Salut à toutes et tous,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
Pas abonné·e·s ?
Ce numéro 120 débute par une installation qui questionne celles et ceux qui prennent le temps de s’asseoir sur un ensemble de sculptures molles.
▙
Des anticipations pour changer l’espace public 😶
L’artiste Iván Argote est né à Bogota (Colombie) en 1983. Lorsqu’il débarque en Europe en 2005, il trouve “super bizarre” de voir des obélisques dans l’espace public.
Pourquoi cela semblait-il normal pour tout le monde ?
Quel est le sens de l’avoir là à cet endroit, aujourd’hui ?
Pour Argote : “l’histoire des obélisques reflète clairement comment l’espace public a toujours été un outil de propagande reproduisant un récit de force et de contrôle”. Son installation immersive Air de jeux milite pour un espace public plus horizontal :
“Air de jeux est une installation composée d'une vidéo à trois canaux projetant une trilogie d'actions/films que j'ai réalisés dans trois villes différentes (Rome, Madrid, Paris) autour de monuments coloniaux et accompagnée d'un ensemble de sculptures molles, telles des ruines, où les gens peuvent s'allonger, contempler les images, écouter le son tout en étant introduits à certaines questions sur l'utilisation politique de l'espace public.”
Iván Argote dans le site programmeairdejeux.fr
Pour Iván Argote, le rôle de l’artiste est de poser des questions et “d'imaginer des futurs possibles”. Pour ces actions autour des monuments coloniaux, l’artiste colombien a déployé une démarche prospective active. Dans plusieurs d’entre-elles, il a utilisé des répliques de monuments qu’il a fait circuler.
L’action qu’il a menée à Paris avec la complicité de l’historienne Françoise Vergès et du journaliste de Regards Pablo Pillaud-Vivien est différente des autres. Le 20 avril 2021, @Regards_fr twittait : “On a assisté au déboulonnage de la statue de Gallieni ! Ce lundi, Place Vauban, dans le 7ème arrondissement de Paris, Regards a été témoin d’une opération de déboulonnage de la statue du général de son socle. Des images à peine croyables...”
La statue de Joseph Gallieni érigée Place Vauban est la cible d’actions militantes depuis des années. Si le début de l’intervention menée par d’Iván Argote est véritable (l’arrivée de la grue, le sanglage de la statue), la suite diffusée en ligne a été réalisé avec des trucages numériques.
L’installation Air de jeux est d’autant plus surprenante qu’elle est aussi fortement accueillante : légèreté des images - douceurs de la bande sonore et des assises en velours roses - sans oublier les traits d’esprit de l’artiste. Elle est à expérimenter au Centre Pompidou, du 5 octobre 2022 au 2 janvier 2023, dans le cadre de l’exposition temporaire “Prix Marcel Duchamp 2022 - Les nommés”.
▚
Misère de musées 😕
Si je vous dits “misère de musées”, quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit ? Depuis décembre 2017, un compte Instagram est consacré à ce sujet.
Si comme le dirait un de mes bons amis “la critique est plus facile que la réalisation“, elle peut être stimulante alors je vous propose ci-dessous un entretien avec la personne qui administre ce compte - personne qui restera anonyme.
Pourquoi le compte Instagram @misere_de_musees ? Quels étaient vos objectifs en ouvrant celui-ci ?
Je visite beaucoup de musées et depuis longtemps, d'abord pour mes études puis pour mon travail, j'observe avec attention les mots, les matières, les sensations et j'aime chercher la petite bête. Un jour, j'ai voulu partager mes trouvailles et aussi montrer les musées sous un angle différent, plus proche et plus réaliste.
Êtes-vous une ou plusieurs personnes derrière ce compte ? Recevez-vous souvent des échecs muséaux d'autres personnes ?
Je suis seule et jusqu'à l'été 2022, ce n'était que mes trouvailles, même si la mention de mes DM ouverts était déjà là. Je suis heureuse qu'on m'en envoie, j'ai plein d'échanges de visiteurs, de pro de musées. Aujourd'hui, la moitié sont des échecs envoyés par d'autres, ce que je signale en fin de post.
Vos publications montrent aussi les difficultés économiques des institutions - est-ce que vous souhaitez souligner ces difficultés qui sont rarement évoquées ?
Les musées ont des difficultés, subissent la même casse délibérée que le reste des services publics. Et ça a des conséquences dans les équipes et face au public. Leur communication ne peut pas se résumer à des jolies images de salles vides ou des détails sur les collections
Avez-vous eu des retours de musées ciblés par vos publications ? Savez-vous comment ceux-ci perçoivent votre côté poil à gratter ?
Aucun musée ne m'a contactée, je dois être trop petite et passer sous les radars institutionnels ˆˆ
J'essaye d'adopter un ton et une approche non agressive et je ne critique que des institutions capables de ne pas faire ce qu'elles font, jamais de très petites structures qui font comme elles peuvent.
Qu'est ce qui vous motive aujourd'hui à continuer ce projet critique ?
J'ai un angle d'approche intarissable, il y aura toujours des trucs à critiquer dans les musées et c'est une bonne chose ! J'aime profiter des ratés pour parler d'accessibilité, de conservation préventive, de construction de sens, bref de muséo qui est le cœur de mon métier et que j'aime beaucoup.
Une ressource singulière à proposer aux lectrices et lecteurs de Muzeodrome ?
Pour rester sur Instagram, les comptes de mèmes de professionnels comme @meme2regie @museumshit ou @internationalmountmakersforum. Blagues de niche et regard sincère sur les musées vus de l'intérieur.
▚
Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations et ressources pour vous :
Podcast | Omnia Culture, “cabinet de recrutement et d'accompagnement à l'insertion professionnelle dédié aux secteurs de la culture”, vient de lancer son podcast bimensuel : OmniaTips. Invitée du premier épisode : Anne-Sophie Marchal - sujet : “Quel futur pour la médiation culturelle ?” ; invitée du second : Sarah Favre - sujet “La place de la communication digitale dans les musées“ (j’avais interviewé Sarah dans le n°87 de l’infolettre).
Décadrage | Pour prolonger la thématique de la première notule de ce numéro, je vous invite à lire dans le numéro 6 de l’infolettre La botte de Champollion un article sur l’exposition “Décadrage colonial”. Cette exposition présentée au Centre Pompidou du 7 novembre 2022 au 27 février 2023. “établit une mise en parallèle inédite entre des photographies prises par des artistes se revendiquant du Surréalisme d’une part, et des textes et d’autres documents produits par des militantes et des militants anticoloniaux d’autre part, dans les années 1930.”
Visites en ligne | “De nombreuses institutions culturelles ont mis en place au cours de ces dernières années des expérimentations de visites en ligne dans l’objectif d’atteindre de nouveaux publics ou pour offrir un complément de visite à ceux fréquentant déjà leurs murs”. Dans un guide à destination des institutions culturelles, “le ministère de la Culture propose un ensemble de ressources consacrées à la mise en œuvre et à l'évaluation des visites en ligne“ - Un guide stratégique qui est le “fruit d'une réflexion commune” avec les deux consultants indépendants Elisabeth Gravil de MUSEOVATION et Antoine Roland de {CORRESPONDANCES DIGITALES]. Je reviendrais sur ce guide dans un prochain numéro de l’infolettre.
Ouverture | “Paris Musées a dépassé le seuil des 200 000 œuvres dont les reproductions sont librement réutilisables. Sur un total de 332 000 œuvres illustrées et 372 000 œuvres en ligne. #OpenGlam“ < message publié le 9 novembre 2022 par Pierre-Yves Beaudouin (Administrateur de l'association Wikimedia France, en charge du plaidoyer).
Deepfakes | En mai 2022, l’infolettre publiait un numéro spécial sur les Deepfakes. Un projet récent à mis cette technologie en lumière de façon monumentale. Pour leur nouvelle création, Inook (duo de designers composé par Moetu Batlle et David Passegand) a choisi de se ressourcer au Musée des Beaux Arts de Lyon en y sélectionnant un ensemble de portraits. Le duo a ensuite passé les images des œuvres choisies dans “des algorithmes déchainés” pour les mettre en mouvement sur “une bande-son du tonnerre” (des tubes connus par toutes et tous). L’objectif du duo était de faire chanter et danser les foules de la Fête des Lumières de Lyon 2022 (du 8 au 11 décembre 2022). Pari réussit pour les publics - l’œuvre d’Inook intitulée "Grand Mix" a été la lauréate du Trophée des Lumières. D’un autre coté on peut se demander si le déploiement d’énergie de la Fête des Lumières n’a pas été un kilomètre de plus sur l’autoroute vers l’enfer.
Lumières | Bravo à Viviana Gobbato qui a récemment obtenu le grade de docteur en muséologie de l’Université Sorbonne Nouvelle avec les félicitations du jury. Le sujet de sa thèse développé en 1248 pages: « Éclairer le musée d'art : histoire, enjeux et fonctions. De l'éclairage muséographique, au design lumière et à la médiation sensorielle lumineuse » (j’avais interviewé Viviana dans le n°102 de l’infolettre). Sur la mise en lumières des expositions, ARTE Journal a diffusé début octobre 2022 un reportage sur le métier de "concepteur-lumière" en prenant pour exemple le travail effectué par Léopold Mauger sur l’exposition temporaire consacrée à Edvard Munch au musée d'Orsay (Paris).
▝▝▝
🤗 Soutenir l’infolettre Muzeodrome 🤗
Trois actions simples et rapides pour soutenir l’infolettre:
1] Cliquer sur un 💜 (🠕🠗 sous le titre ou en bas), si vous avez aimé ce numéro.
2] Ajouter un commentaire à ce numéro pour le compléter.
3] Partager et recommander l’infolettre à toutes les personnes qui pourraient l’apprécier 🙏
▝▝▝
Un court message envoyé vers un Orbitel 901 💬
”Cela s'est produit le 3 décembre 1992, lorsque l'ingénieur expérimentateur canadien Neil Papworth, qui travaillait pour Sema Group Telecoms à Reading, au Royaume-Uni, a envoyé le message textuel "Joyeux Noël" à Richard Jarvis, le directeur technique de Vodata, la filiale de services à valeur ajoutée de Vodafone, située à Newbury, au Royaume-Uni.”
(Source : Mobile Phone Museum)
Envoyé depuis un PC vers un téléphone cellulaire par Neil Papworth, alors que celui-ci n’avait que 22 ans, ce court message est reconnu comme le premier SMS commercial officiel - même si avant celui-ci plusieurs essais techniques avaient été effectué par différents acteurs. En décembre 2022, le SMS a donc fêté ses 30 ans. Le modèle de téléphone mobile qui avait reçu ce message était un Orbitel 901. Pour en apprendre un peu plus sur cette machine britannique, direction le site web du Mobile Phone Museum :
“En mai 1992, il a été le premier téléphone approuvé pour une utilisation sur les réseaux GSM. Le plus grand titre de gloire du 901 est qu'il a été le premier téléphone au monde à recevoir un message SMS .“
(Source : Mobile Phone Museum)
Lancé en 2004, le Mobile Phone Museum est un projet du collectionneur britannique de téléphones mobiles Ben Wood. La collection du Museum compte “plus de 2400 modèles individuels provenant de plus de 200 marques différentes”. Actuellement principalement présentée sur son site web, cette collection nous invite à réfléchir aux obsolescences techniques, fonctionnelles et de design des dispositifs technologiques.
Joyeux noël à toutes et tous.
▟
Voila, c’est déjà la fin de ce numéro 120 - Merci pour votre attention
La suite au prochain numéro en 2023 - à tout soudain,
o m e r
Je suis Omer Pesquer. Spécialiste des (autres) numériques, j'accompagne les organisations culturelles pour stimuler et prolonger leurs rencontres avec leurs publics.
🤗 Si vous dégustez Muzeodrome avec plaisir, j'apprécierais vraiment que vous le souteniez en faisant suivre ce numéro à un·e ami·e ou en le partageant dans les espaces en ligne que vous pratiquez.
Les 119 éditions précédentes de Muzeodrome sont consultables ici.
P.S.: Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro. Merci à Solweig Mary de m’avoir rappelé l’anniversaire du premier SMS. Dans le n°6 de l’infolettre (décembre 2019), je vous avais déjà parlé de ce SMS historique mais avec un peu moins de détail.
P.S.2 : En écho avec le titre de ce numéro et sa première notule - je vous invite à lire “Le mou est partout“, un numéro de La vie matérielle - l'infolettre de .
Toujours hyper interessant. L’esthétique du Mou versus celle du Dur me fait penser aussi à l’éternelle comparaison entre les sciences molles et les sciences dures ( perçues comme plus légitimes bien sûr …)
Bravo. Je dévore chaque semaine votre Newslettre qui est une source d’inspiration et de lecture très agréable.
Joyeuses fêtes et continuez ainsi.
Basile