Salut à tou·te·s - bienvenue dans Muzeodrome,
Je vous propose cette semaine un numéro qui débute par une combinaison spéciale.
Raconter les mondes futurs (avec des objets) 💡
Du 3 novembre 2021 au 30 janvier 2022, la Cité du design de Saint-Étienne, en collaboration avec le Centre national d’études spatiales, présente l’exposition “Homo Spatius - designers de l’espace”.
“L’exposition explore les croisements de ces deux épopées, de l’exploration spatiale et du design, qui se nourrissent l’une l’autre avec des périodes de plus grande intensité. Le basculement dans les temps modernes donne ainsi lieu à un foisonnement où l’on croise des astronomes aventuriers, des scientifiques littérateurs, des artisans inventeurs.”
Je n’ai pas encore eu l’opportunité de visiter cette exposition mais son affiche m’a interpellé. Sur celle-ci figure un homme dans une combinaison spatiale un peu étrange portant le numéro 3. L’homme semble marcher sur le sol désertique violet d’une lointaine planète. En voyant cette photo, on se demande s’il s’agit d’un photogramme d’un film de science-fiction méconnu. Il n’en est rien.
En fait cette photographie d’Oscar Fritz Goro présente un prototype de combinaison lunaire - la Lunar Exploration Suit “Model MK 1” (aussi nommée “Grumman Moon Suit”) conçue en 1960 par l’ingénieur Allyn B. Hazard. Réalisée lors d’un test effectué par son inventeur dans le désert des Mojaves (Californie), cette photographie fut publiée le 27 avril 1962 en couverture du magazine LIFE, avec le titre “Le voyage de l'homme vers la lune - aperçu de la plus grande aventure de tous les temps“. Même si la NASA a choisi de ne pas produire cette combinaison, elle marqua les esprits et fut porteuse d’un fort élan pour la conquête spatiale (qui sera exploité en 1966 par Mattel avec un jouet iconique de la gamme “Major Matt Mason“).
A la question “que signifie le design fiction ?” de Torie Bosch dans magazine SLATE, l’auteur de science-fiction et théoricien états-unien Bruce Sterling répondit en 2012:
“C'est l'utilisation délibérée de prototypes diégétiques pour suspendre l'incrédulité face au changement… Cela signifie que vous réfléchissez très sérieusement à des objets et des services potentiels pour essayer d'amener les gens à se concentrer sur ceux-ci plutôt que sur des mondes entiers, des tendances politiques ou des stratégies géopolitiques. Il ne s'agit pas d'une sorte de fiction. C'est un genre de design qui raconte des mondes plutôt que des histoires.“
Depuis des années, je crois en la puissance des conceptions spéculatives et des prototypes diégétiques pour orienter nos chemins dans les mondes futurs. Et vous ?
Pour approfondir le sujet, je vous recommande (si vous avez un peu de temps) la lecture de l’article de David Kirby “Le futur au présent : les prototypes diégétiques et le rôle du cinéma dans le développement scientifique et technique” publié en version longue par Poli revue en bonus de son numéro 8 “Les images de la science“ (PDF de 30 pages).
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Démêler le vrai du faux 🙃
Marion Carré : ”Il y a un bientôt 1 an, je me suis lancée dans un projet artistique un peu fou : créer de fausses archives à l'aide d'une intelligence artificielle.”
Depuis 2017, l’année où elle a co-fondé Ask Mona, Marion Carré explore sous différents angles et avec différentes casquettes les relations entre art et intelligence artificielle. Extrait d’une présentation de son projet “Selective Memories”:
”Des études montrent que les fakes news créent de faux souvenirs dans nos mémoires individuelles. Notre mémoire collective et nos archives seraient-elles perméables à un tel phénomène ? C'est l'une des questions qu'explore "Mémoires sélectives". Cette plateforme en ligne présente à ses participants, de façon aléatoire, de vrais et faux textes d'archives que rien ne permet de distinguer en leur demandant de choisir s'ils veulent l'archiver ou le détruire.”
Après avoir expérimenté “Selective Memories” qui présente 200 archives à classer (100 authentiques et 100 fausses), j’ai posé deux petites questions à Marion Carré.
Il serait intéressant d’en savoir plus sur les participant·e·s et leurs pratiques ?
“Avec la chercheuse Kohinoor Darda (Université de Pennsylvanie), on mène une étude en parallèle pour comprendre si le background des participants (académique ou professionnel) peut influencer leurs perceptions du vrai / faux.”
Penses-tu qu'un établissement culturel, particulièrement un musée ou une archive, pourrait mobiliser in situ un dispositif de ce type ?
“Ce dispositif place entre les mains de ses participants un processus qui leur échappe habituellement : celui de choisir ce qui doit être préservé ou non. Nous oublions facilement les filtres qui conditionnent ce qui est exposé et ce qui ne l'est pas. Notre perception du temps (et de sa part de hasard) comme le seul arbitre de ce qui parvient jusqu'à nous peut éclipser la somme des décisions de préservation. C'est pourquoi ce type de dispositif pourrait avoir toute sa place dans un musée ou des archives.“
Marion Carré précise aussi que “pour le moment, dans 70% des cas les participants choisissent d'archiver les fausses archives ou de détruire les véritables”. Une fois que toutes les archives auront été classées, elle promet de présenter l’ensemble des statistiques du projet. En attendant, c’est à vous de démêler le vrai du faux.
► selectivememories.org
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Une nouvelle ère 🆕
Comme vous l’avez certainement remarqué, dans Muzeodrome, j’aime revenir sur l’histoire de l’informatique car elle reste trop peu connue.
“En 1969, la Nippon Calculating Machine Corporation a demandé à Intel de concevoir 12 puces personnalisées pour sa nouvelle calculatrice avec imprimante, la Busicom 141-PF. Les ingénieurs d'Intel ont proposé une nouvelle conception comprenant seulement quatre puces, dont une qui pouvait être programmée. Cette puce programmable, connue plus tard sous le nom d'Intel 4004, est devenue le premier microprocesseur à usage général.” (Source : Intel)
Conçu par une équipe d'architectes logiques et d'ingénieurs silicium (Federico Faggin, Marcian “Ted” Hoff, Stanley Mazor et Masatoshi Shima), le microprocesseur 4004 prolongeait des réalisations précédentes. L’annonce de la commercialisation du 4004, qui affirmait l’arrivée d’une “nouvelle ère de l'électronique intégrée“, a eu lieu le 15 novembre 1971 (il y a 50 ans). Quelques mois plus tard, en avril 1972, Intel lançait le premier microprocesseur 8 bits, le 8008 (voir Muzeodrome n°82). Aujourd’hui, les microprocesseurs sont présents partout, tout autour de nous. Le “vieux” 4004 figure dans les œuvres de certains artistes et bien sûr dans les collections de plusieurs musées. Il est particulièrement mis en avant dans le parcours permanent de l’Intel Museum basé à Santa Clara en Californie.
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Lu, vu, entendu ⚡
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces ressources pour vous :
Vous voulez plus de combinaisons spatiales (voir la notule 1) ;-) Je vous invite à visionner une vidéo publiée le 26 octobre 2021 par Adam “MythBusters” Savage. Dans celle-ci, le vulgarisateur compare deux combinaisons spatiales - une états-unienne, l’autre soviétique. Ces deux combinaisons étant présentées côte à côte dans les espaces du National Air and Space Museum du Smithsonian (Washington, États-Unis).
Pour son 25e épisode, “Sens de visite”, le podast de Jérémie Thomas (Voir Muzeodrome n°68) a suivi la formidable dessinatrice Christelle Téa dans son exposition "Musées dessinés" au Musée Cognacq-Jay (voir les numéros 94 et 41 de l’infolettre). Je vous invite chaleureusement à l’écouter. Par ailleurs, Christelle Téa sera présente de 10h à 18h au Musée Cognacq-Jay les mercredi 1 et dimanche 5 décembre 2021 (dernier jour de son exposition).
Vous aimer les musées dessinés ? Entre mai et juillet 2021, l’illustrateur Lapin a passé un mois au musée des Arts et Métiers à Paris. Cet “autre regard sur la collection scientifique et technique conservée au musée” fera l’objet d’une balade dessinée dans le parcours de visite du 30 novembre 2021 au 8 mai 2022. Quelques semaines avant sa résidence au musée des Arts et Métiers, pendant 15 jours consécutifs, lapin avait croqué sans relâche dans son carnet n°202 la fantastique collection du Musée de l’Air et de l’Espace.
Pour terminer ce numéro, une petite question : connaissez-vous le générateur de mèmes médiévaux de la bibliothèque royale des Pays-Bas ? Non, alors direction www.medievalmemes.org (via @Marie_LSJ et Damien Petermann)
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Omer
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➕ Je suis Omer Pesquer, consultant spécialiste des technologies et des usages associés au numérique. Indépendant depuis plus de 15 ans, j'accompagne les organisations culturelles et les entreprises dans leurs développements numériques. Avec l’infolettre Muzeodrome, je plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions en établissant des ponts entre le passé, le présent et les futurs.
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.