer des idées, pour résoudre des problèmes. L'important est d'essayer de commencer par poser la bonne question en premier lieu. La bonne question mènera à la bonne œuvre d'art.”
Luke Jerram (dans un entretien donné à Tetro en 2020)
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Ce que nous montrons 💡
“L’architecture, c’est la structure, et ce que nous montrons, c’est la surface, c’est la lumière.” Alexandre Trauner (Entretien dans Positif, 1979)
Il existe une dimension des espaces scénographiés qui évolue au gré des avancées technologiques dont on parle trop peu. Cette dimension, c’est la lumière. Sur ce sujet, j’ai questionné Viviana Gobbato, doctorante de l’Université Sorbonne Nouvelle.
Viviana, peux-tu te présenter ?
Mes travaux de recherche en muséologie questionnent l’éclairage des musées d’art, ses apports sémiotiques pour l’espace et les œuvres, ainsi que son influence dans l’expérience visiteur.
Pourquoi l’éclairage muséographique ?
Dans les musées, la lumière est surtout synonyme d’agent de dégradation des expôts. Or, l’éclairage constitue un élément de l’écriture spatiale que je qualifie de « radical ». Une œuvre d’art dira des choses différentes en fonction de la couleur, de l’intensité, de la direction, du mouvement de la lumière. Mes travaux s’attachent à compiler de la connaissance sur ce matériau comme système de communication et dispositif de médiation sensorielle.
Peux-tu nous parler d’une expérience que tu as menée dans le domaine ?
En 2019, j’ai réalisé une expérience à la Grande Galerie de l’Évolution avec les chercheurs de l’équipe de Daniel Schmitt. Cet été, nous avons mené une deuxième enquête au Musée d’Art moderne de Paris pour la Fée électricité de Raoul Dufy (qui fera l’objet d’une publication). Dans les deux cas, nous avons observé que l’éclairage participe étroitement de la cognition incarnée des visiteurs. Je pense, par exemple, à un visiteur de la Grande Galerie. Il dit en cours d’entretien que l’éclairage dans l’espace d’exposition des pôles lui rappelle le bleu « rafraichissant » d’un chewing-gum. Il le différencie ainsi plus facilement de l’espace dédié à la savane, éclairé quant à lui avec une lumière aux tons chauds. L’information passe donc par le corps (sensations, émotions) et les expériences sensorielles associées (le savoir construit à l’instant t, ainsi que le savoir passé).
Comment vois-tu l’évolution de l’éclairage muséographique ?
Tout progrès technique et technologique modifie l’espace du musée. J’en parle dans un article qui sortira en décembre dans Nuova Museologia. L’éclairage LED permet d’évoluer vers des technologies plus flexibles comme l’éclairage dynamique non filaire ou la Li-Fi. Ces technologies participent d’un musée connecté capable de manipuler plus aisément des scénarios de lumière, des dispositifs de médiation, des heat maps pour connaître le parcours visiteur.
Pour terminer cet entretien, aurais-tu une ressource méconnue à recommander aux lectrices et lecteurs de Muzeodrome ?
Perception and Lighting as Formgivers for Architecture (1977) de William Lam, publié en français comme Éclairage et architecture (1982).
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A chaque tintement de la cloche 🔔
Vous visitez une exposition et vous entendez sonner une cloche à intervalles aléatoires. Vous vous interrogez : que signifie ce son ?
”Partout dans le monde, les cloches sont utilisées comme un appel universel à l'action et communiquent un sentiment d'urgence.”
Du 24 septembre 2021 au 9 Janvier 2022, l’Extinction Bell (la cloche de l'extinction) sonne 150 à 200 fois par jour au National Museum of Scotland (Musée national d'Écosse, Édimbourg, Royaume-Uni). Présentée pour la première fois aux Bristol Zoo Gardens en 2019, cette œuvre de l’artiste Luke Jerram sonne pour alerter sur le nombre d’espèces qui disparaissent toutes les 24 heures dans le monde.
Basé sur un rapport des Nations unies datant du mis de mai 2007, le nombre de tintements de cloche quotidien est discutable (toutes les espèces qui disparaissent ne sont même pas connues). Mais, il ne peut être contesté que contrairement aux extinctions massives précédentes, “la crise actuelle est presque entièrement causée par nous, les humains”.
“Lorsque cette exposition fermera ses portes le 9 janvier 2022, la cloche aura sonné jusqu'à 21 000 fois”. National Museum of Scotland
Il est même tristement vraisemblable que le taux actuel d'extinction des espèces de vivantes (plantes, insectes, oiseaux, mammifères…) soit “le plus élevé que le monde est connu depuis la disparition des dinosaures il y a près de 65 millions d'années”. De plus, le réchauffement climatique va probablement provoqué un effet “boule de neige dans les décennies à venir, à mesure que les écosystèmes s'effilochent”. Pour souligner l’urgence, c’est une cloche de camion de pompier issue des collections du Musée national d'Écosse qui a été transformée en “cloche d'extinction”.
/Merci à Nathalie Puzenat qui m’a signalé cette installation de Luke Jerram que je ne connaissais pas. Sauf mention, les citations sont issues du site web de Luke Jerram.
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Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces ressources pour vous :
Vous connaissez probablement les @girlsinmuseums, mais connaissez-vous les @dutchgirlsinmuseums ? (un compte Instagram animé par Danielle Lakeman et Iris Zaagman, deux hollandaises passionnées par les musées de beaux-arts).
Il y a quelques mois, interviewé par ActuaBd, Stéphane Blanquet disait : “j'ai cette liberté de d'inventer mon propre univers”. Son exposition à la Halle Saint-Pierre (Paris) se termine le 2 janvier 2022 - Ne ratez pas la belle occasion d’être dérangé par son monde singulier (voir le n°41 de l’infolettre).
“Être médiateur c’est d’abord aimer les gens” - Phrase lue dans un article de Laura Bourdais consacré au travail des médiateurs du Musée de Bretagne (article à découvrir dans la blog “Musée dévoilé“ - voir Muzeodrome n°13).
A propos de l’ouvrage “The Art of Activism” de Steve (Stephen) Duncombe and Steve Lambert (les co-fondateurs du Center for Artistic Activism - New York, USA), Andy Bichlbaum (la moitié des “Yes Men“) aurait dit "Traîner avec Steve et Steve est un tourbillon d'idées stimulantes, d'inspiration créative, de conseils pratiques, et quelques rires aussi. Leur livre capture exactement ce mélange."
Depuis quelques mois, j'accompagne le Réseau des Musées de la Meuse (stratégie et AMO numériques) - Le réseau de neuf musées vient de lancer son compte Instagram, je vous invite à le suivre : @museesmeuse.
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Voila, c’est déjà la fin de ce numéro !
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Merci pour votre attention - la suite au prochain numéro…
à tout soudain,
Omer
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➕ Je suis Omer Pesquer, consultant spécialiste des technologies et des usages associés au numérique. Indépendant depuis plus de 18 ans, j'accompagne les organisations culturelles dans leurs développements numériques pour stimuler leurs rencontres avec leurs publics. Avec l’infolettre Muzeodrome, je plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
► https://omer.mobi/
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.