Salut à toutes et tous,
Bienvenue dans muzeodrome, l’infolettre et le site qui vous plongent dans la créativité et les {autres} numériques des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
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► Tout a commencé, il y a 5 ans, le 4 novembre 2019. Ce jour là était publié la première édition de l’infolettre muzeodrome. Ce numéro anniversaire est aussi la 150ème édition de l’infolettre.
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5 ans plus tard
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Paris, 4 novembre 2024.
L’infolettre muzeodrome fête aujourd’hui ses cinq ans.
Ce jour anniversaire est le moment idéal pour effectuer un point d’étape.
Mis en ligne il y a un an, le site Web muzeodrome.fr ne vous espionne pas (ce qui est rare de nos jours). Calme et minimaliste, il présente les contenus des derniers numéros de l’infolettre. Chaque article dispose de sa propre page et est indexé par des thèmes. Des thèmes qui permettent de découvrir toute la richesse des articles publiés dans l’infolettre. Il est par exemple très facile d’accéder à la liste de ses entretiens.
Du coté de l’infolettre, vous êtes 3838 abonné·e·s à recevoir la présente édition dans votre boîte mail. Toujours distribuée par la plateforme états-unienne Substack, l’infolettre a gagné pendant la dernière année environ 230 abonné·e·s. Pendant cette période, 13 numéros ont été publié hors de la présente édition, dont un numéro double (le n°145 titré “Bifurquer vers d'autres numériques“). Cinq de ses numéros ont été illustré par Saul (qui a maintenant 9 ans et demi). Le nombre moyen de vues d’un numéro a été de 3500 pour un taux moyen d’ouverture de 42,5%. Initialement, j’avais prévu d’être plus régulier et de publier plus de numéros mais ce ne fut pas le cas.
Dans les mois à venir, toujours en recherche de projets inspirants, muzeodrome va continuer d’explorer à son rythme les chemins de traverses de l’univers muséal. Dans les prochains numéros, je vais aussi signifier plus mes idées critiques.
Pour finir cette notule anniversaire, je vous rappelle que muzeodrome est un projet indépendant et le soutenir → c’est s’engager pour qu’il dure.
Merci pour votre fidélité toutes ces années.
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La fille la plus célèbre du monde
/ Cette notule aurait pu avoir pour titre “La quête de l’attention ne date pas d’hier” /
Pour Le Mauritshuis (La Haye, aux Pays-Bas), la fille la plus célèbre du monde ne peut être que celle à la perle.
”Des gens du monde entier viennent à La Haye pour voir La Jeune Fille à la perle de Johannes Vermeer en chair et en os. Mais qu'est-ce qui la rend si spéciale?”
Sur son site Web, le musée répond à cette question avec un format original : un carrousel horizontal multimédia. Textes, images et vidéos se combinent dans une succession d’écrans. Le format carrousel est particulièrement bien adapté pour raconter des histoires et il a été grandement mobilisé par le musée dans son dernier site Web conçu par l’agence DEPT en 2021. Lors du lancement de ce site, Sandra Verdel, à l’époque cheffe de projet “Engagement numérique” du musée indiquait :
“Avec le nouveau site web et le compagnon de visite multimédia, nous voulons positionner la Mauritshuis comme un musée abordable et accessible, qui vous touche personnellement avec une collection que vous devez avoir vue une fois dans votre vie. Nous voulons y parvenir en racontant plus d'histoires, mais aussi en donnant la parole à d'autres personnes pour qu'elles parlent de la collection. En outre, le nouveau site web constitue la base de notre nouvelle programmation numérique.” (source : agence DEPT)
Revenons à La Jeune Fille à la perle…
”Non seulement la peinture capture votre regard, mais retient ensuite votre attention dans une boucle attentionnelle soutenue. Tout d'abord, vous commencez par regarder dans ses yeux, puis sa bouche, puis la perle. Et puis cela se reproduit - vous ne pouvez pas détourner le regard.” Mauritshuis
Pour prouver la forte attractivité du tableau, le musée a effectué une expérience menée par des chercheurs. Des visiteurs volontaires équipés chacun d’un casque EEG à électrodes et d’un dispositif de suivi oculaire ont observé dans le musée le tableau de Vermeer et quatre autres peintures. Ces volontaires ont ensuite examiné des reproductions des mêmes peintures dans un scanner IRM de l’Université d’Amsterdam.
Vous êtes probablement impatient de connaitre les conclusions de cette expérience. Les voici. La Jeune Fille à la perle provoquerait plus d'activité cérébrale que les autres peintures. De plus, la réponse émotionnelle des volontaires serait 10 fois plus forte au musée. Si “regarder l'art est bon pour votre cerveau” comme l’écrit Le Mauritshuis, on pourrait aussi trop rapidement en conclure que l’original (la vraie chose) aurait plus de puissance que les reproductions. Toutefois, dans la réception de l’œuvre, l’historienne de l'art Liselore Tissen met en avant l’importance du cadre, la salle du musée et son éclairage. Le vrai test comparatif aurait été de remplacer l’original par une très bonne copie. En tous cas, cette expérience confirme l’importance de la visite au musée.
Au travers d’un texte et de plusieurs vidéos, une page du site Web du Mauritshuis résume cette recherche en neurosciences intitulée “Can't take my eyes off you“. Une fois que vous aurez visionner cette courte vidéo, je suis convaincu que la chanson interprétée pour la première fois par Frankie Valli en 1967, et reprise de multiple fois depuis, va tourner dans votre tête.
/via Claire Bown dans LinkedIn
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Préserver le Web
Pour un musée, plus généralement pour une structure culturelle, la base de son écosystème numérique demeure son site Web. Un espace en ligne de référence où l’institution peut développer des contenus qui lui permettent de tisser des liens sur le temps long. Un site Web est aussi un espace de référence pour accéder au passé d’une institution : sa programmation et ses offres de médiation. Je suis toujours chagriné lorsqu’un musée, dans le cadre d’une refonte de son site Web, efface ce passé alors qu’il devrait au contraire en valoriser la richesse en le rendant plus accessible.
On lit encore trop souvent que ce qui déversé dans Internet y est conservé pour toujours. Dans les faits, toutes les secondes des contenus et des sites complets disparaissent. Je le sais depuis longtemps, cette fin d'année 2024 marque les 30 ans de ma découverte du Web (voir mon autobiographie numérique). Cette fin d’année marque aussi les 30 ans de l'ouverture de Geocities.
”Avant Facebook et Myspace, GeoCities hébergeait la plus grande communauté en ligne du Web. Créé en 1994 sous le nom de Beverly Hills Internet, le site permettait aux dizaines de millions de « homesteaders » de créer des pages personnelles dans les quartiers thématiques de leur choix.” Computer History Museum (2016)
A l’époque, pour qualifier le Web, on parlait du cyberespace ou du village planétaire. Geocities était une méta-ville virtuelle avec ses quartiers thématiques dont certains portaient des noms de ville. Ainsi le quartier “Paris” était consacré aux arts, à la poésie et la romance.
En 1999, Yahoo! avait racheté Geocities pour plus de 3 milliard de dollars. Mais après l’explosion de la bulle Internet, au début du XXIe siècle, Yahoo! n’était pas parvenu à créer une véritable dynamique économique autour de Geocities. De plus certains créateurs de pages avaient fui la plateforme suite à l’arrivée de la publicité.
En octobre 2009, les 38 millions de pages du site (principalement en langue anglaise) ont été effacées du Web. Six mois avant l’effacement, des hackers de l'Internet Archive et de l'Archive Team ainsi que d'autres bénévoles étaient intervenus avec ardeur pour sauvegarder les contenus du site. Ils étaient arrivés à en préserver une partie (1 terabyte, soit peut-être 11 à 20% du volume total du site). Rapidement, les archives (disponibles au téléchargement) de Geocities ont acquis une valeur historique. Plusieurs artistes et chercheurs s’en sont emparés pour en proposer des explorations…
Aujourd’hui, une partie des archives de Geocities reste consultable en ligne via The Geocities Gallery, volet de Restorativland, un projet de Kyle Drake visant à exhumer des ruines Web fermées et abandonnées et à les restaurer dans un “état surfable”.
« L’histoire du Web est désormais l’histoire de l’humanité. Comme nous publions en ligne, nous ne laissons plus de traces écrites, ce qui signifie que si nous ne sauvegardons pas l’histoire du Web, c’est fini, pouf, notre histoire est partie. L’âge des ténèbres. »
Kyle Drake (dans un entretien autour de Geocities publié dans Vice en 2020).
La saga de Geocities montre l’importance des sauvegardes des anciens contenus Web et du besoin historique d’accéder à ces sauvegardes.
Dans les collections des musées devraient figurer leurs anciens sites Web.
Pour compléter cet article de muzeodrome, je vous invite à lire celui de Morgane Tual: “Comment Geocities a démocratisé l’usage du Web, à coups de sites illisibles et de Gifs animés”. Pour ouvrir son article (réservé aux abonné-e-s), la journaliste du Monde cherchait une personne ayant publié des contenus dans Geocities - cette personne est celle que vous lisez actuellement.
«Il y avait un côté un peu punk: on ne savait pas faire, on se débrouillait, on s’amusait, on n’avait pas peur. Geocities, c’était une certaine période joyeuse, naïve et créative. On ne se rendait pas compte qu’on était des pionniers.»
Omer Pesquer, Le Monde, rubrique Pixel, 1 novembre 2024
[dans muzeodrome.fr, vous trouverez une version plus longue de cet article]
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Lu, vu, entendu
Vous les avez peut-être ratées, muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Skyblog | L’histoire de Skyblog présente des points communs avec celle de Geocities (voir ci-dessus). Lancée par la radio française Skyrock à la fin de l’année 2002, la plateforme de blogs très populaire pendant les années 2000 a définitivement fermé pendant l’été 2023. “Très en amont, avant la date fatidique du 21 août 2023, les équipes de Skyrock avaient pris contact avec l’INA et la BnF pour que “les skyblogs rentrent dans l’Histoire””. Dans deux billet du carnet “Web Corpora”, Alexandre Faye raconte l’histoire de Skyblog et sa sauvegarde (avec “les choix documentaires et techniques effectués” par la BNF).
Images patrimoniales | L’Institut national d’histoire de l’art (INHA) publie le Recueil de bonnes pratiques pour la mise en ligne des images patrimoniales, de Martine Denoyelle (INHA) et Damien Petermann (Bibliothèques Universitaires, Université Jean Moulin Lyon 3). Ce recueil essentiel et gratuit “s’inscrit dans la lignée des textes d’information et d’accompagnement destinés aux professionnels de l’histoire de l’art et du patrimoine produits par l’INHA depuis les débuts de la mission « Images/Usages », en 2017”.
Kinky | En octobre 2021, dans le n° 96 de l’infolettre, j’avais interviewé le créateur de contenu culturel Hugo Spini (alias Whereverhugo). Figurez-vous qu’il vient de publier à la mi-octobre 2024, chez Hugo Image (cela ne s’invite pas!), un ouvrage titré “69 oeuvres cultes de l’histoire de l’art” - avec un sous-titre encore un peu plus explicite qui évoque un film bien connu du début des années 1970 : “Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe dans l'art sans jamais oser le demander“.
Au-delà du regard | La chercheuse Viviana Gobbato (voir son entretien dans le n°102 de l’infolettre) publie aux Editions de l’Harmattan “Au-delà du regard - Éclairer le musée, du design à la médiation“, un ouvrage qui “explore la pratique, le concept, la réception et l’application de l’éclairage muséographique pour les collections, en se basant sur une perspective muséale et des pratiques en Europe”. L’auteure analyse dans celui-ci les trois fonctions de l’éclairage muséographique (ostensive, cognitive, esthétique) et propose une réflexion sur les concepts émergents de «design-lumière» et de «médiation sensorielle lumineuse ».
Un musée du rap ou du graffiti ? | Dans le précédent numéro de l’infolettre (le 149), je vous posais la question “Seriez-vous plutôt pour ou plutôt contre la création d'un musée du rap et des cultures urbaines en France ?“. Vous êtes 89% à avoir répondu “Plutôt POUR”, 5% à avoir répondu “Plutôt CONTRE” et 6% à avoir répondu “Je me prononce pas“ (résultat pour 85 votants). A propos de la création d’un musée des cultures urbaines, Laure Pressac, qui nous parlait de graffitis dans le n°149, ajoute dans un commentaire qu’il y aurait déjà plusieurs projet en cours “Un Aérosol à Saint-Denis qui sera aussi un musée du hip hop avec une collection. D'autres espaces sont en cours d'ouverture à Toulouse et Marseille“. A suivre…
Une Micro-Folie en prison | La plus grande prison d’Europe, celle de Fleury-Mérogis (91), accueille depuis le début du mois d’octobre 2024 une Micro-Folie. La 500e du dispositif et “une première en milieu pénitentiaire“ (lire cet article du Monde).
La théorie de l'Internet mort | “Des contenus sur Internet essentiellement produits par des machines et destinés à faire cliquer des humains...” (Marie Tomaszewski - l’ADN, 2 juillet 2024). Apparue dans les années 2010, la théorie de l'Internet mort était au départ une idée sur une possible évolution d’Internet. Depuis, quelques mois, avec l’explosion des mauvais contenus générés par des IA (les slops), l’Internet Mort ou presque (on peut aussi le nommer l’Internet Zombie) gagne chaque jour du terrain.
Pionnières | “Gardiennes de cimetière, fossoyeuses, embaumeuses, criminologues, responsables de chambres funéraires ou de crématoriums… autant de professions dans lesquelles, aujourd’hui encore, on attend peu les femmes. Et pourtant, elles furent et sont encore bien là !”. Après “Funèbre!“ en 2020 et “Momies!“ en 2022, Juliette Cazes (voir son entretien dans le n° 147 de l’infolettre) publie son troisième ouvrage aux Éditions du Trésor : “Pionnières du monde funéraire!“
Au lit avec la Tech | Vous vous en doutez, je lis beaucoup d’infolettres. Dans ce numéro, je vous recommande la lecture d’“In Bed With Tech“, l’infolettre hebdomadaire de
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Voila, c’est déjà la fin de ce numéro anniversaire ! Avant de partir, n’oubliez pas de donner votre avis au travers d’un message, d’un commentaire ou d’un simple appui sur le 💜. De plus cette publication est publique, n'hésitez pas à la partager.
La suite au prochain numéro - à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer. Spécialiste des technologies, usages et formats, j’accompagne depuis plus de 20 ans les organisations culturelles (musées, centres d'art, sites patrimoniaux, éditeurs...) dans le développement de leurs projets numériques.
Site Web ⁓ LinkedIn ⁓ Mastodon
P.S.: Merci à Michel Kouklia pour la relecture de ce numéro.
P.S.2: ce numéro a été écrit en écoutant la version de “5 Years” performée en 1972 par David Bowie dans l’émission de la BBC “Old Grey Whistle Test”.
”News had just come over
We had five years left to cry in
News guy wept and told us
Earth was really dying
Cried so much his face was wet
Then I knew he was not lying”
5 Years - David Bowie
J’espère sincèrement que dans 5 ans la terre ne sera pas morte - peut-être même que muzeodrome sera toujours actif quelque-part. Qui sait ?
Très bel anniversaire cher MuzeodrOmer !! Bravo pour ce travail passionnant ! Au plaisir de se croiser pour trinquer à ces 5 ans ! Michel
Quel parcours ! Bon anniversaire à Muzeodrome.