Salut à tou·te·s,
Bienvenue dans Muzeodrome, l’infolettre inspirante qui vous plonge dans la créativité des musées et des espaces d’expositions. Cette semaine, je vous propose de débuter ce numéro par un retour en 1996 :
👀 Illustration : Ada Hop (d’après un photogramme de la vidéo “Kenneth Goldsmith Interview: Assume No Readership“ publiée par Louisiana Channel)
1) UbuWeb 1996 💥🕸️
Le 19 octobre 2020, je vous parlais de la disparition de Kenneth Goldsmith de Twitter (la semaine suivante, je vous donnais la raison de celle-ci).
Du 22 mai au 1er juillet 2021, le Château de Montsoreau – Musée d’art contemporain (Maine-et-Loire) consacre une exposition à l'artiste/écrivain new-yorkais à l'occasion des 25 ans d'UbuWeb (https://ubu.com/).
“En 1996, au tout début du web, Kenneth Goldsmith a créé UbuWeb pour publier des œuvres de poésie concrète difficiles à trouver. Ce qui n'était au départ qu'un site destiné à partager les œuvres d'un mouvement littéraire relativement obscur est devenu une archive essentielle de la littérature, du cinéma et de la musique d'avant-garde et expérimentale des XXe et XXIe siècles.” (Source: Columbia University Press).
L’exposition proposée par le Château de Montsoreau – Musée d’art contemporain “questionne le statut complexe et multiple d’UbuWeb, à la fois site d’archivage, bibliothèque numérique, musée virtuel et œuvre d’art militante”. Elle revient aussi sur 1996, une année charnière dans le parcours de Kenneth Goldsmith. Cette année là, l’artiste crée la pièce conceptuelle Soliloquy qui restitue tous les mots qu’il a prononcé durant la semaine du lundi 15 au dimanche 21 avril 1996. Quelques mois plus tard, en novembre, il lance UbuWeb. Agnès Peller dans son texte consacré à UbuWeb souligne que le site web “s'est construit par strates”. Elle indique aussi que “cette construction évoque la logique d'une collection singulière, telle une Wunderkammern, ces inventaires intimes, chambres des merveilles qui précédèrent l'ordonnancement des musées.”
En 2011, à l’occasion des 15 ans d'UbuWeb, Thomas Baumgartner avait interviewé Kenneth Goldsmith pour France Culture. Un entretien dont je recommande l’écoute.
2) Ubuweb - un autre web 💭⌨️
“Site clandestin et pirate, bravant toutes les règles du copyright, UbuWeb enregistre aujourd’hui des millions de connexions mensuelles.” (Château de Montsoreau)
Pour UbuWeb, Kenneth Goldsmith a opéré dès sa création à des choix radicaux aussi bien du coté du droit, de la diffusion, que de la technique. Dans son livre “Duchamp Is My Lawyer” (Columbia University Press, juillet 2020), l’artiste revient sur l’histoire de Ubuweb mais aussi sur les principes qu’il a mis en place pour la pérennité de son projet. En 2019, la revue “Multitudes” publiait sous la forme d’un article une partie du premier chapitre de ce livre. Cet article demeure une excellente introduction à la philosophie d’UbuWeb et aux choix techniques qui en découlent… Extrait :
”Après plus de deux dizaines d’années et une série de changements techniques bouleversants dans le web, nous sommes restés avec le HTML simple, et c’était la bonne décision… Je rédige UbuWeb dans un éditeur de texte de base, le même depuis 1996. Le code est simple, concis et lisible. Le résultat, c’est un site qui non seulement fonctionne, mais qui est plus simple à entretenir.“ Kenneth Goldsmith
Une des forces du site est d’avoir su rester dans un cadre technique restreint et ne n’avoir pas évolué vers un web de plus en plus complexe dépendant de l'informatique en nuage et des géants du Net.
”Tout le monde veut se précipiter vers le centre : on écrit même des livres sur la façon d'obtenir un meilleur Googleranking. Nous allons dans la direction opposée. Nous voulons quitter Google.” Kenneth Goldsmith in Believer Magazine (en 2011)
UbuWeb montre un autre chemin dans le numérique. Par choix, son contenu n’est pas référencé par Google et pourtant la visibilité du site n’a cessé d’augmenter au fil des années.
“UbuWeb incarne une communauté instable, ni verticale ni horizontale, mais plutôt un modèle nomade deleuzien : un espace à 4 dimensions qui s'étend et se contracte simultanément dans toutes les directions, se développant de manière "rhizomatique" avec une imprévisibilité et une étrangeté toujours plus grandes.”
Kenneth Goldsmith, “UBUWEB WANTS TO BE FREE“, 2001
3) Flashs et retours ⚡🌐
Vous les avez peut-être ratées, Muzeodrome a compilé ces informations pour vous :
Le «musée déconfiné» présente côte à côte une image d’une œuvre du musée Fabre (Montpellier, Hérault) et une vue “Google Streetview”. L’exploration de la cinquantaine de duos s’opère au travers d’un cartographie OpenStreetMap. Ce module, qui souligne la continuité temporelle de certains lieux, est une des propositions décentrées de « Fabre dans mon canapé » - un site complémentaire conçu et développé par Arnaud Martin (voir Muzeodrome n°37) + Diala Aschkar de 23Forward (Montpellier) et Emmanuel Rouillier de Mosquito (Paris).
Sous-titrée “9 œuvres abstraites pour le navigateur Internet”, “Sans objet” est une exposition virtuelle d'art numérique proposée par le Centre Pompidou. (Je vous en reparle plus en détails dans un prochain numéro).
Fermés pendant de long mois en 2020 et 2021, les musées de Dijon (Côte-d'Or) ont profité de ce moment particulier pour réaliser avec l’agence honest une mini-série vidéo sur leurs "missions qui sont bien souvent invisibles aux yeux des visiteurs” (/via Loïc Lefebvre).
Édith Pauly vient de publier aux éditions Alternatives “Street art XXS” : “Loin des fresques monumentales, qui depuis plusieurs années s’imposent dans les villes et les festivals du monde entier, les œuvres de petite taille se font dorénavant la part belle dans toutes les disciplines du street art”.
“Descubrir otras digitalizaciones“ - Mon article "Ouvrir d'autres numériques" (publié dans la Lettre de l'OCIM n°194) a été traduit en espagnol par El Museo Transformador.
4) En ligne, mais où ? 🕸️🕸️
Pendant l’année 2020 et le début de l’année 2021, face à la crise sanitaire, les musées ont déployé une offre importante et riche de contenus en ligne. Mais est-ce que les sites web des musées ont vraiment été plus visités pendant cette période ?
Comme, je vous l’indiquais dans le n°75 de l’infolettre la recherche "musée" dans Google n'a jamais été aussi faible que pendant cette période (de même pour la recherche “museum”). Il est difficile de se rendre compte de l’audience des sites web des musées, car les institutions donnent rarement accès aux données de leurs visites en ligne. Basé au Texas, le stratège numérique Marty Spellerberg a demandé à différents musées nord américains (états-uniens) l’accès aux données de visites de leurs sites web. 22 institutions ont répondu favorablement à cet appel. Avec l’aide de la chercheuse Grace Poole, Marty Spellerberg a analysé ces données. Le stratège numérique a donné la conclusion principale de cette analyse au journaliste de Alex Panetta de CBC News le 8 mai 2021 : "Malgré cette opportunité historique d'apprentissage en ligne... le trafic sur les sites web des musées s'est effondré l'année dernière". Un effondrement qui n’est pas massif mais tout de même marqué : “la moyenne a connu une baisse d'environ 13 % sur l'année”. Toutefois, quelques institutions ont eu un trafic web supérieur aux niveaux pré-pandémiques (Art 21, le Metropolitan Museum of Art, l’History Colorado). C’est aussi le cas du GettyMuseum avec la popularité de son "Getty Art Challenge".
On aimerait pouvoir effectuer ce type d’analyse avec bien plus d'institutions en élargissant son champ à d’autre pays (particulièrement la France). Par ailleurs, il est fort probable que la visibilité des contenus produits par les musées pendant cette période fut plus forte du coté des réseaux socionumériques et des grosses plateformes média mises en place pour les géants du numériques ; la valeur produite par les musées donnant encore plus de force à ces géants.
Ces informations confirment aussi l’importance d’explorer d’autres formats et d’autres numériques…
/Merci à Damien Petermann
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A tout soudain,
Omer Pesquer { https://omer.mobi/ }
Ps : Merci à @dr_kouk pour sa relecture de ce numéro et des précédents.